Interview avec le Conseiller à la sécurité nationale (1977 - 1981) de l’ancien président Jimmy Carter,Zbigniew Brezinski qui s’exprime sur la Syrie, l’Arabie, l’Iran etc..
Zbigniew Brezinski est encore présent au cœur des débats sur la politique étrangère américaine. Conseiller à la sécurité nationale (1977 - 1981) de l'ancien président Jimmy Carter, Brezinski a accordé un entretien avec un groupe de journalistes, dont le correspondant du quotidien libanais asSafir, compris «ambassadeur», en marge du forum de Bruxelles.
Pour Brezinski il faut : «penser stratégiquement, savoir ce que vous voulez, et agir en tenant compte des leçons de l'histoire». Et donc , Brezinski refuse qu’on compare la position américaine en Afghanistan avec la Syrie, une position qui a encouragé et soutenu les «moudjahidines» en Afghanistan, provoquant la création d’alQaida.
Mais la question de savoir qui a les «mains propres». Selon Brezinski, «le problème est de déterminer qui a exactement les mains propres. Par exemple, il y a un groupe de d'opposition au président syrien Bachar alAssad essaie , qui est proche des concepts occidentaux, et qui pour les Etats-Unis est des plus modérés, mais du point de vue militaire , il est inévitablement le plus faible ».
Mais, l'Arabie saoudite a envoyé, en plus de son soutien et de son financement, des «djihadistes» en Afghanistan, ne voyez-vous pas que le même scénario se répète en Syrie? Brezinski répond: «Non, la résistance en Afghanistan était composé que de moudjahidines afghans, ce qui est radicalement différent de ce qui se passe en Syrie, car la résistance afghan était plus des talibans que des Wahhabites en Arabie Saoudite», avant d'ajouter: «Certes, chaque conflit comme celui-ci attire des combattants (étrangers), mais les forces de base en Afghanistan était principalement du pays et non de l'étranger. »
Mais le vétéran politique et académique ne peut s’empêcher de se vanter d’avoir réussi à faire sortir les Soviétiques de l’Afghanistan, répétant l'argument selon lequel la stratégie du «laissez-le saigner» a porté ses fruits. Sauf qu’il n’est pas clair, exactement, si cette même stratégie est appliquée en Syrie aujourd'hui.
A la question si les rumeurs au sujet de «négocier avec Assad » sont véridiques, Brezinsky marque un moment d'hésitation avant de répondre: «Je pense que nous le voulions ou non, Assad est une réalité non seulement dans la vie politique syrienne. La meilleure preuve, c’est que pendant les quatre années d’attaque sur plusieurs fronts, au début avec un soutien américain affiché et, récemment, plus discret, notre facon de voir les choses à changer. Il est clair qu'il doit faire partie de la solution. Mais je ne peux pas dire de quelle manière, mais je ne pense pas que les États-Unis sont en mesure de dicter la solution. »
Toutefois, Brezinski nuance sa réponse en soulignant que le conflit syrien s’inscrit dans un contexte régional complique, ajoutant que « Je suis personnellement pessimiste sur la possibilité de trouver une solution politique à travers Assad car tous les facteurs du conflit encouragent à une longue et destructrice lutte aux conséquences dramatiques sur les gens de la région qui sont les plus touchés ».
Brezinski a soutenu la montée de Barack Obama et a salué ses efforts pour redéfinir un «nouveau rôle américain dans le monde». Pour sa part, le président américain à son tour gratifié Brezinski en le qualifiant comme «l'un des penseurs les plus mémorables».
Interrogé sur la possibilité d’une solution au conflit plus , Brezinsky répond: «C’est une question très complexe et difficile, il est clair que la solution ne sera pas imposée par l'occident. Nous ne vivons plus à l'époque du colonialisme, surtout que la présence des anciennes puissances coloniales occidentales dans la région fait l'objet d’un ressentiment intense, même par des gens qui ne sont pas liés à des groupes extrémistes. Par conséquent, à mon avis, les États-Unis doit éviter toute action suggérant qu'ils essaient d'imposer une solution à leur manière ».
Toutefois il ajoute que « Washington a le droit de riposter lorsque ses citoyens sont brutalement tués, en plus du «droit d'aider les gouvernements arabes qui ont suffisamment de soutien populaire, pour établir un régime plus modéré, ouvert et fiable vraiment».
Pour ce qui est de la question kurde, pour Brezinski la solution à la question «dépendra dans le long terme sur des arrangements très complexes que nous ne pouvons pas rédigés, car elle dépende de la Turquie et du Kurdistan. Cette question est un gros problème pour la Turquie et nous ne ne pouvons pas la résoudre, et donc il est important que la question soit résolue par eux pour éteindre le facteur qui encourage la confrontation ».
Brezinski a ensuite évoqué l'une des étapes qui alimentent le conflit actuel et a conseillé à Washington de garder ses distances.
"Le conflit entre les chiites et les sunnites n’est pas une lutte pour la démocratie, mais une lutte d'un caractère sectaire, il n’est pas dans nos intérêts d’ en faire partie " a-il- ajouté.
Et de souligner : " il serait le meilleur pour chacun d'eux de ne pas exercer une politique internationale fondée sur la violence religieuse, et si nous constatons qu'il y a un pays arabe modéré qui résiste, nous pourrons lui offrir une aide substantielle, mais la question doit être résolu entre eux ".
Après cette présentation, Brezinski s’arrête sur certains pays. Concernant l’ Arabie Saoudite , il estime que ce pays "se modernise lentement mais en même temps ces mouvements wahhabites se renforcent. Je ne pense pas que nous devons soutenir cela parce qu'il contribue à engendrer un conflit. Et donc il vaut mieux pour les Saoudiens de parvenir eux-mêmes à cette conclusion, de ne pas s’engager dans des conflits trop coûteux pour eux et qui menacent la souveraineté économique, regardez ce qui se passe au Yémen"!
Concernant l'Egypte, Brezinski évite de parler de sa crise interne, et préfère de parler de son rôle particulier dans la région : «l'Egypte est une puissance régionale historique d’une grande importance. Elle a réussi à ne pas s’impliquer dans ce genre de politique arabe, mais probablement elle ne sera pas en mesure de l'éviter complètement. Toutefois, elle peut jouer un rôle utile, c’est pourquoi de compatir avec elle ».
Avec toute cette complexité régionale, Brezinski n’a pas perdu le sens de sa boussole en ce que doit être le rôle de Washington: « La dernière chose que je veux voir c’est que certains voient en l'Amérique, à juste titre ou non, la force des puissances coloniales précédentes, qui ont privées les gens de la région de leur identité d'origine, et de s’ asseoir sur la table pour tracer des lignes d’un nouveau 1918 qui divise le Moyen-Orient».
Pour ce qui est de l'Iran, Brezinski estime que la relation est «une combinaison de partenariat tactique, mais il s’agit d’une relation qu’on ne peut pas prédire comment elle évoluera».
Quand au dossier nucléaire, Brezinski est certain d’au moins une chose « pas question de permettre à Israël d’attaquer les installations de l'Iran, rappelant son opposition en 2009 contre Tel Aviv d’attaquer l’Iran »..
Et de conclure: «Si nous aboutissons à un accord nucléaire, il y aura plus de tension et un risque plus grand de voir un conflit éclater surtout que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, évoque avec insistance de faire plier l'Iran à cause de son énergie nucléaire ».