La communauté internationale n’a pas répondu aux obligations qu’elle a elle-même édictées dans le Statut de Rome.
L’analyse de Cyrille Louis , parue dans le Figaro du 2 avril dernier, dans sa rédaction interroge sur plusieurs points. Le premier concerne la Palestine depuis la Nakba, pour ne pas remonter plus avant.
Mais on le pourrait, tant le mandat britannique a scellé le destin d’un peuple dont la souveraineté a été niée, l’a conduit dans le champ du déni du droit, voire d’une élimination programmée et assumée ainsi que l’a clamé haut et fort l’actuelle ministre de la « Justice en Israël », « les mères palestiniennes devraient suivre leurs fils [dans la mort], cela ne serait que justice. Elles devraient disparaître, tout comme les foyers dans lesquels elles ont élevé les serpents. Sans quoi d’autres petits serpents y seront élevés à leur tour ».
Le second est la qualification qu’il emploie pour désigner la Palestine. Il affirme qu’après l’adhésion à la CPI de la Palestine « un proto-Etat », il n’y a eu ni manifestation de liesse à Ramallah ni de colère à Jérusalem. C’est bien dans cette dénomination de « proto Etat » que réside l’information essentielle. Il véhicule ainsi l’opinion de juristes positivistes qui ont conclu, à l’instar d’autres, qu’en aucun cas la Palestine n’était un Etat ; ce qui la confine, pour l’heure, au statut d’Etat observateur non membre au sein de la communauté internationale.
S’il avait assumé son métier de journaliste, qui se doit d’informer en toute objectivité et non de manière partisane, il aurait appris que, dès 1922 , la Palestine –alors incluse dans l’empire ottoman suite au traité de Sèvres -, avait été placée sous un Mandat de Classe A par la Société des Nations. Cette décision avait été prise parce que les membres de cette même Société avaient constaté « que certaines communautés appartenant à l’empire ottoman ont atteint un stade de développement tel que leur existence en tant que nations indépendantes doit être admise. Il suffit, dans l’attente de leur totale capacité à assumer seules ce statut de nations indépendantes, de les conseiller et de les guider dans leur gestion ».
Pour la Cour internationale de Justice, ces mandats de classe A sont basés sur deux principes :
1. la non-annexion
2. le bien-être et le développement de ces peuples sont « a sacred trust of civilization »
S’il s’était renseigné, il aurait aussi appris que le système juridique de la Palestine était non seulement très structuré, autant que celui d’un Etat indépendant, mais aussi parfaitement respecté par les puissances assumant le Mandat et par la Société des Nations. La Palestine, dans les discussions concernant la question de la dette publique, était partie aux arbitrages ; ainsi dans les documents issus de ces négociations, il y est fait référence en tant qu’Etat, dont jamais la qualification juridique n’a été contestée ou remise en cause par les autres parties présentes.
A cela, il faut ajouter que sur le plan intérieur, l’ordre juridique palestinien, indépendant de tout autre ordre, était reconnu par la couronne britannique , par les cours égyptiennes mais aussi des cours nord-américaines et uruguayennes qui ont confirmé cette reconnaissance.
Par ailleurs, signalons que la Cour britannique a toujours admis l’existence d’une nationalité palestinienne. Si l’on considère la Convention de Montevideo, pour qu’un peuple se constitue en Etat, il faut que soient réunies quatre caractéristiques :
• l’existence d’un territoire délimité et déterminé
• l’existence d’une population résidente sur ce territoire
• l’existence d’une forme minimale de gouvernement
• la capacité à entrer en relation avec les autres États
Or, il y a bien longtemps que la Palestine vit sur son territoire, qu’elle est peuplée d’une population stable, qu’elle a des institutions étatiques et qu’elle a noué des relations d’ordre diplomatique. Ce statut d’Etat ne peut lui être retiré même s’il est vrai que sa souveraineté a été remise en cause par l’occupation qui ne peut pourtant remettre en cause ses droits inaliénables. A ce titre, on peut affirmer que le vote de l’Assemblée générale n’a, substantiellement, rien changé ; il a juste confirmé l’existence indéniable d’un Etat palestinien.
Mais revenons sur l’un des principes de la Cour internationale de Justice, et plus particulièrement sur celui de la non-annexion.
En 1949, la Grande Bretagne annonce qu’elle met fin à son mandat en Palestine et rappelle que le Traité de Sèvres interdit tout démantèlement de la Palestine, avertissant que le Roi « n’a aucun pouvoir pour attribuer ce pays ou aux Arabes ou aux Juifs, ou même pour décider d’une partition entre eux ».
En toute logique, la fin de ce mandat aurait dû conduire à l’indépendance de la Palestine, comme cela fut le cas pour le royaume hachémite de Jordanie.
L’Assemblée générale des Nations Unies en a décidé autrement. Le 29 novembre 1947, par sa Résolution 181, elle recommande la division du territoire palestinien. Sans aucune valeur contraignante, cette résolution a été adoptée alors que les Nations unies n’ont aucune autorité pour disposer du territoire d’un Etat souverain.
Agissant ainsi, les Nations Unies ont reconnu, de facto, le statut d’Etat de la Palestine ; si tel n’était pas le cas, elles auraient demandé la création de deux Etats.
Le jour même de la fin du mandat britannique, l’Agence juive a proclamé la création de « l’Etat d’Israël » sur le territoire où la partition a été obtenue en violation des obligations de la majorité des membres composant la communauté internationale.
Depuis ce jour, l’Etat d’Israël ne cesse d’utiliser la violence armée contre le peuple palestinien en violation de la Charte des Nations unies qui interdit l’usage de la force ou la menace de l’usage de la force dans les rapports entre Etats ou dans le cadre de règlements de conflits.
Les Nations Unies ont bien essayé de se racheter de leur cynisme à l’égard du peuple de l’Etat de Palestine en faisant adopter la Résolution 194 affirmant le droit au retour pour tout Palestinien, chassé de sa maison ou de ses terres ; les Israéliens ont bien pu affirmer qu’ils respecteraient l’auto- détermination et le droit au retour des Palestiniens ; une armistice entre Israël et les Etats voisins a bien pu être conclue avec l’instauration d’une ligne verte qu’aucune force armée ne devait franchir, le peuple palestinien a vu, en violation de toutes les normes du droit international et du droit international humanitaire, son Etat démantelé et sa souveraineté foulée aux pieds.
Entre 1949 et 1967, il y aura une série de résolutions -sans aucune valeur contraignante- rappelant, ad libitum, à l’Etat d’Israël, devenu entre temps membre de la communauté internationale, ses obligations au regard du droit international et du droit humanitaire international, dont la IVème Convention de Genève.
Tout cela se soldera pour la Palestine par un Etat détruit, volé, avec l’aide de la communauté internationale et abandonnée à son sort d’un peuple sans Etat, confronté aux visées expansionnistes des Israéliens (qui ont déclaré voir Elias sambar.) une terre sans peuple pour un peuple sans terre.
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