La croissance rapide de la «population musulmane» en Russie contribue au fait que, dans les années à venir, on s’attend à une forte augmentation de la demande pour les outils de la finance islamique
Le chef de Sberbank Guerman Gref a déclaré qu’il travaille activement sur le développement de la finance islamique en Russie. «Nous allons fortement contribuer au développement de cet instrument» – dit-il. Selon lui, il a déjà tenu une série de réunions au Tatarstan avec des investisseurs arabes. «Vu les problèmes d’engagement sur les marchés internationaux c’est une histoire très importante», a-t-il souligné.
Tatarstan est une région clé où la banque islamique se développe activement. Les investisseurs des pays du Golfe sont prêts à investir massivement dans le développement de ce système financier «alternatif» en Russie, compte tenu de la demande importante de la part de la population musulmane.
La banque islamique
Dans l’islam, l’activité usuraire impliquant l’obtention d’un revenu d’intérêt est inacceptable. Les transactions commerciales reposent sur un commerce ou une entreprise réelle et ne doivent pas être liées avec les affaires proscrites dans la charia, telles que les jeux de hasard ou l’alcool.
La finance islamique est apparue comme un phénomène moderne dans les années 1960 en Egypte. En fait, c’étaient les caisses d’assistance mutuelle, qui utilisaient pour partie le modèle des institutions similaires en Allemagne.
A cette époque il est apparu également un fonds d’épargne en Malaisie, destiné à accumuler des fonds pour le pèlerinage.
Par la suite les banques islamiques ont connu un développement dans les Emirats Arabes Unis, où en 1975 a été fondée Dubai Islamic Bank.
Ces institutions financières opèrent principalement en Malaisie et au Moyen-Orient, mais aussi sont répandues à Londres. Les investissements islamiques en Grande-Bretagne ont augmenté de 150% au cours des sept dernières années, avec un volume de £1,3 trillions en 2014.
Le gouvernement du Royaume-Uni a même annoncé son intention d’émettre des obligations islamiques.
Certaines institutions financières fonctionnant selon les principes de la finance islamique existent également en Russie.
Selon Samir Tagiyev, directeur du développement des affaires dans la CEI et en Europe de la Société Islamique pour le développement du secteur privé, la croissance rapide de la «population musulmane» en Russie contribue au fait que, dans les années à venir, on s’attend à une forte augmentation de la demande pour les outils de la finance islamique.
Et il est à noter que la «finance islamique» a les mêmes outils que le système financier habituel, mais contrairement à la «base de pourcentage» il est construit sur le fait que le pourcentage en relations avec le crédit est remplacé par l’octroi de la part dans les affaires, et donc du profit. La banque partage avec son emprunteur tous les risques. Ainsi, le financement par crédit dans le cadre de la finance islamique porte exclusivement un caractère ciblé.
Maintenant il est nécessaire de développer un cadre juridique qui permettra d’intégrer la banque islamique dans le système financier de la Russie. Selon les estimations des experts, si cela se fait, non seulement en Russie, mais aussi dans les pays de l’Asie centrale, dès 2018 le volume des actifs financiers islamiques pourraient atteindre 24 milliards de dollars.
Les instruments des banques islamiques
Les banques islamiques ne peuvent pas investir dans les projets et les actifs risqués à des fins de profits spéculatifs. En général, les fonds doivent être investis uniquement dans les actifs et les projets à long terme.
Les dépôts
En acceptant un dépôt, la banque doit investir cet argent dans une entreprise d’un tiers. Ce projet ou l’entreprise est toujours connu et est à négocier. Les bénéfices, ainsi que les pertes, sont partagés entre la banque et le client dans un certain rapport. Le contrat d’un tel dépôt est appelée mudaraba.
En fait, la banque n’agit pas comme un prêteur traditionnel, mais comme co-investisseur.
Les clients sont en mesure de choisir une entreprise ou un projet après avoir reçu pratiquement toutes les informations à ce sujet. Le choix en cela est large, à l’exception du business lié à l’alcool, au porc, etc.
En raison de ces caractéristiques spéciales, l’investisseur doit être prêt à la perte de tout son argent, ou à un rendement plus faible que prévu.
Les crédits
Le crédit traditionnel n’existe pas dans la banque islamique, mais il est possible d’utiliser l’argent de la banque. La banque peut acquérir un certain produit et le revendre à quelqu’un à un prix supérieur. Ce client a le droit de payer le coût du produit progressivement. Tant que le coût n’est pas payé en totalité, le produit n’est pas détenu par le client. Cependant, même si le calendrier des paiements n’est pas respecté, il n’y a pas de pénalités pour les retards. Cet arrangement financier est appelé mourabaha. Dans le monde financier traditionnel son analogue est le crédit-bail.
Une autre possibilité est d’obtenir le financement musharaba: la banque devient tout simplement un partenaire et investisseur dans une certaine entreprise, après la vérification de la conformité du projet avec les normes de l’islam. Et jusqu’à ce que le montant investi par la banque soit remboursé, la banque a le droit d’exiger la divulgation complète des informations sur l’état de l’entreprise.
En plus de ces formes de base, il y a aussi le prêt «card ul hasan», le prêt sans intérêt, au remboursement duquel l’emprunteur verse une commission à sa discrétion. Mais généralement il est utilisé entre les individus.
Les obligations
Les obligations sous la forme habituelle sont interdites dans les pays régis par la règle de la charia, car elles sont basés sur le revenu «d’intérêt». Cependant, la finance islamique possède un outil qui permet d’engager le financement de la dette – sukuk, l’équivalent islamique d’obligations. Le sukuk fournit un revenu non garanti, à partir des profits de l’entreprise financée, c’est-à-dire la cible.
Le niveau élevé de la demande sur les obligations sukuk a fait que, en 2014, 19 pays sont entrés sur le marché des obligations sukuk. Dans les transactions sur le placement des sukuk de la Grande-Bretagne, de l’Afrique du Sud et de Hong Kong il y a eu une sursouscription importante. Une caractéristique intéressante de ce marché est que la demande pour les sukuk en euros persiste. La Banque islamique de développement (BID) et le Luxembourg ont placé les émissions des obligations sukuk en euros.
Les gouvernements qui distribuent leur première émission de sukuk, en règle générale, créent une courbe de rendement de référence, qui fournit un moyen efficace de tarification pour l’outil. Le but des émetteurs souverains est également d’encourager les entreprises locales à entrer dans le marché sukuk (pour qu’ils puissent profiter des avantages, tels que l’énorme base de données sur les investisseurs et une quantité importante de la liquidité à investir dans des actifs avec un niveau de risque faible).
Dans le futur le placement des obligations sukuk sera déterminé par les mêmes facteurs: les projets d’infrastructure à grande échelle dans les pays du Golfe et le financement des déficits budgétaires de certains pays asiatiques et africains avec les économies en développement.
Sources : Vestifinance Traduit par Réseau International