Les milieux militaires et du renseignement français insistent auprès du leadership politique pour une reprise des contacts et de la coopération avec la Syrie pour combattre le fléau terroriste
En affirmant que les Etats-Unis devaient «au final» négocier avec le président syrien Bachar al-Assad pour trouver une solution politique à la crise, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, reconnait implicitement l’échec de tous les paris occidentaux sur la chute du régime et le renversement des rapports de force en Syrie.
Il avait été précédé, le 9 février, par l’émissaire des Nations unies, Stafan De Mistura, qui avait déclaré, à Vienne, que le président Assad faisait partie de la solution.
Ce revirement de la politique occidentale a été confirmé, lundi 16 mars, par la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, qui a rappelé la position de l’Union européenne, indiquant que «travailler à une solution durable» au conflit syrien passait «évidemment par des représentants du régime d’Assad». «J’imagine que Kerry s’est exprimé dans ce sens. Je ne pense pas qu’il faisait référence à al-Assad lui-même», a-t-elle ajouté.
Ces précisions sémantiques font sourire les observateurs, car de toute manière le président syrien ne fait représenter lors de toute négociation par des «représentants» qu’il choisit lui-même, et qui sont porteurs de ses instructions et de ses recommandations.
Ces observateurs soulignent que le retournement des Occidentaux n’est pas un geste de générosité de leur part mais un changement imposé par les réalités du terrain, nées de la résistance de l’Armée arabe syrienne à la guerre universelle lancée contre la Syrie avec la participation d’une coalition internationale qui a recruté, entrainé, armé et financé des dizaines de milliers d’extrémistes envoyés en Syrie.
La surenchère de Fabius
Après les propos de John Kerry, la France a réagi comme une vierge effarouchée. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a affirmé que négocier avec le président Bachar al-Assad reviendrait à «faire un cadeau absolument scandaleux» au groupe terroriste «Etat islamique».
Evidemment, le chef de file des faucons de François Hollande n’a pas expliqué en quoi cela consiste en un cadeau à «Daech», surtout que l’Armée arabe syrienne est la seule force capable d’affronter sur le terrain cette organisation terroriste. M. Fabius s’est également lancé dans un jeu sémantique, en estimant que «la solution au conflit syrien, c’est une transition politique qui doit préserver les institutions du régime, pas Bachar al-Assad». «Toute autre solution qui remettrait en selle Assad serait un cadeau absolument scandaleux, gigantesque aux terroristes de Daech», a-t-il ajouté.
Les propos du chef de la diplomatie française sont de la pure surenchère et n’ont aucune valeur politique, affirme une source diplomatique à Beyrouth. «D’abord, ce n’est pas la reconnaissance occidentale qui remet en selle le président Assad mais les victoires de son armée sur le terrain. Ensuite, la France n’a aucune marge de manœuvre et finira par accepter bon gré mal gré les nouvelles orientations politiques américaines», poursuit la même source.
L’attitude de Laurent Fabius est d’autant plus bizarre que les milieux militaires et du renseignement français insistent auprès du leadership politique pour une reprise des contacts et de la coopération avec la Syrie pour combattre le fléau terroriste.
A cet égard, le quotidien Le Figaro a révélé, il y a quelques jours, qu’un émissaire français a rencontré le patron des renseignements syriens, le général Ali Mamlouk, en marge de la visite à Damas des quatre parlementaires français. «Patrick Barraquand, contrôleur général au ministère de la Défense et ancien officier de réserve, aurait évoqué avec son interlocuteur syrien les mesures à prendre pour rétablir un certain niveau de coopération sécuritaire, malgré la rupture des relations diplomatiques», écrit Le Figaro.
S’attirer les faveurs du Golfe
Des sources bien informées à Beyrouth assurent que l’hostilité de Laurent Fabius et d’une partie de l’establishment politique français à l’égard du président Assad est due à deux facteurs:
-Défendre les intérêts «israéliens», même aux dépens des intérêts supérieurs de la France. En effet, «Israël» participe de diverses façons à la guerre contre la Syrie pour tenter de renverser le président Assad et son régime, dans l’espoir d’affaiblir l’axe de la Résistance. Mais pour Paris, la priorité devrait être de coopérer avec Damas contre les extrémistes français combattants dans les rangs de «Daech» et qui rentre en France pour commettre des attentats.
-S’attirer les faveurs des pays du Golfe, plus particulièrement de l’Arabie saoudite, dans l’espoir de décrocher quelques contrats d’armements afin de faire créer quelques emplois dans une économie française en faillite… même au détriment des intérêts français à moyen et long termes.
Le président Assad, toujours égal à lui-même, a réagi aux propos des responsables occidentaux en rappelant que seul le peuple syrien est habilité à trancher la question du président et que tout commentaire ou déclaration venant de l’extérieur des frontières «n’est qu’une bulle de savon». Il a invité les Etats-Unis à joindre les actes à la parole après les propos de John Kerry. «Nous écoutons toujours les déclarations. Nous devons attendre les actes, et à ce moment-là on décidera», a affirmé M. Assad. «Tout changement international qui intervient à ce niveau sera une chose positive s’il est sincère et effectif», a-t-il ajouté.
Source : AWD News