Dès le début, Ryad a contribué à la militarisation de la contestation pour faire renverser le pouvoir syrien.
Une particularité de la politique saoudienne : le double langage et le double visage, ou dire quelque chose et en faire une autre.
Cette sournoiserie imprègne surtout le discours du royaume wahhabite concernant le conflit arabo-israélien. Officiellement, c’est l’animosité à l‘entité sioniste. En catimini, des relations sécuritaires vont bon train. Et il n’est pas du tout question de soutenir une quelconque résistance à cette entité. D’où son animosité à l’encontre de l’Iran et du Hezbollah et de la Syrie.
Quoique le royaume wahhabite n’ait pas encore accédé à la normalisation affichée, à l’instar de l’Egypte et de la Jordanie, laquelle ne l’offense nullement, elle n’est pas non plus gênée par la normalisation factuelle opérée dans les pays du Golfe, et dont la décision est fortement tributaire du bon vouloir saoudien.
Cette hypocrisie s’est également manifestée dans la politique saoudienne concernant la crise syrienne.
En 2012, les discours et les décisions officielles saoudiennes ainsi que les medias saoudiens et arabes qui gravitent autour vantaient le soi-disant pacifisme de la « révolution syrienne », démentaient tous les faits qui relatent les attentats perpétrés par les rebelles, accusaient les forces gouvernementales de répression violente et démesurée de la rébellion, réfutaient la participation d’éléments étrangers dans ses rangs, et niaient toute ingérence dans les affaires syriennes.
Or les câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks datant de la même période racontent une autre histoire. Il y est clair qu’en mai 2012, l’Arabie envoyait depuis un certain temps des armes et des fonds aux rebelles syriens. Ce qui confirme les révélations de certains opposants syriens vivant en Europe et qui ont dévoilé (pour notre site entre autre) que dès les premières semaines de la contestation, les offres de sa militarisation allaient bon train.
Dans l’un de ces câbles rédigé par l’ambassadeur saoudien au Liban, on peut lire : « des observateurs estiment qu’il faut continuer à soutenir la résistance syrienne armée en : offrant des salaires copieux pour tous les militaires qui désertent les rangs de l’armée régulière, en fournissant des armements équivalents à ceux entre les mains du régime ».
Ainsi cette missive ne propose de payer les rémunérations des miliciens qui sont déjà payés, mais d’élever leur montant, et non d’envoyer des armes, mais d’améliorer la qualité des armements envoyés.
Pour expliquer les raisons de ces nouvelles mesures, ce courrier avait dans un paragraphe précédent déploré le manque d’armements auprès de l’Armée syrienne libre (ASL) au motif qu’il limite sa capacité à recruter davantage d’éléments. « Si elle obtient des armes, elle sera capable de recruter 30.000 combattants capables de mettre fin à la situation en Syrie, sans attendre la position de la Russie, que personne ne sait ce qu’elle veut, ni quels sont ses intérêts ».
On en déduit que les aides procurées auparavant n’ont pas été suffisantes pour faire renverser le pouvoir syrien, et qu’il fallait en fournir davantage.
De plus, il est question d’élargir le champ de ceux devraient les percevoir.
Dans la correspondance, il est également question de « soutenir les Etats voisins de la Syrie, à l’instar de la Jordanie, et de fournir une aide financière aux habitants qui habitent à proximité de la frontière syrienne aussi bien au Liban qu’en Irak, pour qu’ils contribuent à former un environnement qui sympathise avec la révolution syrienne »
Ainsi, dans ces correspondances diplomatiques, on retrouve la majeure partie des choses niées officiellement : l’aide militaire et financière, des mesures pour impliquer d’autres acteurs dans cette crise et surtout l’ingérence dans les affaires syriennes.
Certains câbles encadrent le travail de l’instance politique de l’opposition syrienne, Le Conseil nationale syrien (CNS), lui dictant ce qu’il doit faire par exemple concernant le plan de l’émissaire des Nations Unies en Syrie Kofi Annan.
En plus, certaines correspondances insistent depuis cette année sur la nécessité de collaborer avec la Turquie.
« Concernant l’importance d’agir afin d’aider l’opposition syrienne et l’ASL , il a été question de l’accord conclu entre le royaume, la Turquie et le Qatar sur la création d’une commission ou d’une instance formée d’importants militaires et qui puissent être un pont de liaison avec le conseil national syrien et l’ASL », rapporte un câble datant du 29 avril 2012, signé par le chef des renseignements saoudien Mokren Ben Abdel Aziz et adressé au ministre des AE, Saoud al-Faïçal.
Dans un autre câble datant d’une vingtaine de jours auparavant, adressée au monarque saoudien le roi Abdallah par le chef de la diplomatie, celui-ci le sollicite de voir que la coordination avec la Turquie requiert une grande importance, malgré le fait qu’elle dispose de son propre agenda en Syrie et dans la région « parce qu’il serait utile de profiter de sa position pour augmenter les pressions contre la Syrie ».
Or, officiellement, cette coordination avec la Turquie n’a été rendue publique que trois années plus tard, en avril 2015, par la visite du prince héritier Mohammad Ben Nayef à Ankara.
De part ces efforts monstres déployés, il apparait que l'Arabie voulait à tout prix cacher son ingérence non pas dans l'insurrection en Syrie, mais dans son éclatement et surtout son intensification et sa militarisation. Il en est de même pour d'autres acteurs internationaux et régionaux qui avaient préparé le terrain et dont le rôle finira bien par élater au grand jour.
A cette époque, il fallait à tout prix faire croire que c'est le peuple syrien qui se révoltait. C'est ainsi que les révolutions forcées sont concoctées!
Sources: al-Akhbar, Saudi Cables