La rancune personnelle que porte Obama contre de Netanyahu ne sert qu’à faire diversion car la relation israélo-américaine est plus solide qu’elle ne l’a jamais été, écrit Jonathan Cook.
Depuis plusieurs mois maintenant, les médias occidentaux présentent le conflit israélo-palestinien en termes d’une nouvelle et profonde dissension et rupture. Le fossé ayant deux côtés, Israël est censé se positionner sur une partie et les Etats-Unis et l’Europe et les autres sont en face, faisant de leur mieux pour défendre les droits des Palestiniens.
Au cours de ces derniers jours, les diplomates Européens ont divulgué un rapport qui critique sévèrement la politique Israélienne à Jérusalem, tandis que les officiels américains l’ont accusé de mener une campagne d’opérations secrètes visant à saboter les pourparlers sur le nucléaire entre l’Iran et les USA.
Il a été rapporté que du côté Européen comme du côté Américain, en l’occurrence le Président Barak Obama, le ton est tout sauf calme. Netanyahu a réussi à rendre les dirigeants occidentaux furieux après qu’il a déclaré lors de sa campagne électorale du mois dernier qu’il n’avait pas l’intention de permettre aux Palestiniens d’établir un état indépendant. C’est ironique mais cette promesse électorale est tout sauf un scoop.
Dans un rapport désormais typique, Newsweek a cité un ancien responsable du renseignement Américain qui a, la semaine dernière, décrit l’état d’esprit actuel à l’intérieur de la Maison Blanche : « Je peux vous assurer qu’à huis clos, les choses vont sans ménagement. Bibi [Netanyahu] est dans la ligne de mire de l’administration. »
Est-ce un scénario plausible ?
Certes, le premier ministre Israélien Benyamin Netanyahu s’est retrouvé au milieu d’un conflit croissant avec la Maison Blanche. Aucun Président n’aime être continuellement humilié par le leader d’un état vassal. Obama souhaitait vraiment la défaite de Netanyahu aux élections.
Mais contrairement à ce que nous supposons généralement, les désaccords très publics qui opposent les deux parties ne sont pas axés sur les résultats, à savoir mettre fin à l’occupation ou bien offrir une solution juste et équitable aux Palestiniens. Il s’agit plutôt d’une querelle s’inscrivant dans le cadre d’une comédie spécialement conçue pour détourner notre attention des questions fondamentales.
Les tensions ressemblent à un théâtre de distraction dont se servent les Etats-Unis et l’Europe pour préserver leur image et leur rôle d’acteurs cherchant désespérément à pousser Israël à agir correctement envers les Palestiniens.
Mais le fait est que l’actuel différend entre Netanyahu et Obama ne concerne vraiment pas les Palestiniens ; le différend tourne autour de l’échec de Netanyahu à assumer son rôle et sa responsabilité en tant que partie d’un soi-disant processus de paix présidé par les Etats-Unis au fil des deux dernières décennies. Mais la supercherie est encore plus profonde.
Un Plan B décevant
Face à l’intransigeance de Netanyahu qui refuse toute solution apportée par les interminables négociations qui ont réussi à maintenir l’illusion d’une occupation temporaire, la Maison Blanche a dû se rabattre sur un Plan B très insatisfaisant. Ceci implique les USA et l’Europe dans le rôle de la partie lésée et contrariée qui ne cesse d’afficher à tout moment sa colère contre un partenaire Israélien qui refuse de coopérer pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien.
Et puisque les Etats-Unis se retrouvent dans une situation où Israël refuse des pourparlers de paix vains et infructueux pour justifier l’inertie totale et continue, ils ont opté pour la mise en scène d’un conflit en coulisses afin de laisser croire que l’Amérique fait de son mieux sur le plan diplomatique pour ramener Israël à la raison. De cette façon, Washington demeurera irréprochable.
Si cela vous parait exagérément cynique, rappelez-vous seulement d’une chose : si les USA voulaient réellement mettre fin à l’occupation, ils peuvent le faire en un rien de temps. La solution est très simple, il suffit juste de couper l’aide financière, militaire, et diplomatique dont bénéficie Israël et se tenir à l’écart pour voir ce dernier s’enliser et battre de l’aile.
Même lorsque le Congrès Américain s’est initialement opposé aux efforts du Président US visant à obliger Israël à être plus coopératif, la Maison Blanche pouvait bien réorganiser et refondre rapidement son discours intérieur au sujet d’Israël et de l’occupation.
La Maison Blanche aurait tout simplement pu commencer à parler, comme ce fut le cas brièvement lors de l’investiture d’Obama, de la manière avec laquelle Israël constituait une menace pour les intérêts Américains au Moyen-Orient, mettait en danger les vies des Américains dans la région et attisait le terrorisme mondial qui finira par se retourner contre les Etats-Unis et les frapper à domicile.
Les critiques soutenues de ce genre, émises par Obama tout comme par le Pentagone, éroderaient rapidement le soutien politique à l’occupation Israélienne, même celui du Congrès.
Mais au lieu de cela, toutes les parties, en l’occurrence Washington, l’Union Européenne, Israël et même l’Autorité Palestinienne, ont conspiré, de gré ou de force, dans l’une des performances les plus malhonnêtes qui soient.
La théâtralisation du conflit
Les tromperies au sujet de l’occupation sont tellement multidimensionnelles qu’il serait totalement incorrect et erroné de croire aux prétextes et allégations de Netanyahu. Lui aussi est impliqué dans une sorte de théâtralisation plus apparente que réelle du conflit aux fins de détourner l’attention de ses concitoyens et les empêcher d’avoir une bonne compréhension de la relation de collaboration qui lie Israël et l’Autorité Palestinienne.
La semaine dernière, soit peu de temps après sa victoire aux élections, Netanyahu a inversé sa politique de retenue d’impôts de l’AP. Cela fait déjà quatre mois qu’il a suspendu les transferts afin de punir Mahmoud Abbas de sa démarche à vouloir adhérer à la Cour Pénale Internationale de la Haye, considérée comme un premier pas vers la poursuite des Israéliens pour les crimes de guerre commis contre les Palestiniens.
A l’époque, Netanyahu avait indiqué que si l’AP décidait de poursuivre sa demande d’adhésion à la CPI, elle ne recevra plus les revenus fiscaux qu’Israël perçoit pour les Palestiniens.
Ainsi, en la privant d’un montant équivalent à $125 millions par mois, l’effondrement de l’AP deviendra inévitable. De ce fait, c’est Israël qui prendrait en charge l’énorme responsabilité financière et militaire de contrôler directement les zones urbaines de la Cisjordanie.
L’AP a refusé de reculer ou reconsidérer son adhésion à la CPI, mais Netanyahu a cependant changé de cap en déclarant, la semaine écoulée, que ce qu’il faisait était motivé par des « raisons humanitaires » à savoir le soulagement des souffrances du peuple Palestinien.
Mais la réalité est qu’il n’avait pas le choix. Ses propres généraux l’avaient pourtant prévenu et à maintes reprises des conséquences fâcheuses de la destruction de l’AP. Netanyahu jouait au dur pour séduire ses électeurs, mais il savait dès le départ qu’il devrait capituler. Et c’est depuis le début que l’opinion publique Israélienne crédule a été victime de duperie et de tromperie.
Les menaces en l’air de l’Europe
Les occidentaux, notamment les journalistes et les analystes ne sont cependant pas moins crédules.
Tout de suite après la victoire électorale de Netanyahu, les diplomates européens ont divulgué au journal The Guardian un rapport confidentiel soi-disant percutant et sans complaisance. Le document a vivement critiqué la politique Israélienne à Jérusalem, probablement l’une des questions les plus controversées sur laquelle les deux parties, Israélienne et Palestinienne, devront un jour trouver un accord.
Dans le rapport, il a été reproché à Israël l’expansion des colonies, la violation des droits de la population Palestinienne là-bas et le sapement de la solution à deux états, ce qui impliquera la division de Jérusalem.
Les diplomates ont également recommandé que des sanctions Européennes soient prises contre Israël et ce, pour faire pression sur Netanyahu et l’amener à satisfaire les demandes des Palestiniens.
En analysant ce fait de plus près, l’on constate que la fuite du rapport était aussi bien une mise en scène dissimulée que l’intransigeance manifestée par Netanyahu envers les recettes fiscales de l’AP. L’objectif était de démontrer le degré de colère de l’UE contre Israël tout en laissant entendre et comprendre que les Européens allaient faire payer le prix à Netanyahu.
Sauf que la nature illusoire de l’ « action » Européenne saute aux yeux dès qu’on commence à lire entre les lignes et à entrevoir ce que cachent les grands titres. Les menaces contre Israël sont vides, et pour deux raisons : premièrement, il apparaît clairement qu’aucune menace ne sera jamais mise à exécution, et deuxièmement, même si ces menaces venaient à être concrétisées, elles n’infligeraient presque aucun tort ou dommage à Israël.
Prenons l’exemple de l’une des recommandations des diplomates. Ils ont suggéré à l’Europe de penser à mettre en place des restrictions d’entrée en Europe aux Juifs connus comme extrémistes, c’est-à-dire les auteurs de violentes attaques contre les mosquées et villages palestiniens en Cisjordanie.
En pratique, cette mesure toucherait un petit groupe de colons idéologiques dont le nombre ne dépasserait certainement pas quelques dizaines, tandis qu’elle ne prend pas en compte la violence systématique qu’infligent l’armée israélienne et les bureaucrates de l’occupation aux Palestiniens. Ce serait comme si on aménageait une station balnéaire sécurisée en mettant hors d’état de nuire quelques petits crabes mais en laissant un gros requin blanc patrouiller les eaux.
Le rapport a également plaidé en faveur de fournir des informations aux clients et consommateurs Européens au sujet des produits exportés des colonies illégales de Cisjordanie. Il faut noter que les diplomates ont seulement suggéré d’améliorer l’étiquetage et non pas d’interdire les produits. En fait, l’interdiction de l’importation de produits et marchandises en provenance de colonies juives établies sur la terre confisquée et volée aux Palestiniens ne devrait en aucun cas faire polémique, néanmoins, ce point n’est même pas inscrit à l’ordre du jour Européen.
En outre, l’exportation des produits des colons représente une infime partie du commerce Européen avec Israël et qui est régi par un accord spécial faisant de l’Europe le plus grand marché d’exportation d’Israël. Et même si l’Europe décidera un jour de ne plus laisser entrer dans son espace les produits provenant des colons, l’économie Israélienne ne subira aucune conséquence fâcheuse.
Par contre, ce qui nuirait à Israël et inquiéterait réellement, ce qui l’obligera à repenser sa politique envers les Palestiniens, serait de le menacer de la révision ou de l’annulation de l’accord de commerce. C’est cette décision qui pourrait décimer les exportations Israéliennes. Malheureusement, une telle perspective est tellement lointaine, voire impossible, qu’aucun politicien Israélien ne l’envisage sérieusement.
Israël accusé d’espionnage
Les évènements récents ont démontré que l’administration Américaine a été tout aussi hypocrite et fourbe dans ses relations avec Israël.
La semaine passée, des responsables Américains ont, sous couvert de l’anonymat, informé le Wall Street Journal qu’Israël avait espionné les négociations entamées avec l’Iran. Non seulement ça, mais Israël est allé informer les opposants d’Obama au Congrès dans une tentative de saboter les pourparlers.
En même temps, le président américain a tiré un autre coup de semonce contre Netanyahu en affirmant qu’il y avait une « réelle divergence politique épineuse » entre les deux au sujet d’un Etat Palestinien.
D’un autre côté, les responsables de la Maison Blanche ont laissé entendre qu’Obama était en train de « réévaluer » la position des Etats-Unis à l’ONU, et pourrait envisager de ne plus utiliser son veto qui protège Israël des résolutions hostiles, soit en dénonçant les colonies ou en affirmant l’établissement d’un état Palestinien.
Certes, la Maison Blanche a, en ce moment, une raison impérieuse de faire pression sur Israël. Les fuites répandues par les responsables Américains et Européens sont en partie conçues de façon à influencer le choix de Netanyahu et l’amener à réfléchir aux noms qui feront partie de la nouvelle coalition au pouvoir. Face à l’appréhension de la Maison Blanche de devoir coopérer avec un autre gouvernement Israélien composé exclusivement d’extrême-droite, Obama souhaite faire comprendre à Netanyahu qu’il devrait tendre la main à Isaac Herzog, le leader centriste de l’Union Sioniste.
Mais à l’instar de Netanyahu, Herzog ne souhaite pas davantage aliéner et abandonner ses partisans en se penchant sérieusement sur la question de l’établissement d’un état Palestinien, d’ailleurs, c’est à peine s’il a mentionné les Palestiniens lors de sa campagne électorale. Il sait pertinemment qu’emprunter ce sentier serait synonyme de suicide électoral.
L’empereur est nu
En levant le voile sur la vérité de la politique de la Maison Blanche au Moyen-Orient et en démontrant qu’elle n’est qu’imposture, Netanyahu a coupé l’herbe sous les pieds des Etats-Unis et de l’Europe. Il a pris le risque de mettre à nu la réalité de l’empereur.
Car sans un partenaire Israélien coopératif, Obama a dû se rabattre sur une histoire de querelle personnelle comme pour justifier le statu quo. Il devra maintenant passer des mois à réprimander et à punir publiquement Netanyahu, alors que dans les coulisses, il poursuivra l’aide et la charité massives et les contrats d’armement exclusifs avec le partenaire Israélien.
Peter Beinart, chroniqueur américain influent qui écrit pour le quotidien libéral Israélien Haaretz, a souligné que les relations israélo-américaines ont « fondamentalement changé » après les élections Israéliennes.
Il a poursuivi en faisant observer que la Maison Blanche établit une distinction prudente et minutieuse entre le soutien politique qui, selon lui, traverse une mauvaise passe, et le soutien militaire et sécuritaire qui est un aspect sanctuarisé et intouchable. « Les responsables de l’Administration insistent sur le fait de ne pas suspendre l’aide militaire car elle risque de nuire et de porter atteinte à la sécurité Israélienne, » a-t-il précisé.
Sauf que ce point, en particulier, constitue l’unique et la plus significative des armes d’influences que peuvent exercer les Etats-Unis sur Israël. Si les liens sécuritaires sont inviolables et inaliénables, alors les menaces d’Obama ne sont que pur cabotinage et manœuvre politique dont il a plus besoin que Netanyahu.
Même lorsque les responsables américains indiquent qu’ils pourraient ne pas utiliser leur veto contre une résolution onusienne soutenant un état Palestiniens, ils ont déjà imposé des conditions qui, en pratique, empêchent les Palestiniens de faire progresser leur cause, comme par exemple insister sur Abbas pour la reconnaissance d’un état Juif.
Washington préférerait que ces menaces vides obligent Netanyahu à reprendre son rôle dans le processus de paix déjà voué à l’échec. Mais comme il sait qu’il n’a pas de soucis à se faire quant aux intérêts d’Israël, Netanyahu semble décidé à camper sur ses positions.
Si tel est le cas, Obama continuera de s’en prendre au premier ministre israélien. Ainsi, il gagnera du temps jusqu’à ce qu’un scénario plus convaincant soit élaboré, l’idéal bien évidemment serait l’éviction de Netanyahu et l’arrivée d’un successeur qui se montrera plus obligeant.
Source: Info Palestine