L’Ukraine est massivement dépendante de son grand voisin pour son approvisionnement énergétique
Le groupe public ukrainien Naftogaz a annoncé avoir suspendu les importations du gaz naturel russe à partir du 1er juillet.
Les négociations sur les prix du gaz entre des représentants de la Russie, de l'Ukraine et de l'Union européenne, organisées mardi à Vienne, n'ont abouti à aucun résultat.
"Nous continuerons d'importer du gaz, mais pas de Russie. Tant qu'il n'y aura pas d'accord sur le prix, nous en importerons depuis d'autres sources", a fait savoir le ministre ukrainien de l'Energie Vladimir Demtchichine.
"A partir de 10 heures du matin le 1er juillet, les livraisons de gaz à l'Ukraine ont cessé", a confirmé mercredi Gazprom dans un communiqué, rappelant qu'elle ne fournirait Kiev que sur la base d'un paiement de ses livraisons à l'avance.
A l'issue de négociations tenues à Bruxelles en octobre 2014, le géant gazier russe Gazprom a octroyé à l'Ukraine une remise de 100 dollars sur le prix du gaz prévu par le contrat. Au deuxième trimestre de l'année en cours, l'Ukraine payait le gaz russe 248 USD pour 1.000 mètres cubes.
Selon le ministre, le prix de 247,18 dollars pour 1.000 mètres cubes de gaz proposé lundi par le premier ministre russe Dmitri Medvedev est "insatisfaisant" pour Kiev, qui estime que le prix "juste" doit se situer autour de 200 USD.
Le groupe Naftogaz a tenu de préciser que le transit du gaz russe destiné aux clients européens de Gazprom via le territoire ukrainien se poursuivrait "conformément aux dispositions du contrat
Des positions 'très éloignées'
Gazprom et Naftogaz sont engagés depuis plusieurs années dans un bras de fer énergétique sur le prix du gaz russe livré à l'Ukraine.
Mais leur différend s'est aggravé par le renversement du président pro russe et à l'arrivée d'un gouvernement pro-occidental à Kiev début 2014, qui a été suivie par de fortes tensions entre l'Ukraine et la Russie.
Alors que Moscou avait accordé aux autorités prorusses déchues des réductions sur le prix du gaz, elle les a annulées auprès du nouveau gouvernement, engendrant de fait une forte augmentation des tarifs dont l'Ukraine a refusé de s'acquitter.
Lors des négociations à Vienne, la Russie a proposé de maintenir son tarif pour l'Ukraine à 247,18 dollars pour 1.000 m3 de gaz jusqu'à fin septembre, soit un rabais estimé à 40 dollars par rapport au prix que Moscou pouvait appliquer en fonction d'accords antérieurs.
Selon le ministre russe de l'Energie, Alexandre Novak, qui a déploré une décision "malheureuse" des autorités ukrainiennes, Kiev a refusé la proposition russe, exigeant un rabais de 86 dollars.
"Nous sommes surpris par les annonces de nos collègues ukrainiens, qui s'attendaient à un gros rabais", a déclaré M. Novak peu après la fin des pourparlers. "Ces décisions ne peuvent être, à mon sens, que politiques. Il n'y a aucune (motivation) économique derrière elles", a-t-il ajouté.
La Commission européenne, dont un représentant a participé aux négociations, a de son côté reconnu que les positions des deux pays restaient "encore très éloignées", promettant néanmoins qu'elle allait faire des propositions pour relancer les discussions.
Le spectre des 'guerres du gaz'
Bruxelles souhaitait néanmoins que les négociations aboutissent à un accord "qui couvre au moins la période de l'hiver, jusqu'à fin mars", révèle une source européenne.
Un tel "paquet hiver" avait déjà été conclu en octobre 2014 via une médiation européenne, alors que, faute de paiement, Moscou venait de couper provisoirement la livraison de gaz à Kiev. Cet accord portant sur les années 2014 et 2015 avait été temporairement prorogé en mars, pour expirer le 30 juin.
Selon M. Novak, l'Ukraine ne dispose que de 12,5 milliards de m3 de réserves de gaz pour la saison automne-hiver, tandis que ses besoins en exigent 19 milliards.
"S'ils en reçoivent moins, alors j'estime qu'il y a certains risques" pour l'approvisionnement en gaz russe vers l'Europe, a-t-il expliqué. "Il y a des risques de prélèvement de gaz depuis les tuyaux de transit qui fournissent les clients européens", a-t-il prévenu.
Lors des précédentes "guerres du gaz" entre Moscou et Kiev en 2006 et 2009, la Russie avait accusé l'Ukraine de siphonner les gazoducs traversant son territoire au détriment des Européens.
L'Ukraine, qui reste massivement dépendante de son grand voisin pour son approvisionnement énergétique, compte pour sa part de plus en plus sur des livraisons de gaz fourni via l'Europe centrale et provenant notamment de Norvège.
Gazprom estime que ces livraisons sont souvent illégales parce qu'elles peuvent porter sur du gaz venant initialement de Russie, qui est ensuite revendu à l'Ukraine par d'autres pays européens.
"L'Ukraine va augmenter ses achats de gaz en Europe et devrait être relativement tranquille pour un moment. Mais lorsque viendra l'hiver, se passer du gaz russe sera très problématique", prédit l'expert ukrainien Vladimir Saprykine.
Avec Sputnik, AFP