Lorsque la raison des entreprises est la plus forte
Ces accords aux acronymes barbares (TAFTA, ACS, TPP) négociés en secret par les Etats-Unis et plus de 50 autres pays visent essentiellement à dérégler les marchés des biens et des services. Et à ce jeu, le grand gagnant est évidemment l’Oncle Sam.
Il y a quelques jours, Wikileaks levait un coin du voile sur le très secret accord TISA ou ACS en français (Accord sur le Commerce des Services), qui se négocie actuellement entre les Etats-Unis et 50 pays, dont ceux de l’Union Européenne. Les 17 documents mis en ligne sont des brouillons. Mais ils portent sur le trafic aérien, les services de livraison, l’e-commerce. Le but de l’ACS ? Empêcher toute régulation qui porterait tort à l’un des signataires. Si cet accord était ratifié, les services publics seraient menacés, tout comme les professions réglementées.
Qu’est ce qui se cache derrière ces accords ultra-secrets que l’Oncle Sam tente d’imposer à ses différents partenaires commerciaux ?
TPP ou l’accord de partenariat TransPacifique
Le TPP ne nous concerne pas directement, puisqu’il s’agit de définir les modalités de libre-échange entre l’Amérique du Nord et la zone pacifique (Australie, Mexique, Vietnam, etc.) mais il donne un peu le «La» de ce que le Etats-Unis aimeraient voir aboutir en Europe.
Le TPP est en réalité l’extension d’un traité existant, signé en 2006, dit «P4» (regroupant 4 pays en vert sur la carte : Bruneï, Chili, Singapour, Nouvelle-Zélande) et qui permet l’abolition des droits de douane entre les partenaires. Il couvre un vaste domaine: les biens, les échanges de services, la propriété intellectuelle, les contrats gouvernementaux, etc.
Il est rédigé depuis 5 ans dans le plus grand secret et échappe donc au contrôle des citoyens comme dans ce site parodique, readthetpp.com, représentant l’interface du département du Commerce américain et où le bouton «cliquable» ne cesse de se dérober, nous empêchant à chaque fois d’accéder au fameux texte du TPP.
Wikileaks vient d’ailleurs de promettre une récompense de 100 000 dollars à tout internaute capable d’en révéler les secrets.
TAFTA, déjà très contesté en Europe
Le TAFTA porte plusieurs noms. On le retrouve notamment sous l’acronyme TTIP en anglais, mais on parle aussi de grand marché TransAtlantique. Cet accord est donc en négociation entre les Etats-Unis et l’Europe. Il s’agit encore ici de créer une vaste zone de libre-échange, qui couvrirait 45,5 % du PIB mondial.
Ce traité, qui selon ses défenseurs apportera de la croissance économique dans les deux zones, est très critiqué dans l’Union Européenne. Ses opposants se sont regroupés sous une même bannière «Stop TAFTA». Ils dénoncent son rôle dérégulateur des marchés et la toute-puissance accordée aux entreprises face aux Etats.
En clair, en Europe, certains marchés sont protégés par des lois très strictes. Pour le moment pas d’importation de poulets aux hormones made in USA, ni de maïs OGM. Mais avec le TAFTA, et au nom du libre-échange, ces verrous pourraient sauter. Idem en matière de droit du travail, plus encadré en Europe qu’aux Etats-Unis, et qui pourrait être ainsi harmonisé par le bas. Pire, les entreprises qui se verraient lésées financièrement par la législation d’un pays signataire, pourraient se retourner contre ce dernier et réclamer des millions, voire des milliards, auprès d’un tribunal arbitral.
Comme le TPP, les négociations autour du TAFTA se font dans le plus grand secret, ce qui contribue grandement au mécontentement des citoyens européens.
Le TISA ou ACS: le moins connu, le plus dangereux ?
Ce dernier traité, dont Wikileaks, a rendu public certains passages est le moins connu en Europe. Pourtant, ses conséquences pourraient s’avérer terribles notamment pour les services publics et les professions réglementées. Il est en négociation entre les Etats-Unis et 50 autres pays (dont ceux de l’Union Européenne) tous déjà partenaires au sein de l’OMC, l’organisation mondiale du commerce.
Sans surprise, l’ACS (Accord sur le Commerce des Services) vise à harmoniser les règles relatives aux services entre les pays signataires. L’Internationale des services publics, fédération de syndicats de travailleurs du service public, s’inquiète déjà de la manière dont l’ACS pourrait dévoyer le concept de service public.
En effet, la présence de services publics dans un pays pourrait être jugée «déloyale» car entravant le jeu de la libre-concurrence des autres pays signataires. Ces services pourraient donc à terme être démantelés.
Enfin, les professions réglementées comme les dentistes, les pharmaciens, les médecins, qui aujourd’hui ont des missions de service public, pourraient, au profit de l’ACS, devenir de simples commerçants, et à ce titre être régis par les règles du commerce…dont l’unique but est de faire de l’argent.
Source : Russia Today