22-11-2024 11:59 AM Jerusalem Timing

Wikileaks: stratégie médiatique saoudienne, pour acheter le silence...

Wikileaks: stratégie médiatique saoudienne, pour acheter le silence...

... Et occulter la "face cachée" de l’histoire, et du présent

A l’instar de l’entité sioniste, le royaume wahhabite ne laisse rien au hasard pour entretenir son image de marque. Pas seulement dans le monde arabe, mais également dans les pays islamiques, et dans quelques pays occidentaux, voire parfois dans de petits pays insignifiants, sans aucune incidence sur ses politiques.

Le quotidien libanais al-Akhbar qui s’est chargé de publier le contenu des câbles Wikileaks consacrés exclusivement aux correspondances saoudiennes, parle "d’une hégémonie saoudienne sur les medias, dans le monde entier".

«Vous ne trouverez personne comme l’Arabie saoudite, dont les archives de ses ambassades grouillent de télégrammes de factures d’envoi de fonds pour acheter le silence des medias et leur complicité , du Canada en Indonésie , en passant par l’Australie, le Pakistan, voire même des pays lointains à l’instar du Tchad, du Niger, et du Burundi, et qui ne peuvent en aucun cas être qualifié de « vitaux », pour la politique saoudienne », constate le journal.
Exposant l’exemple du Mali, les câbles révèlent que l’ambassade saoudienne soutient financièrement, par le biais d’abonnements, tous les journaux qui paraissent dans ce pays.

Les documents dévoilés par Wikileaks montrent une hantise qui s’apparente à la phobie chez le royaume wahhabite, en traquant toute critique dont il pourrait faire l’objet, même dans les contrées les plus lointaines, et d’œuvrer pour amadouer ou taire son auteur.

Mais dans le monde arabe, rapporte le journal, l’effort d’hégémonie est bien plus considérable et l’investissement financier y est énorme, se chiffrant en millions de dollars, pour tous ceux qui servent la politique de la monarchie et ses intérêts.
« En même temps, le châtiment de réfractaires est bien plus dure », poursuit le journal libanais, expliquant que dans ce cas, les autorités saoudiennes œuvrent pour traquer tout media qui les critique.

Concernant les chaines satellitaires iraniennes par exemple, les plus promptes à critiquer le royaume, elle mène campagne pour les empêcher de diffuser via satellite.
Quant aux journaux, elles les menacent d’embargo, en asséchant  entre autre leurs rentrées publicitaires.

Toujours selon al-Akhbar, en 2004, l’Arabie a pris la décision de fermer ses bureaux médiatiques qui étaient affiliés à ses ambassades dans le monde car ils se sont avérés inefficaces. Elle les a remplacés par des contrats médiatiques avec des sociétés de relations publiques qu’elle a chargées de redorer son image et de mettre à exécution ses campagnes médiatiques.
En 2013, 15 ambassades saoudiennes ont conclu des accords avec ces sociétés. Leurs factures se trouvent parmi les câbles Wikileaks, et leur montant s’élève à des millions de dollars.


Neutralisation et confinement

Le rôle des ambassades saoudiennes (nommées les « Najdiyyates », en allusion à la province saoudienne de Najd, fief d’origine de la dynastie des Saoud) s’est alors concentrée sur la traque de tous ceux qui critiquent leur pays et de financer les alliés et les vassaux.

Pour cette fin, les diplomates saoudiens ont eu recours à deux méthodes : payer généreusement les complices et réprimer les indociles.

Pour les médias, leur cooptation  se faisait suivant deux méthodes aussi, dont on trouve fréquemment les termes dans les documents : neutralisation et confinement.

La première consiste à établir une relation entre l’ambassade et l’institution médiatique, l’auteur, ou la personnalité visée, pour que leurs produits médiatiques ne comportent aucune critique au royaume, à sa politique et à ses symboles.

Les représentations diplomatiques consacrent pour chaque pays un budget dont l’objectif est de soutenir un grand nombre de medias locaux. Parfois sous la forme d’abonnements, (en plusieurs dizaines ou centaines de milliers de numéros pour les périodiques), d’autre en importantes sommes d’argent, dont le montant variera en fonction de la taille du media et de son influence.

Même les petits pays ne sont pas laissés pour compte, mais les sommes qui leur sont accordées sont certes bien plus dérisoires.

Dans les pays arabes qui jouissent d’un traitement de faveur, le royaume wahhabite ne se contente pas de la méthode de neutralisation, mais œuvre par confinement surtout. C'est-à-dire en transformant un media, ou une personnalité médiatique en un atout  dans l’arsenal saoudien, qui se doit de contribuer à  faire la propagande du régime saoudien et à mener campagne contre ses adversaires.

Au Liban par exemple, cite al-Akhbar, le royaume ordonne aux medias qu’il soutient à l’instar des quotidiens al-Nahar, al-Moustakbal, al-Joumhouriyya de hausser le ton contre tous ceux portent atteinte au royaume.

L’histoire de la télévision égyptienne On TV est la plus emblématique de la façon d’agir saoudienne. Ayant osé diffuser une interview avec l’opposant saoudien Saad Fakih, elle s’est vu sans tarder rappelée à l’ordre : l’ambassadeur saoudien en personne a contacté son propriétaire, le milliardaire Najib Sayrous, qui à son tour à convoqué le directeur de la chaine pour le sommer de ne plus jamais l’accueillir. Auparavant, le ministère saoudien des AE avait demandé à son ambassade au Caire d’enquêter sur la chaine en question, d’œuvrer pour l’amadouer sinon, elle deviendrait dans le camp adverse à la politique du royaume.

 

Des ordres sémiques

Selon les câbles Wikileaks, les demandes parviennent aux corps diplomatiques à l’étranger des sphères les plus hautes  sous forme "d’ordres sémiques" numérotés.
Sur l’Egypte, l’ordre 7796 en lien avec la politique médiatique et intervenu après la chute de Hosni Moubarak stipulait de «  contracter une société médiatique spécialisée et dirigée par d’importants experts égyptiens en médias, connus pour leur haute compétence et leur grande influence, pour faire face aux medias négatifs, souder les plus actifs dans le nouvel environnement médiatique en Egypte, leur adresser des invitations de voyage et tenter de les confiner ».  

A cette époque, l’Arabie qui était profondément bouleversée par la chute de son allié Hosni Moubarak s’est employée à réviser et réévaluer les medias égyptiens.
Le câble saoudien leurs reprochait surtout de ne plus être gérés par « les autorités sécuritaires et politiques,…, et  de se mouvoir avec l’opinion publique au lieu de la diriger »

Il va de soi de conclure que l’Arabie n’est pas en bonne intelligence ni  avec la liberté de la presse ni avec le droit à l'information de l'opinion publique arabe.

Mais son pouvoir à contrôler les medias partout où elle le veut, et surtout celle de se permettre toutes les menaces à ceux qui lui résistent est bien douteuse. Le plus souvent, ceci est attribué à son pouvoir de l’argent, dont elle en a beaucoup. Mais est-ce suffisant?

 

Royaume de sable, Roi de sable

Il est vrai que faute de présenter un exemple étatique qui vaille, l’Arabie remédie par ses largesses, sans lesquelles elle ne serait qu’ "un royaume de sable".

A ce sujet, rien de mieux pour illustrer cette hantise, que de s’arrêter sur sa réaction au film « Le roi de sable », réalisé par le syrien Najdat Anzour en 2012.

Les câbles le concernant dévoilent une mobilisation sans précédent pour l’interdire, et  surtout, démentir les événements historiques avérés qu’il contenait. Une société britannique d’avocats a reçu la copieuse somme de 400 livres sterlings pour empêcher sa diffusion en Occident.  

Ayant pour thème centrale la personne du fondateur du troisième Etat de la dynastie wahhabite saoudienne, le roi Abdel Aziz, depuis son exclusion au Koweït jusqu’à son retour à Ryad, le film y dévoile la collaboration étroite entre lui et les Britanniques pour achever l’empire ottoman, diviser la région sur des bases communautaires et confessionnelles, et assoir l’hégémonie occidentale en échange de l’instauration de son royaume. Les liens entre les Saoud et les Wahhabites par la personne du clan des Sheikh  sur le partage du pouvoir religieux et politique y sont aussi évoqués.

Anzour voulait à travers ce long métrage mettre en exergue le lien entre le passé saoudien et le présent actuel du monde arabe, où les milices wahhabites takfiristes sont en train de continuer dans la région, -dans son pays entre autre-,  ce que leurs prédécesseurs avaient entamé au début du siècle dernier en Péninsule: la wahhabisation forcée des sociétés musulmanes, leur division toute aussi forcée, et surtout la pérennisation de l’hégémonie occidentale, avec comme cerise du gateau la protection d'Israël...

Cet exemple donne une idée claire sur les raisons pour lesquelles le royaume wahhabite s’effarouche à contrôler les medias.

Etant un acteur essentiel dans la face cachée de l’histoire honteuse de la région, qui s’est couronnée par l'implantation de l’entité sioniste, il lui est vital de cacher les réalités… celles du passé et du présent.

Et de tenir sans cesse l'opinion publique arabe dans l'ignorance, et surtout dans l'illusion de menaces en provenance des pays voisins, et des peuples frères! Dont l'Iran, et les chiites!!