La campagne aérienne de la coalition internationale dirigée par les USA contre Daesh ne l’a pas du tout freiné.
Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) s'est emparé jeudi de la ville de Palmyre en Syrie, quatre jours après avoir conquis celle de Ramadi en Irak, deux victoires significatives qui lui ont permis d'élargir sa zone d'influence de part et d'autre de la frontière.
La perte de Palmyre, une cité vieille de plus de 2.000 ans, fait craindre pour le sort de ses célèbres ruines connues pour leurs colonnes romaines torsadées et leurs tours funéraires. En Irak, l'EI avait détruit plusieurs trésors dans des cités antiques.
En s'emparant de ce véritable carrefour routier qui ouvre sur le grand désert syrien frontalier de l'Irak, l'EI se rend désormais maître de la moitié du territoire de Syrie et menace Homs, la troisième ville du pays en guerre.
Malgré une campagne aérienne lancée depuis 2014 par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis pour aider en Irak le pouvoir et en Syrie les rebelles, à stopper la progression de l'EI, ce groupe ultraradical sunnite a réussi ces deux coups de force en huit jours.
Responsable d'atrocités -décapitations, rapts, viols, nettoyage ethnique- et fort de dizaines de milliers d'hommes, l'EI a intégré ces deux régions à son "califat" proclamé en juin 2014 sur les larges pans de territoire conquis à cheval en Syrie et en Irak.
"Les combattants de l'EI sont dans toutes les parties de Palmyre, y compris près du site archéologique", a affirmé à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Le pouvoir, qui a connu de multiples revers ces derniers mois, a reconnu sa défaite, affirmant que son armée "s'était retirée après l'entrée d'un grand nombre de terroristes".
L'EI, intervenue dans la guerre en Syrie en 2013, a revendiqué sur Twitter la prise de Palmyre, inscrite par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité et située dans la province centrale de Homs.
'Perte pour l'humanité'
L'armée a abandonné ses positions, notamment aux renseignements militaires, à l'aéroport militaire et à la prison, a indiqué l'OSDH.
La bataille de Palmyre déclenchée le 13 mai a fait près de 500 morts et poussé une partie des habitants à la fuite, selon l'ONG.
La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, a affirmé que "toute destruction à Palmyre serait (...) une énorme perte pour l'humanité" et a réitéré son appel au Conseil de sécurité de l'ONU à agir.
L'Union européenne s'est émue du risque de nouveaux "crimes de guerre" à Palmyre.
Le directeur des Antiquités syriennes, Maamoun Abdelkarim, a exhorté le monde entier à se mobiliser pour sauver Palmyre de la "barbarie". "Il s'agit d'une bataille mondiale".
Avec la prise de Palmyre, l'EI contrôle "désormais plus de 95.000 km2 en Syrie, soit 50% du territoire du pays", d'après l'OSDH.
Le groupe contrôle en effet la majeure partie des provinces de Deir Ezzor et Raqa (nord), et a une forte présence à Hassaké (nord-est), Alep (nord), Homs et Hama (centre). Il est aussi maître de la quasi-totalité des champs pétroliers et gaziers de Syrie après la prise de deux champs gaziers près de Palmyre.
Homs et Damas menacées
"Palmyre est un secteur très stratégique et peut être utilisé maintenant pour lancer des attaques en direction de Homs et Damas", déclare Matthew Henman, chef de l'IHS Jane's Terrorism and Insurgency Centre.
Fabrice Balanche, géographe et spécialiste de la Syrie, acquiesce. "La prise de Palmyre ouvre la voie vers Damas et Homs. A terme, cet axe peut être menacé".
Selon lui l'EI domine désormais "un carrefour de première importance (...) qui ouvre une nouvelle route vers l'Irak, Al-Anbar et sa capitale Ramadi".
"L'EI "créé une continuité géographique avec l'Irak à travers la steppe syrienne".
A la question de savoir pourquoi l'armée n'avait pas tenu à Palmyre, il a évoqué "la diversité des fronts" de la guerre entre pouvoir et rebelles depuis 2011 qui "a empêché l'armée de mobiliser des troupes" pour cette cité.
Ailleurs en Syrie, un homme a été tué dans des tirs d'obus près de l'ambassade de Russie, alliée de Damas.
A Alep, 40 rebelles ont péri dans un raid du pouvoir contre un secteur rebelle, selon l'OSDH.
Avec AFP