25-11-2024 05:28 PM Jerusalem Timing

Accord nucléaire : Opportunités énormes... et bâtons dans les roues

Accord nucléaire : Opportunités énormes... et bâtons dans les roues

Les négociateurs iraniens confiants dans l’application de l’accord nucléaire. La presse iranienne entre euphorie et scepticisme. Les Emirats et le Pakistan saluent.

De retour mercredi à Téhéran après avoir conclu à Vienne un accord nucléaire historique avec les grandes puissances, les négociateurs iraniens ont exprimé leur confiance dans son application par tous les protagonistes. A l’insu des tentatives de le torpiller prévues aussi bien par l’entité sioniste que par certaines monarchies arabes.
   
"Nous allons prendre des mesures et elles (les grandes puissances) feront de même", a déclaré Mohammad Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères et dirigeant de la délégation iranienne à Vienne, à son retour à Téhéran.
"Cela interviendra dans quatre mois", a-t-il affirmé au sujet du début d'application du texte conclu après 22 mois de négociations ardues entre l'Iran et le groupe 5+1 (Etats-Unis, Russie, France, Chine, Grande-Bretagne, Allemagne).
   
L'accord doit rendre quasiment impossible la possibilité pour l'Iran de fabriquer une bombe atomique que Téhéran a toujours nié vouloir fabriquée, tout en lui reconnaissant son droit à développer une filière nucléaire civile.
En échange, l'Iran bénéficiera progressivement d'une levée des sanctions adoptées depuis 2006 par les Etats-Unis, l'Union européenne et l'ONU. Selon le calendrier probable, la mise en œuvre devrait commencer en novembre 2015, et, le cas échéant, la levée progressive des sanctions en janvier 2016.
   
Presque unanimement salué par la presse iranienne qui se réjouit de "l'ère post-sanctions" et de la "révolution diplomatique du 14 juillet 2015", l'accord a été célébré dans les rues de Téhéran par de nombreux Iraniens qui ont exprimé la nuit dernière leur joie en dansant, en chantant et en rendant hommage au guide suprême l’imam Ali Khamenei, au président iranien cheikh Hassan Rohani et au ministre des AE Mohammad Javad Zarif.
   
Journaux iraniens : entre euphorie et scepticisme

Ce mercredi, rapporte l’AFP, la majorité des journaux iraniens saluaient l'accord nucléaire historique conclu la veille à Vienne, même si certains quotidiens affichaient leur scepticisme quant à l'application de l'arrangement.
   
Le quotidien réformateur Ebtekar reflétait en une le sentiment de soulagement des Iraniens en rendant hommage au ministre des

 Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, un des architectes de l'accord. Il était comparé au héro national Mohammad Mossadegh, par un photo montage associant la moitié gauche du visage de l'un à la moitié droite du visage de l'autre.
 

M. Mossadegh, Premier ministre élu démocratiquement, fut l'artisan de la nationalisation du pétrole avant d'être renversé par un coup d'Etat américano-britannique en 1953.
   
Donyaye Eqtesad, un quotidien économique, se réjouissait mercredi en une de l'entrée dans "l'ère post-sanctions", en référence aux sanctions internationales dont la levée progressive et réversible est actée dans l'accord.
 
"Le monde a changé" écrivait pour sa part Etemad, un autre quotidien réformateur, qualifiant l'accord conclu entre l'Iran et le groupe 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) de "révolution diplomatique du 14 juillet 2015".
Le quotidien a publié en urgence un numéro gratuit de 4 pages qui a inondé les rues de Téhéran dès mardi soir.
   
Financial Asia a laissé sa une blanche, barrée uniquement du mot "ACCORD".

C'est la fin de "12 ans de conflit nucléaire", célébrait encore le journal Ghanoon, affirmant que "le siège de l'Iran a été levé".
   
A l'inverse, le journal conservateur Kayhan, très critique des négociations, ne cachait pas ses doutes sur l'accord, affirmant que le président américain Barack Obama et son homologue iranien Hassan Rohani, avaient des interprétations différentes de ses termes.
   
Et l'ultra-conservateur Vatan-e-Ermooz était aussi sceptique, titrant "EN ATTENTE D'APPLICATION". L'édito du journal était à l'avenant, affirmant que "le grand défi de ce genre de texte se révèle pendant leurs applications", ajoutant "les objectifs des Etats-Unis une fois l'arrangement conclu ne sont pas nécessairement ceux inscrits dans l'accord nucléaire".

La ruée du pétrole

Téhéran s'attend à recevoir dans les mois à venir de nombreux responsables politiques et hommes d'affaires attirés par les richesses en gaz et en pétrole de ce pays de 78 millions d'habitants.

Londres a d’ores et déjà  annoncé vouloir rouvrir son ambassade à Téhéran avant la fin de l'année, et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a annoncé une prochaine visite en Iran.
Dans les medias occidentaux, il n’est questions que des débouchés économiques qui vont être entamés.  
 

Comme prévu, la levée des sanctions et de l'embargo pétrolier devrait stimuler les exportations de l’Iran en hydrocarbures  à partir de début 2016. En raison de l'embargo occidental, elles avaient chuté de quasi moitié, d'environ 2,2 millions de barils par jour (mbj) mi-2012 à 1,2 mbj actuellement.
   
Le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh, a indiqué en juin que son pays souhaitait revenir à sa production d'avant l'embargo.

"C'est notre droit de revenir sur le marché et j'ai demandé aux membres de l'OPEP de considérer le retour de l'Iran", avait expliqué M. Zanganeh, assurant que son pays pourrait produire 0,5 mbj supplémentaires un mois après la levée de l'embargo, et 1 mbj après 6 à 7 mois.

 

Des bâtons dans les roues. La fin de l’OPEP ??
 
Or, le recul de la production iranienne a été largement compensé par l'Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis, tous membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).

De plus, la production cumulée du cartel a augmenté d'environ 2 mbj durant la même période à 15,9 mbj, selon des statistiques du cartel.

Il faut s’attendre à ce que ces pays mettent des bâtons dans le retour de ce retour iranien au marché des hydrocarbures.

Dès lors, certains économistes golfiques préfèrent ne pas croire en un retour de l'Iran à son ancienne production, ou le cas inverse préconisent des scenarios alarmistes
 
"Toute la production additionnelle de l'Iran ira à l'exportation, mais cela ne va pas aggraver l'excédent sur les marchés, car l'augmentation sera progressive", note Jassem al-Saadoun, directeur d'Al-Shall, un cabinet de conseil économique au Koweït.
"L'Iran devrait mettre quelques années pour atteindre son objectif de 1 mbj" supplémentaires, dit-il à l'AFP.

Même son de cloche de la part du cabinet saoudien de consultants Jadwa Investments, selon lequel l'Iran ne pourrait augmenter sa production que de 150.000 barils par jour au 4e trimestre de cette année. Après la levée de l'embargo, "le brut iranien ne va pas à court terme inonder le marché", assure Jadwa.

Dans un rapport, ce cabinet souligne que Téhéran aura besoin de 6 à 12 mois pour se conformer pleinement à tous les termes de l'accord.

Selon l’AFP, la hausse attendue des exportations du brut iranien arrive à un moment où les producteurs se disputent déjà âprement les parts de marché. Une hausse possible de la production libyenne et irakienne risque en outre de compliquer la donne.

Alors que l'Arabie saoudite s’accapare la part de lion, avec un record de10,3 mbj, et l'Opep dépasse de plus d'1 mbj son plafond de production, fixé à 30 mbj.
   
"Le vrai problème se posera lorsque les membres de l'Opep commenceront à se battre pour les quotas, sur fond d'offre excédentaire", prévient M. Saadoun.
 "Si l'Iran, le Venezuela, l'Algérie et la Libye entrent en conflit avec les producteurs du Golfe, ce sera la fin de l'Opep", prédit-il.


"Les relations commerciales sont susceptibles de s'améliorer avec les Emirats, mais je ne pense pas que ce sera le cas avec l'Arabie saoudite et le Koweït tant que la conjoncture politique ne s'améliore pas", conclut le directeur koweitien du Shall.

 

Partenaire des Emirats
   
En effet, à la lumière des récentes positions en provenance des dirigeants des Emirats, il semble que tous les voisins arabes du Golfe de l’Iran ne partagent pas cette perception pessimiste de Saadoune.     

Et pour cause : la levée des sanctions pouvant relancer les échanges commerciaux entre eux, surtout avec Dubaï, le seul avec qui l'Iran commerce activement, selon l’AFP
Parmi les dirigeants des monarchies du Golfe, le premier à avoir félicité l’Iran pour l’accord nucléaire a été justement  l’émir émirati cheikh Khalifa Ben Zayed, suivi de son  homologue d’Abu Dhabi qui ont envoyé une lettre au président iranien.     
   
En juin dernier, le ministre émirati de l'économie, Sultan al-Mansouri, a indiqué que les échanges avec l'Iran avaient atteint 17 milliards de dollars en 2014 mais restaient inférieurs au record de 23 milliards USD, enregistré en 2011 avant l'application des sanctions.

L'Iran est le quatrième partenaire commercial des Emirats, notamment via Dubaï, où vit une importante communauté iranienne très active dans les affaires.
 

Le vice-président du Conseil d'affaires iranien à Dubaï s'attend à une hausse de ces échanges "de 15% à 20%" durant l'année suivant la levée des sanctions.
 

 

Pakistan : un nouveau souffle au gazoduc

 

Le Pakistan aussi semble voir d’un bon œil l’accord.
Selon son ministre du Pétrole,  il donne un nouveau  souffle au projet de gazoduc reliant l'Iran au Pakistan, voire à la Chine.

Lancé en 2010, ce projet vise à relier sur 1.800 km les champs gaziers de South Pars en Iran, à Nawabshah, ville située près de la métropole économique du Pakistan, géant de près de 200 millions d'habitants affecté par une crise énergétique qui freine sa croissance.
   
En 2013, l'Iran avait célébré la fin de la construction du pipeline de son côté de la frontière, mais le Pakistan, lui, avait tergiversé avant d'affirmer ne pas pouvoir aller de l'avant avec ce projet en raison des sanctions américaines et européennes imposées à Téhéran en lien avec son programme nucléaire.

"Cet accord est une bonne nouvelle pour le Pakistan. L'Iran est un pays voisin et cela permettra d'accroître notre commerce. Plusieurs problèmes survenus au cours des dernières années seront résolus, en particulier ce gazoduc Iran-Pakistan", a déclaré à l'AFP le ministre pakistanais du Pétrole, Shahid Khaqan Abbasi.

"Nous avons l'obligation contractuelle d'acheter du gaz iranien, et ils ont une obligation de nous fournir un volume de gaz, mais notre projet a été affecté par les sanctions.... La levée des sanctions nous permettra de respecter nos engagements", a ajouté le ministre.
   
Dans le cadre de l'ambitieux projet de corridor économique sino-pakistanais visant à relier l'ouest de la Chine au Moyen-Orient via le Pakistan, Pékin finance actuellement la construction d'un gazoduc reliant la ville de Nawabshah au port pakistanais en eaux profondes de Gwadar, situé sur la mer d'Arabie, près de l'Iran.
   
Une fois ce gazoduc achevé, le Pakistan "n'aura plus qu'à le prolonger sur 80 kilomètres" pour gagner l'Iran à l'ouest, et pourrait à plus long terme l'allonger au nord-est jusqu'à la Chine, a souligné M. Abbasi.