L’Iran est une forteresse... Le pays est entouré de trois côtés par des montagnes et par l’océan sur le quatrième.
Alors que les pourparlers sur le dossier nucléaire iranien se déroulent depuis 18 mois, les Etats-Unis poursuivent leurs pressions, dans une tentative de faire plier les négociateurs iraniens ou obtenir davantage de concessions. De temps à autre, Washington remet sur la table l’option militaire, mais un expert américain affirme qu’en cas de guerre, l’Amérique serait défaite par la République Islamique.
Dans le cadre des pressions accompagnant la dernière ligne droite des pourparlers entre l’Iran et les grandes puissances sur le dossier du nucléaire, le président américain a prévenu, mardi, qu’il quittera les négociations si elles ne débouchent pas sur un accord solide qui repose sur des inspections régulières et rigoureuses. «J’ai dit dès le départ que je quitterais les négociations si elles risquaient de déboucher sur un mauvais accord», a-t-il déclaré.
Le 7 mai, le secrétaire d’Etat John Kerry avait de nouveau évoqué l’option militaire. Il a déclaré, dans une interview à la Dixième chaîne de télévision israélienne, que l’Amérique a les moyens d’affronter Téhéran, même si cela impliquait une action militaire préventive. «Les Israéliens doivent avoir une certaine confiance en une administration qui a conçu et déployé une arme ayant la capacité de contrer le programme nucléaire iranien», a indiqué le chef de la diplomatie américaine.
L’arme à laquelle il faisait allusion est la «Massive Ordnance Penetrator», ou MOP, une bombe de 13600 kg devenue opérationnelle en 2011, et qui a récemment été repensée en termes d’orientation et de pénétration.
Mais les dirigeants iraniens ne se laissent pas impressionner. Quelques jours plus tard, le leader de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, affirmait que l’Iran ne participera pas à des négociations si son pays et son programme nucléaire sont menacés par une action militaire. «La tenue des pourparlers nucléaires sous l’ombre de la menace est inacceptable pour l’Iran. Notre nation ne l’acceptera pas, les menaces militaires ne vont pas aider les pourparlers», a-t-il dit.
Quelques semaines plus tôt, le commandant-adjoint de l’état-major des forces interarmées iraniennes, le général Massoud Al-Jazaïri, déclarait qu’«en cas de la moindre action militaire insensée de la part des Etats-Unis contre l’Iran, nous montrerons aux Américains la véritable puissance de la République islamique. Le secrétaire d’Etat américain s’imagine que les menaces militaires pourraient dissuader l’Iran d’accéder à ses intérêts indiscutables».
Le chef du comité de la propagande défensive de l’Iran avait pour sa part affirmé qu’en cas de conflit, l’Iran obligerait les Américains à se retirer de la zone stratégique de l’Asie de l’Ouest.
L’invasion de l’Iran est impossible
Les propos des dirigeants militaires iraniens sont confirmés par des experts américains, qui assurent qu’en cas de conflit, l’Iran serait capable d’infliger aux Etats-Unis une défaite stratégique.
Dans une étude publiée le 20 juin dernier, Zachary Keck, directeur de la rédaction de la revue National Interest, abonde dans ce sens.
Le spécialiste des questions iraniennes assure que «des frappes aériennes contre les installations nucléaires de l’Iran n’auraient qu’un impact limité». Elles serviraient, tout au plus, à retarder le programme nucléaire iranien. La République islamique serait en mesure de reconstruire ses installations. La seule action militaire qui pourrait vraiment empêcher l’Iran d’acquérir une arme nucléaire, serait, alors, une invasion de l’Iran par les États-Unis et l’occupation du pays, afin d’y installer un régime pro-américain.
M. Keck estime toutefois que «(…) l’armée américaine ne serait pas en mesure de conquérir l’Iran rapidement et à moindre coût, comme elle l’a fait en Irak et en Afghanistan». En fait, Téhéran serait en mesure d’infliger des pertes insupportables à l’armée américaine, avant même le début de l’occupation du pays.
Selon l’expert américain, «la capacité de l’Iran à se défendre contre une invasion américaine commence par sa géographie exceptionnelle». «Comme l’explique Stratfor, une société américaine privée de renseignement, l’Iran est une forteresse», écrit M. Keck avant de poursuivre: «Le pays est entouré de trois côtés par des montagnes et par l’océan sur le quatrième (…). L’Iran est extrêmement difficile à conquérir».
Selon lui, un débarquement de troupes par voie maritime étant très difficile, les Etats-Unis opteraient pour une invasion de l’Iran à travers l’une de ses frontières terrestres, tout comme ils l’ont fait quand ils ont envahi l’Irak, en 2003.
«A première vue, une invasion à partir de l’ouest de l’Afghanistan semblerait l’option la plus plausible, étant donné que l’armée américaine dispose déjà de troupes stationnées dans ce pays. Hélas, cette option n’en est pas une», souligne M. Keck.
L’option afghane inopérante
Les difficultés empêchant une telle opération sont surtout d’ordre logistique. En effet, «la construction d’une grande force d’invasion dans l’ouest de l’Afghanistan serait un cauchemar, surtout que les relations entre l’Amérique et la Russie se sont considérablement détériorées».
Mais l’obstacle le plus important est la géographie de la région frontalière. «Tout d’abord, il y a quelques petites chaînes de montagnes le long de la frontière. Le plus difficile serait, cependant, que pour aller de la frontière afghane à la plupart des principales villes iraniennes, il faudrait traverser deux grandes régions désertiques: Dasht-e Lut et Dasht-e Kavir». Et l’article de National Interest de poursuivre: «Dasht-e Kavir est particulièrement redoutable, car il est semblable à des sables mouvants. Comme le note Stratfor, le Dasht-e Kavir est composé d’une couche de sel recouvrant une boue épaisse, qui peut céder facilement. Cette géographie limiterait sérieusement les capacités américaines à utiliser l’infanterie mécanisée et motorisé dans le plan d’invasion».
Les frontières occidentales de l’Iran ne sont pas plus accueillantes. Le nord-ouest est certes bordé par la Turquie, un allié de l’Otan. Mais Ankara a refusé d’accorder la permission aux États-Unis d’utiliser son territoire pour l’invasion de l’Irak, en 2003. De plus, les monts Zagros, qui délimitent les frontières de l’Iran avec la Turquie et la plupart de l’Irak, constituent une barrière presque infranchissable pour une grande force d’invasion.
La seule exception sur les frontières occidentales de l’Iran est l’extrême-sud, où le Tigre et l’Euphrate se rejoignent pour former le Chatt al-Arab. Cette voie fut utilisée par Saddam Hussein dans les années 1980. Malheureusement, comme Saddam l’a découvert, ce territoire est marécageux et facile à défendre. En outre, peu de temps après avoir pénétré en territoire iranien, toute force d’invasion devrait passer par les montagnes du Zagros.
Reste le littoral du sud, qui s’étend sur environ 1500 kilomètres, partagés entre le Golfe persique et le Golfe d’Oman. Mais selon M. Keck, l’Iran se prépare depuis un quart de siècle à une telle éventualité. Il a construit une force militaire impressionnante, comportant un grand nombre de missiles à guidage de précision, des vedettes rapides, des drones, des sous-marins et des mines.
Dans ce contexte, on comprend que les menaces américaines de recourir à l’option militaire sont plus du bluff qu’un choix sérieux. C’est d’ailleurs parce que les Etats-Unis sont conscients des limites de leurs capacités militaires contre l’Iran qu’ils se sont enfin résignés à s’asseoir à la table des négociations.
Samer R. Zoughaib
Source : AlAhed News