Les talibans présents mardi à Murree "ne sont pas importants au sein de la rébellion" et "sont sous l’influence du gouvernement pakistanais", a pesté un cadre taliban interrogé par l’AFP.
Kaboul et les rebelles talibans se sont rencontrés mardi au Pakistan et ont convenu de se revoir, a confirmé ce mercredi Islamabad, un possible pas en avant vers des pourparlers de paix après plus de 13 ans d'un conflit qui ne faiblit pas sur le terrain.
Une délégation du gouvernement afghan, emmenée par le vice-ministre des
Affaires étrangères Hekmat Karzaï, s'est entretenue avec des membres de la
rébellion des talibans à Murree, près de la capitale pakistanaise Islamabad, a
confirmé dans un communiqué le ministère pakistanais des Affaires étrangères.
Peu de détails ont filtré sur cette rencontre qui s'est étirée jusqu'à
l'aube mercredi et s'est conclue par le partage du sehri, le repas traditionnel
d'avant l'aube pris par les musulmans pratiquants au cours du mois de jeûne du
ramadan.
Islamabad n'a pas dévoilé l'identité des participants talibans, mais
précisé que des observateurs chinois et américains étaient présents à cette
rencontre, qualifiée par le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif de
"percée" dans ce conflit qui secoue l'Afghanistan depuis la chute du régime des
talibans en 2001.
"Les participants ont échangé leurs points de vue sur la manière de ramener
la paix et d'enclencher la réconciliation en Afghanistan", a expliqué la
diplomatie pakistanaise, ajoutant qu'un deuxième round aurait lieu "après le
ramadan", qui s'achève à la fin de la semaine prochaine.
Des représentants talibans et du gouvernement afghan se sont rencontrés
plusieurs fois ces derniers mois au Qatar, en Chine et en Norvège. Mais c'est
la première fois que Kaboul reconnaît publiquement que l'un de ses ministres
négocie directement avec des représentants de ses ennemis talibans.
Selon le journaliste pakistanais Rahimullah Yousufzai, spécialiste de la
rébellion afghane, si les contacts et discussions restent "à un stade
préliminaire", la rencontre de Murree n'en reste pas moins "un développement
important" en vue d'éventuels pourparlers de paix.
Conflit toujours sanglant
"Mais il y a toujours deux ou trois éléments à éclaircir", notamment "quel
peut être le plan de paix" et "si les différentes factions talibanes approuvent
ces discussions", souligne-t-il.
Les divisions actuelles au sein du mouvement taliban, éparpillé entre les
combattants restés en Afghanistan et les cadres plus anciens, réfugiés
notamment au Pakistan et au Qatar, contribuent depuis plusieurs années à
freiner les initiatives de paix.
Toujours réticent à s'exprimer sur ce sujet, le commandement central des
talibans, surnommé la "choura de Quetta", du nom de la ville du sud-ouest du
Pakistan où il serait réfugié, n'a ni condamné ni commenté les discussions de
Murree.
Selon Yousufzai, la délégation talibane y était composée de cadres
vivant habituellement à Quetta et dans ses environs. La présence sur place de
représentants de la branche des talibans en exil à Doha (Qatar), l'une des plus
actives dans les initiatives de paix, n'a pas été confirmée.
D'autres éléments expliquent la prudence des talibans sur ce sujet, dont le
silence depuis des années de leur chef historique, le mollah Omar, que des
rumeurs annoncent régulièrement mort, et les rapports compliqués qu'ils
entretiennent avec Islamabad.
Le Pakistan, qui a aidé à la création des talibans dans les années 1990,
est depuis longtemps accusé de les instrumentaliser pour défendre ses intérêts
en Afghanistan, et notamment y lutter contre l'influence de son rival indien,
allié du gouvernement de Kaboul.
Lorsqu'ils furent chassés du pouvoir par une coalition militaire emmenée
par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, beaucoup de chefs
talibans se sont réfugiés au Pakistan, où un bon nombre vit toujours sous
l'étroite surveillance d'Islamabad.
Or une partie des talibans accusent à mots couverts le Pakistan de vouloir
orchestrer un processus de paix guidé par ses propre intérêts, et non dans
celui de la rébellion et du peuple afghan qu'elle dit représenter.
Les talibans présents mardi à Murree "ne sont pas importants au sein de la
rébellion" et "sont sous l'influence du gouvernement pakistanais", a ainsi
pesté un cadre taliban interrogé par l'AFP.
Autant d'éléments qui expliquent que les contacts entre Kaboul et talibans
n'ont jusqu'à maintenant eu aucun impact sur le conflit en Afghanistan, où les
rebelles ont redoublé d'ardeur et semblent avoir gagné du terrain récemment
dans plusieurs provinces.
Mardi, quelques heures avant la rencontre de Murree, deux nouveaux
attentats rebelles contre des soldats de l'Otan et les services de
renseignement afghans avaient ainsi fait au moins un mort et cinq blessés dans
la capitale Kaboul.