C’est la première attaque qui vise des touristes depuis la révolution.
Dix-sept touristes étrangers et deux Tunisiens ont été tuées mercredi en plein Tunis dans une attaque d'hommes armés contre le musée du Bardo, la première à viser des étrangers depuis la révolution tunisienne de 2011.
Cette "attaque terroriste", selon le ministère de l'Intérieur, touche le pays pionnier du Printemps arabe qui, contrairement aux autres Etats ayant vécu des mouvements de contestation en 2011, a jusqu'ici échappé au chaos et à la répression.
"L'opération est terminée", a annoncé le porte-parole du ministère, Mohamed Ali Aroui, vers 15H00 GMT, soit environ quatre heures après le début de la crise.
"17 touristes de nationalités polonaise, italienne, allemande et espagnole ont été tués", a déclaré le Premier ministre Habib Essid. Un policier et un civil tunisiens sont également morts, de même que deux assaillants.
"Il y a une possibilité, mais pas de certitude, (que les deux assaillants tués) pourraient avoir été appuyés par deux ou trois éléments et nous menons de vastes opérations de recherches pour identifier ces deux ou trois terroristes", a-t-il ajouté.
Le ministre de la Santé Saïd Aïdi a fait état de 38 blessés, dont des ressortissants de France, d'Afrique du Sud, de Pologne, d'Italie et du Japon dans l'attaque qui n'a pas été revendiquée.
'Désastre'
De son côté le chef de l'Etat Béji Caïd Essebsi a assuré que les autorités faisaient tout pour éviter qu'un tel "désastre" se reproduise.
"Les autorités ont pris toutes les mesures pour que de telles choses n'arrivent plus", a-t-il dit à l'AFP après avoir rendu visite aux blessés à l'hôpital Charles-Nicolle de Tunis. "J'espère qu'avec les moyens dont nous disposerons nous deviendrons plus performants".
Les assaillants, vêtus d'uniformes militaires, ont ouvert le feu sur les touristes alors que ces derniers descendaient de leurs bus puis ils les ont pourchassés à l'intérieur du musée, situé à proximité du Parlement, a relaté le Premier ministre.
Une employée du musée, visiblement paniquée, a témoigné avoir entendu des "tirs intensifs aux alentours de midi. "Mes collègues ont crié: 'Fuis, fuis, il y a des tirs'", a raconté à l'AFP Dhouha Belhaj Alaya. "Nous nous sommes échappés par la porte de derrière avec des collègues et des touristes".
'Panique énorme' au Parlement-
Dans le Parlement, mitoyen du musée, la "panique" était "énorme" lorsque les coups de feu ont retenti, a relaté la députée Sayida Ounissi sur Twitter.
La fusillade est intervenue "en pleine audition des forces armées sur la loi antiterroriste", en présence du "ministre de la Justice, de juges et de plusieurs cadres de l'armée". Les travaux ont ensuite été suspendus.
Rome a indiqué que deux Italiens avaient été blessés et une centaine mis en sécurité par les forces de l'ordre. Certains touristes voyageaient avec le croisiériste Costa, dont un bateau faisait escale dans le port de Tunis.
La France a fait état de quatre ressortissants blessés.
La Pologne pour sa part cherchait à confirmer que quatre Polonais étaient parmi les morts.
"Le terrorisme touche aujourd'hui - et ce n'est pas un hasard - un pays qui représente l'espoir dans le monde arabe. L'espoir de paix, l'espoir de stabilité, l'espoir de démocratie. Cet espoir doit vivre", a déclaré le chef de la diplomatie française Laurent Fabius.
Son homologue américain John Kerry a condamné "avec la plus grande fermeté" l'attaque "terroriste".
Pour Mohsen Marzouk, le conseiller politique du président tunisien, l'attaque "vise notre économie" en allusion à l'importance du secteur du tourisme. "Mais il ne faut pas que nous laissions ce coup nous affecter. Et je suis sûr que le monde gardera sa confiance en nous".
Mouvance jihadiste
Depuis la révolution de janvier 2011 qui a chassé du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie a vu émerger une mouvance jihadiste responsable de la mort de dizaines de policiers et militaires, selon les autorités.
Liée au réseau Al-Qaïda, la Phalange Okba Ibn Nafaâ est considérée comme le principal groupe jihadiste de Tunisie actif à la frontière avec l'Algérie.
De 2.000 à 3.000 Tunisiens combattraient par ailleurs dans les rangs des jihadistes en Syrie, en Irak et en Libye.
Cinq cents autres jihadistes tunisiens sont pour leur part rentrés au pays, selon la police, et sont considérés comme une des plus grandes menaces pour la sécurité.
Des Tunisiens combattant avec le groupe Etat islamique (EI) ont par ailleurs menacé leur patrie ces derniers mois. Selon l'EI, un Tunisien a participé à l'assaut contre un hôtel dans la capitale libyenne en janvier (9 morts), et un autre a mené un attentat suicide à Benghazi (est libyen).
En avril 2002, un attentat suicide contre une synagogue à Djerba (sud) avait coûté la vie à 14 Allemands et deux Français ainsi qu'à cinq Tunisiens. Al-Qaïda avait revendiqué l'attentat.