A Damasak, "des corps ont été trouvés dans les maisons, les rues, et encore davantage dans la rivière Damasak dont le lit est à sec".
Les corps de centaines de personnes ont été retrouvés dans la ville de Damasak (nord-est du Nigeria), apparemment victimes des exactions du groupe terroriste Boko Haram, qui a perpétré de nouvelles attaques pendant le week-end, nouveau signe de son pouvoir de nuisance.
Le président élu du Nigeria, Muhammadu Buhari, qui doit être investi le 29 mai, a promis, lundi, de traiter Boko Haram comme "des terroristes" parce qu'ils ne sont "qu'un faux groupe religieux".
A Damasak, "des corps ont été trouvés dans les maisons, les rues, et encore davantage dans la rivière Damasak dont le lit est à sec", a indiqué Kaumi Kusur, un habitant. Les victimes, découvertes jeudi, ont été enterrées dans une vingtaine de fosses communes pendant le week-end, a-t-il précisé.
Selon Mohammed Sadiq, un autre habitant qui a aidé à enterrer ces corps samedi, le bilan pourrait s'élever à plus de 400 morts tandis que le gouvernement de l'Etat de Borno a parlé de "centaines" de cadavres.
Des soldats venus du Tchad et du Niger avaient reconquis le 9 mars dernier la ville de Damasak des mains de Boko Haram, dans le cadre d'une offensive régionale contre les militants terroristes qui avaient pris la localité en novembre dernier.
Quelque 200 rebelles avaient été tués de même que 10 soldats lors de cette reprise de la ville, selon une source sécuritaire tchadienne.
L'armée tchadienne avait parlé en mars de la découverte d'une centaine de corps dans une fosse commune sous un pont à l'extérieur de Damasak, dont certains avaient été décapités, précisant que ce massacre pourrait avoir eu lieu en janvier dernier. Mais selon Kusur, le nombre de corps découverts jeudi "dépassait nettement" celui de mars.
Une cinquantaine de soldats tués
Malgré plusieurs victoires militaires contre Boko Haram, le groupe a montré qu'il gardait un fort pouvoir de nuisance, tuant samedi plus d'une cinquantaine de soldats au Niger, après avoir vraisemblablement abattu la veille 21 villageois au Nigeria.
Samedi à l'aube, Boko Haram a mené sur un camp militaire nigérien du lac Tchad une attaque parmi les plus meurtrières infligées à la coalition active depuis quatre mois et composée du Tchad, du Niger, du Nigeria, du Cameroun et du Bénin.
Deux jours après le raid, les bilans différaient selon les sources mais toutes évoquaient avec certitude plusieurs dizaines de morts.
L'armée nigérienne "a perdu 48 soldats et 36 sont portés disparus", a ainsi déclaré une source sécuritaire tchadienne. Un élu du sud-est du Niger, région frontalière du Nigeria où l'assaut s'est produit, a quant à lui fait état de "80 soldats tués" et d'une trentaine de disparus, tandis qu'une source proche de l'armée nigérienne mentionnait 100 morts et 17 disparus.
"Il y a eu énormément de pertes" au sein de cette position militaire située à Karamga, une île "particulièrement isolée" du lac Tchad, où 120 à 150 hommes étaient postés, a confirmé une source humanitaire à l'AFP, selon laquelle 45 soldats basés sur l'île auraient pu être joints.
Karamga, attaquée samedi à l'aube par Boko Haram, a depuis lors été reprise par l'armée nigérienne, de même source.
'Brûlés vivants'
Umar Yerima, un pêcheur nigérian qui vivait sur cette île, a fait également état d'un bilan humain "énorme" parmi les civils à Karamga.
"Après en avoir terminé avec les soldats, ils ont retourné leurs armes contre les habitants", "visant les têtes" de ceux qui s'étaient jetés à l'eau pour leur échapper et "brûlant vivant beaucoup de résidents dans leurs maisons", a-t-il raconté.
Les assaillants sont demeurés sur l'île jusqu'à samedi à la mi-journée, quand un avion de combat a commencé à bombarder la zone, a affirmé Yerima, qui s'est décrit comme "l'un des rares chanceux" ayant survécu.
"L'aviation tchadienne (...) est intervenue pour détruire les éléments de Boko Haram", tuant certains d'entre eux et détruisant leur équipement, a complété la source tchadienne.
Aucune attaque importante n'avait été recensée depuis plus d'un mois au Niger.
Vendredi, en parallèle, des combattants présumés de Boko Haram, déguisés en soldats, ont abattu 21 déplacés qui tentaient de regagner leur village dans le nord-est du Nigeria pour y chercher à se nourrir.
"Les hommes, ils étaient 21, ont été arrêtés dans (le village de) Bultaram par des hommes armés dont on pense qu'ils font partie de Boko Haram, qui les ont abattus par balle", a déclaré Baba Nuhu, un responsable de la localité de Gujba, dans l'Etat de Yobe, un récit qui concorde avec celui D'Haruna Maram, le frère d'une des victimes.
L'Etat de Yobe a été le théâtre de très nombreuses attaques de Boko Haram ces six dernières années. Au total, l'insurrection terroriste et sa répression par l'armée nigériane ont fait plus de 15.000 morts depuis 2009, selon l'ONU.
Plus d'1,5 million de personnes ont aussi été obligées de fuir leur domicile.