Le trafic aérien perturbé.
Une épaisse fumée blanche s'échappait vendredi du volcan Calbuco dans le sud du Chili, presque deux jours après sa double éruption, son nuage de cendres touchant les pays voisins dont l'Argentine, qui a vu son trafic aérien perturbé.
Apparue dans la matinée, la colonne de fumée, immense, a redoublé les craintes d'une troisième éruption du volcan, situé sur la côte Pacifique, à 1.300 kilomètres au sud de Santiago.
A Puerto Varas, ville de 38.000 habitants distante de 40 kilomètres, les habitants se rassemblaient dans la rue pour observer, avec inquiétude, le phénomène.
Si pour les experts, il ne s'agit que d'un "petit rejet de cendres", ils ne cachent pas qu'un regain d'activité pourrait survenir dans les prochaines heures.
"Nous sommes encore dans la crise à proprement parler, donc il y a une surveillance" et "on ne peut pas écarter une nouvelle éruption", a expliqué au cours d'une conférence de presse le directeur du Service national de géologie et des mines (Sernageomin), Rodrigo Alvarez.
"Il est très difficile de pouvoir dire quelle sera l'intensité des éruptions à venir, mais on peut s'attendre à une activité similaire à ce qui s'est déjà passé", a précisé à l'AFP Carlos Cardona, expert de Sernageomin.
L'alerte rouge restait en vigueur, la zone étant désertée après l'évacuation de plus de 4.000 habitants dans un rayon de 21 kilomètres autour du volcan.
Evacuation du bétail
Une nouvelle "évacuation préventive", de 2.000 personnes supplémentaires, a été annoncée vendredi après-midi, avant d'être levée dans la soirée, ce qui a permis aux habitants de regagner leur domicile.
Selon le dernier rapport du Bureau national des urgences (Onemi), environ 300 agriculteurs sont affectés par l'éruption. Quelque 4.000 ovins et bovins, ainsi que 350 animaux de moindre dimension, sont encore présents dans les secteurs fortement touchés par les cendres. Les autorités prévoient de retirer ces animaux samedi.
A La Ensenada, bourgade proche du volcan presque entièrement évacuée de ses 1.500 habitants, les membres des équipes de secours, masque sur le visage, tentaient avec des engins de dégager ces fines particules grisâtres tombées sur les routes et les maisons.
Dans la ville-fantôme, certains riverains, bravant l'interdiction, se hissaient sur les toits, pelle à la main, pour déblayer ce tapis de poussière, avec en toile de fond de ce paysage quasi-lunaire le cratère culminant à 2.003 mètres d'altitude.
"Autour de ma maison, il y a un mètre de cendres", constatait Jaime Fuenzalida, un habitant.
A 100 kilomètres de là, côté argentin, la ville touristique de San Carlos de Bariloche a vu elle aussi retomber cette pluie de cendres, ce qui a poussé les autorités à distribuer masques et collyres et à demander aux habitants de rester chez eux.
Le nuage de particules recouvre "toute la zone centrale du pays, dont Buenos Aires", mais reste en altitude, a précisé le Service météorologique argentin.
En atteignant la capitale, les cendres ont obligé à annuler les liaisons avec l'Europe et les Etats-Unis assurées par American Airlines, United Airlines, Delta et Air France, selon l'aéroport. Celui de Santiago fonctionnait normalement.
Le nuage est parvenu en Uruguay, repéré à 6.000 mètres d'altitude, mais sans affecter la visibilité ni les vols.
'Un grand champignon'
La première éruption, mercredi soir, a duré 90 minutes, provoquant une énorme colonne de fumée et de cendres et marbrant le ciel de rose et de jaune au moment où le soleil se couchait.
"Cela a été tellement silencieux, c'est arrivé sans prévenir", raconte Riel Rivera, pharmacien de 48 ans. "La fumée est sortie directement vers le ciel et un grand champignon s'est formé, réellement impressionnant, c'était un paysage spectaculaire."
La deuxième, jeudi matin, a été plus forte, projetant pendant plusieurs heures de la lave dans un ciel zébré d'éclairs.
"L'explosion a provoqué une hystérie immédiate chez les habitants. On n'en croyait pas nos yeux", témoigne Marcia Claro, patronne d'une cafétéria à Puerto Varas.
Le gouvernement n'a pas fait état de victimes.
Le Chili compte environ 90 volcans actifs. Le Calbuco, dont la précédente éruption remonte à 1961, est considéré comme l'un des plus dangereux.
"Il n'était pas du tout endormi ! Il était actif et vivant" avec des émissions régulières de gaz et de fumerolles, a précisé à l'AFP Florent Brenguier, sismologue de l'université de Grenoble (France), prédisant que l'épisode éruptif pourrait durer "plusieurs jours ou semaines".
Il s'agit de la deuxième éruption en quelques semaines au Chili, après celle en mars du volcan Villarrica (sud), qui avait entraîné l'évacuation de 3.600 personnes.