En décidant de frapper militairement le Yémen voisin, l’Arabie Saoudite a surestimé son influence auprès des puissances régionales que sont le Pakistan, la Turquie et les Emirats
En décidant de frapper militairement le Yémen voisin, l’Arabie Saoudite a surestimé son influence auprès des puissances régionales que sont le Pakistan, la Turquie et les Emirats
Un mois après le lancement de l’opération « Tempête de fermeté » contre les rebelles houthis et leur allié, l’ancien président Ali Abdallah Saleh, trois poids lourds, et non des moindres, traînent les pieds et montrent peu d’entrain à rejoindre cette nouvelle guerre.
C’est le parlement Pakistanais, le premier, qui refuse l’envoi des troupes terrestres ou même des avions pour participer à l’effort de guerre. Un désaveu de la part du principal «ami intéressé » des dirigeants saoudiens.
La Turquie a aussi signifié au roi Salman, qu’elle est prête à défendre l’Arabie Saoudite en toutes circonstances, si cette dernière fait l’objet d’une attaque. Ce qui n’est pas le cas dans le conflit avec le Yémen.
Enfin, La Jordanie et l’Egypte, pourtant très proches de Ryad, se sont contentés du service minimum, avec l’envoi de quelques chasseurs-bombardiers F16. Geste plus symbolique qu’efficace.
Lâchage sunnite
Mais le plus grand lâchage dont a été victime la nouvelle direction saoudienne, qui a pris aux forceps les rênes du pouvoir après la mort du Roi Abdallah, est venu des Emiratis. Cheikh Mohamed Bin Zayed Al Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi, réputé avoir le chéquier facile, préfère jouer ses propres cartes au Yémen en soutenant l’ancien président Mohamed Ali Saleh.
L’homme fort des Emirats Arabes Unis, parrain entre autres du président égyptien Abdelfattah Al-Sissi et du général libyen Khalifa Haftar, voit également d’un mauvais œil le retour aux affaires du clan des Sudeiris à Ryad. Il avait pendant longtemps misé sur le patron de la garde nationale saoudienne Mitaab fils du défunt Roi Abdallah, avec qui il a beaucoup d’affinités, pour être le premier roi de la deuxième génération de la maison des Saoud. Mohamed Bin Zayed craint surtout les ambitions démesurées du nouveau ministre de la Défense saoudien, Mohamed Bin Salman, soupçonné à Abou Dhabi d’être un va-t-en guerre « irresponsable ».
Aujourd’hui, face à un Iran qui avance sans cesse ses pions dans la région, la richissime Arabie Saoudite semble empêtrée dans le bourbier yéménite et totalement sans recours. Ryad apparaît surtout esseulé dans le monde sunnite, et cela malgré les dizaines de milliards de dollars qu’elle lui a gracieusement distribués pendant des années. Une situation inconfortable politiquement et périlleuse militairement et qui préfigure d’une nouvelle carte géopolitique de la région, où le royaume wahhabite serait définitivement relégué à jouer les seconds rôles.
Par Karim Douichi
Source : MondAfrique