Papier d’angle de l’AFP
Après quatre semaines de raids aériens, l'Arabie saoudite est parvenue à affaiblir la rébellion chiite au Yémen mais le royaume a encore beaucoup à faire pour ramener la paix chez son voisin, où Al-Qaïda reste très actif, soulignent des experts.
"Mission accomplie", proclamait mercredi un journal saoudien quelques heures après l'annonce par la coalition arabe dirigée par Ryad de la fin de la campagne de frappes aériennes contre les rebelles Houthis.
Cette annonce a surpris les observateurs, moins d'un mois après le lancement de la campagne le 26 mars après un appel à l'aide du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, aujourd'hui réfugié en Arabie saoudite, face à l'avancée fulgurante des rebelles vers le sud du pays.
Mais le ministère saoudien de la Défense a justifié cet arrêt en expliquant que les frappes étaient parvenues "avec succès à éliminer les menaces pesant sur la sécurité de l'Arabie saoudite et des pays voisins". Il a fait état de la "destruction d'armes lourdes et de missiles balistiques qui avaient été saisis par la milice Houthie. Ces affirmations ont été jugées crédibles par un responsable diplomatique occidental qui a requis l'anonymat.
- 'Ne pas s'enliser' -
Même si une des raisons données à cette opération était de restaurer la légitimité du président Hadi, ce responsable estime que "la mission (de la coalition) n'a jamais été clairement définie". Et pour lui, l'annonce de la fin des bombardements est avant tout "symbolique", les Saoudiens ne voulant "pas s'enliser".
Le porte-parole de la coalition, le général Ahmed Assiri, a cependant pris soin de souligner mardi soir que des interventions militaires pour empêcher les mouvements des rebelles n'étaient pas exclues.
Et de fait, quelques heures après, des raids ponctuels ont eu lieu, destinés à desserrer l'étau autour d'une brigade restée fidèle au président Hadi et dont le camp près de Taëz (sud-ouest) venait d'être investi par des rebelles. Dans le même temps, des combats se sont poursuivis entre pro et anti-Houthis dans le pays.
Pour Ali Bukhaiti, un écrivain pro-Houthi, l'opération de la coalition est un "échec".
"Hadi est toujours à Ryad et les Houthis ne se sont pas retirés du moindre village. Ils ne se retireront qu'en vertu qu'un accord entre Yéménites", a-t-il dit, en faisant référence aux régions conquises par les rebelles dans le centre et l'ouest.
Les observateurs rappellent que les Houthis, basés dans le nord, n'en sont pas à leur première confrontation avec le pouvoir yéménite. Ils ont mené six rounds de combats entre 2004 et 2010 contre l'armée de l'ex président Ali Abdallah Saleh. Ils ont même fait en 2009 une incursion en Arabie saoudite.
- Al-Qaïda 'grand bénéficiaire' -
Un autre responsable diplomatique ayant requis l'anonymat estime en revanche que l'opération est "d'une certaine façon est une victoire".
Pour lui, la coalition est parvenue à arrêter l'avancée des Houthis, a obtenu un soutien international, mobilisé des alliés arabes et "montré sa détermination face à l'Iran", un pays accusé par l'Arabie saoudite de soutenir militairement les rebelles.
Tout cela a "créé un nouveau cadre pour une reprise du dialogue national, avec un nouvel équilibre", avance ce responsable.
"A la fois le président américain Obama et le président (russe) Poutine ont été clairs sur le fait qu'ils étaient favorables à une solution politique", indique à ce sujet le groupe de réflexion américain Soufan.
Il souligne qu’Oman, seule monarchie de la péninsule arabique à ne pas avoir rejoint la coalition, avait joué un rôle d'intermédiaire avec l'Iran, pays avec lequel il entretient des relations privilégiées.
La coalition a annoncé que la nouvelle phase de sa campagne, baptisée "Restaurer l'espoir", visait à une reprise du processus politique au Yémen, la fourniture d'aides humanitaires et la "lutte contre le terrorisme" dans un pays où Al-Qaïda est très actif.
"Toutes les parties ont bien conscience que le plus grand bénéficiaire du chaos au Yémen a été (...) Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa)", dont l'"objectif est d'attaquer l'Arabie saoudite", souligne Soufan.
"De façon ironique, la force la plus efficace contre Aqpa au Yémen était jusqu'à présent les Houthis", note-t-il.