Ici Londres : un Syrien suédois parle pour les Syriens aux Occidentaux
Il est normal et même déontologique de s’intéresser à un si efficient personnage, fournisseur quasi-exclusif de toutes les statistiques relatives à la « révolution » syrienne.
D’abord, une première précision qui a son importance, l’Observatoire de R.A.Rahmane est basé à Londres, son directeur vivant, lui, en Suède.
Celui-ci est – tiens ? – un expert en informatique, spécialisé dans la formation de jeunes internautes arabes d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, bref cette fantastique « génération Facebook » censée incarner – virtuellement – la révolution démocratique en terre d’Islam.
Ecoutons sur ce point précis les claires explications de R.A. Rahmane : « J’essaie d’aider de jeunes Arabes en Europe et au Moyen-Orient à sortir de leur milieu socio-politique et culturel et à étendre leurs horizons et voir les choses sous un angle mondial» ; on peut même, en l’espèce, parler d’angle «mondialiste américain »
C’est en tout cas depuis Londres, par ailleurs QG européen des Frères musulmans, qu’émet l’Observatoire en question. Avec un gros succès médiatique, puisque l’OSDH s’est arrogé un quasi-monopole de « l’information » sur la Syrie auprès d’une foultitude de médias.
Il n’est que de recenser, en France simplement, les mentions – quasi-obligatoires – de son nom et de son sigle -dans le cours des articles du Monde, de Libération, du Figaro ou du Nouvel Observateur consacrés à la Syrie ces derniers mois. Autant de médias dits « sérieux » qui sont incapables de fournir des informations précises et un peu développées sur leur principal informateur !
C’est vrai que l’Observatoire ne facilite pas la tâche de ses «clients » car son site n’est rédigé qu’en arabe (on a quand même une date « occidentale » sur la page d’accueil). Il est pour le moins curieux qu’un site ayant vocation à informer le monde entier des turpitudes du régime baasiste ne dispose pas au moins d’une version en anglais, non ?
L’OSDH et son jeune patron ont bâti leur crédit sur le fait qu’ils puiseraient leurs informations directement en Syrie, grâce à un équipement très « pro » en téléphone portable ou I-pad, plus internet, performant et branché sur la Syrie 24 heures sur 24.
De fait, on lui doit la diffusion d’une bonne part de ces «reportages de portables » sur les manifestations, manifestations dont il est impossible d’apprécier l’ampleur véritable, ou la localisation précise dans le temps et l’espace. Et, bien sûr, l’Observatoire a beaucoup fait pour exploiter le cadavre du malheureux Hamza, adolescent de Deraa tué par une balle perdue dans une manifestation en avril dernier, et dont le cadavre décomposé est devenu l’emblème de la cruauté du régime de Damas.
Essayons donc d’en savoir un peu plus.
Selon le site « altermondialiste » ou gauchiste Infoguérilla qui a enquêté à travers la toile sur son cas, Rami Abdel Rahmane – ou Abdul Rahman – se présenterait comme un « journaliste indépendant » originaire d’Amman en Jordanie – où il a étudié, avant de travailler pour des agences de presse ou des médias du Proche-Orient dont le Jordanian Times.
Il aurait aussi pigé pour Reuters TV, couvrant les événements de cette région.
Etabli depuis quelques temps en Suède, à Stockholm, Rami Abdel Rahman explique sur internet qu’il a notamment, dans ce pays, une activité de conférencier. A quel propos ? « Les médias d’information ».
Il se définit aussi, bien sûr, comme journaliste, un journaliste qui a créé sa propre maison de production, dont les activités s’étendent de la radio à la télévision, en passant par la musique et les «médias sociaux », genre Facebook et Twitter.
Parmi les clients de sa boîte, la radio d’Etat suédoise. Et c’est pour l’Institut suédois de Stockholm qu’il a réalisé ou co-réalisé des programmes de mise à niveau internet estampillés « Young Leaders Visitors Program (YLVP)« , conçus – là c’est Rami qui parle – « pour fournir aux participants – jeunes faiseurs d’opinion de Suède et de pays sélectionnés dans la région MENA (Proche-Orient et Afrique du Nord - (…) qui œuvrent activement pour un changement social dans leurs contextes respectifs (…) des outils innovants pour façonner l’opinion publique dans les médias d’avant-garde » .
Ces « outils innovants » étant, toujours selon Rami Abdel Rahmane, les fameux « médias sociaux » informatiques, « outils de changement positif ».
Rami est vraiment débiteur de la Suède puisque c’est là qu’il a poursuivi ses études, présentant – à l’université d’Orebro – une thèse sur les services d’information sur internet au Proche-Orient.
On s’étonnera un peu plus, au passage, qu’un individu aussi actif – et branché nouvelles technologies -que Rami Abdel Rahmane soit aussi discret sur la toile : apparemment, la seule photo disponible de notre super-internaute démocrate, roi de Facebook et émir de Tweeter, est une capture d’écran de sa présentation de son programme YLVP (voir photo). En regard de l’immensité d’internet, c’est assez peu.
Déstabilisation – et désinformation – assistée par ordinateur
Bref, on l’aura compris, Rami Abdel Rahmane est, comme dirait ses amis et clients anglo-saxons, «the right man in the right place» pour faire la révolution, ou au moins la déstabilisation, à distance, en Syrie plutôt qu’en Arabie Saoudite – ou en Suède.
A ce degré de limpidité, on peut parler de « complot à ciel ouvert» ! Sami Abdel Rahmane gagne sa vie en pratiquant la «déstabilisation assistée par ordinateur ».
Evidemment « démocrate », R.A. Rahmane se définit aussi comme conservateur. Et même bien que résidant en Suède, comme conservateur jordanien, qui soutient « les réformes » engagés en principe par le roi Abdallah, confronté lui aussi à la contestation populaire, une contestation qui a la particularité de ne pas bénéficier des conseils de pro de Rami. La Jordanie étant, au passage, accusée par des responsables syriens d’être, dans le sillage des Saoudiens – dont la jeunesse ne bénéficie pas non plus, semble-t-il, de la formation YLVP – derrière les manifestants anti-Bachar les plus radicaux et les mieux organisés.
Encore une fois, on est pris d’un sentiment de vertige quand on mesure l’importance prise, dans le façonnage du regard international sur les événements de Syrie, par une officine dont ne sait presque rien et son patron dont on sait qu’il se voue officiellement à aider au « changement social » dans les pays arabo-musulmans qui déplaisent à Washington et ses alliés, et uniquement ceux-ci.
Dans ces conditions, nos médias, par paresse, hâte ou bonne conscience idéologique se prêtent volontairement à une désinformation de grande échelle, et aux conséquences imprévisibles.
Source: Info Syrie