La grève de la faim d’Adnan est une réaction face aux violations par Israël des droits les plus élémentaires des prisonniers palestiniens.
Khader Adnan est à nouveau dans l’actualité et c’est la vie même de ce prisonnier politique palestinien qui est en grand danger. Adnan, qui avait avec succès suivi une des plus longues grèves de la faim dans l’histoire du mouvement des prisonniers palestiniens, s’est lancé dans une nouvelle grève en protestation contre le renouvellement d’un ordre de détention administrative - une procédure militaire courante qui permet à Israël d’incarcérer indéfiniment et sans accusation les prisonniers politiques palestiniens.
Au 51ème jour consécutif de sa grève de la faim, l’état de santé d’Adnan s’est gravement détérioré, et il refuse de subir des examens médicaux et de prendre certaines vitamines proposées aux grévistes.
Adnan a été kidnappé par les forces israéliennes d’occupation en juillet 2014, en même temps que plus de 55 prisonniers dont la plupart ont été libérés dans le cadre de l’échange de prisonniers de 2011.
Il a alors été placé en détention administrative, sans accusation ou procès, pour la dixième fois dans sa vie. À la fin de sa grève de la faim en 2012 - une protestation qui l’a amené sur le point de mourir - Adnan a conclu un accord avec les autorités pénitentiaires israéliennes qui lui rendait la liberté et obtenait le consentement des autorités d’occupation à un certain nombre d’exigences des prisonniers.
Celles-ci comprenaient le droit de visite pour les familles des prisonniers originaires de Gaza, l’amélioration des conditions de vie des détenus politiques palestiniens confinés dans les prisons israéliennes, et une limite dans l’utilisation de la détention administrative.
En 2014, à peine plus de deux ans après l’accord, Adnan a été de nouveau arrêté et enfermé à clef derrière les mêmes barreaux dans une prison israélienne bien connue sous ce même régime de la détention administrative contre lequel il s’était battu en 2012.
Selon l’organisation Addameer, Adnan est parmi les 426 prisonniers politiques actuellement sous les verrous dans les prisons israéliennes en tant que détenus administratifs. Sa grève de la faim place un projecteur sur la situation d’environ 5 800 combattants palestiniens de la liberté, aussi bien que sur les dizaines de milliers de membres de leurs familles dont beaucoup se sont vus interdits de visite à leurs proches pendant des années, tandis qu’ils comptent les jours jusqu’à leur libération.
La grève jette également une lumière crue sur l’utilisation par Israël de la détention administrative comme moyen de briser toute tentative par des Palestiniens d’élever la voie contre l’occupation et ses pratiques injustes.
Dans son rapport de 2012, Amnesty International a confirmé que l’utilisation de la détention administrative par Israël « supprimait les activités légitimes et pacifiques des militants dans les Territoires palestiniens occupés ».
Bien que la résolution A/RES/33/24 votée le 29 novembre 1978 par l’assemblée générale des Nations unies réaffirme la légitimité de la lutte de tous les peuples pour la « libération de la domination coloniale et étrangère et de l’occupation étrangère par tous les moyens disponibles, en particulier la lutte armée », le militant palestinien pour les droits des prisonniers n’a jamais été chargé de la moindre accusation, et aucune preuve de quoi que ce soit n’a jamais été rendue publique.
Malgré cela, les allégations israéliennes dépeignent Adnad comme un « terroriste » et comme une menace pour la sécurité d’Israël. Il est ironique qu’un militant politique comme Adnan - qui est soutenu et admiré par la majorité des Palestiniens et qui a suscité un soutien mondial sans précédent pour que cesse sa détention illégale – puisse représenter une menace pour la sécurité d’Israël.
Il est également ironique qu’Israël, qui est une puissance coloniale étrangère occupant illégalement la terre de Palestine, utilise la même forme de détention administrative pour empêcher la lutte légitime des centaines de députés élus, responsables palestiniens de la société civile, et organisateurs de la résistance populaire. Et l’Etat d’Israël agit ainsi dans le silence complet de la plupart des démocraties du monde.
Il est également paradoxal que les Palestiniens soient fréquemment interrogés par les publics occidentaux pour savoir s’ils ont leur « Mahatma Gandhi, » leur « Martin Luther King » et leur mouvement non-violent pour les droits civiques, alors que ces mêmes publics ignorent le fait que les Palestiniens vivent sous le marteau de forgeron de l’armée israélienne.
Ce marteau écrase la dissidence et les voix osant s’exprimer de façon même pacifique contre l’occupant et ses agissements.
La détention d’Adnan viole également les droits les plus élémentaires des prisonniers palestiniens, inscrits dans le droit international. Il est vrai que la détention administrative - une pratique coloniale héritée des Britanniques et pratiquée par le gouvernement israélien contre les Palestiniens – peut être autorisée en vertu du droit international dans le cadre « de raisons impératives de sécurité ». Mais Sara Saadoun, chercheur travaillant pour Human Rights Watch a confirmé qu’Israël « semble faire de l’exception la règle, pour éviter d’avoir à soumettre des suspects à un procès ».
La loi internationale stipule que « l’accusé jouira du droit à un procès rapide et public, par un jury impartial de l’Etat et du district où le crime aura été commis - lequel aura été précédemment établi par loi - et le détenu sera informé de la nature et de la cause de l’accusation ». Dans les prisons israéliennes, cependant, il y a très peu de respect pour le moindre de ces droits.
En dépit du manque de respect par Israël pour les valeurs humaines et les droits fondamentaux, les prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes continuent de se lever pour exiger l’application de leurs droits par leurs geôliers. Ils continuent de protester et de suivre des grèves de la faim. Ils sont disposés à sacrifier leurs vies en défense de leurs libertés. Toutefois, plus les sacrifices concédés par les Palestiniens sont grands, plus les politiques israéliennes deviennent agressives et plus ces droits sont méprisés par l’Etat israélien. Les buts israéliens ultimes semblent être de forcer les Palestiniens à abandonner leurs droits et à soumettre.
En réalité, la grève de la faim d’Adnan est un parfait rejet de ces politiques et de leurs objectifs, et de l’idée même de soumission. Dans une déclaration récente à son avocat, Adnad a affirmé : « Plus [les Israéliens] me torturent, plus fort et plus déterminé je suis ».
Par ailleurs, le militantisme politique d’Adnan à l’extérieur de la prison et sa grève de la faim actuelle accentuent le caractère extrêmement politique de la lutte des Palestiniens. Ceux qui sont incarcérés dans une prison en Israël, ceux qui essayent de survivre dans la prison à ciel ouvert qu’est Gaza et ceux qui vivent dans tous les bantoustans dispersés à travers la Cisjordanie ont le même but. Ils sont tous unis par une histoire semblable - personnelle, familiale, communautaire et nationale - qui renvoie à bientôt sept décennies. Elle implique leur expulsion et l’exil, la destruction de leurs maisons et moyens de subsistance, la confiscation de leur terre par une succession de gouvernements israéliens.
La grève de la faim d’Adnan est un rappel à la fois de sa juste cause et de la brutalité de ses geôliers. Sa décision de mettre en jeu sa propre vie dans l’intérêt de sa cause et de sa dignité est un clair rappel de l’urgence de la question des prisonniers palestiniens et de l’humanité d’Adnan - un père, un militant, un dirigeant et un héros palestinien.
En dépit du maintien par Israël de la politique de la détention administrative et de son mépris des droits des prisonniers, et en dépit du silence des principaux médias quand il est question de la cause des prisonniers, le fait demeure que l’image d’Adnan est fortement présente dans les coeurs et les esprits de millions de musulmans autour du monde. Ceux-ci observent le mois saint du Ramadan par un jeûne collectif qui dure trente jours consécutifs - un rappel quotidien du jeûne bien plus long d’Adnan.
Par-dessus tout, son histoire et son immuabilité sont un puissant exemple pour beaucoup à travers le monde. Qu’Adnan réussisse dans sa grève ou simplement en sorte vivant reste à voir. Un fait, cependant, est clair : Khader Adnan est à présent un symbole et une icône de la quête des hommes et des nations pour la dignité. Son humanité ne mourra pas.
Info-Palestine