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Guerre contre Gaza : dire la vérité !

Guerre contre Gaza : dire la vérité !

Au moins 1370 Palestiniens ont été tués, dont 90% de civils. Parmi eux se trouvaient plus de 308 enfants. Plus de 7700 personnes ont été blessées, dont 31 % d’enfants.

Il est grand temps de clarifier les choses à propos de l’agression que les Israéliens ont lancée contre les Palestiniens.

Malheureusement, c’est la version israélienne qui a dominé les médias internationaux. Il est très important de mettre à jour cette version et de porter les faits à la connaissance du public. Le monde entier a besoin de faire la distinction entre mythe et réalité.

La première des choses à savoir- et la plus importante- c’est qu’Israël a ouvert les hostilités. Ce ne sont pas les Palestiniens.

C’est très différent de ce que la plupart des médias disent. Les Israéliens prétendent qu’Israël a subi des tirs de roquettes en provenance de Gaza et qu’ils ont répliqué par des frappes aériennes. C’est faux. La vérité c’est qu’Israël a, le premier, lancé à plusieurs reprises des frappes aériennes sur Gaza qui ont fait de nombreuses victimes. Ils ont tenté de provoquer une réaction jusqu’à ce que des roquettes soient effectivement lancées contre Israël. On a alors dit dans les médias qu’Israël se défendait.

La deuxième chose à savoir, c’est que cette guerre n’a pas commencé à Gaza mais en Cisjordanie quand l’armée israélienne, sans apporter aucune preuve que les Palestiniens étaient responsables de la disparition, puis de la mort, de trois colons, a lancé une campagne de punition collective dans toute la Cisjordanie. Un des résultats de cette campagne a été l’arrestation de plus de 1000 Palestiniens, dont un certain nombre de parlementaires palestiniens, portant le nombre de ceux qui sont emprisonnés en Israël à 34.

De plus, au cours de cette campagne, Israël a envahi plus de 3000 maisons, en a détruit la plupart, a volé de l’argent et détruit des meubles. Les forces israéliennes ont donc lancé une campagne de violence de grande envergure contre les Palestiniens, utilisant des balles pour tuer contre des manifestants pacifiques qui protestaient contre l’enlèvement de Muhammad Abu Khdeir qui avait été torturé et brûlé vif par des colons israéliens. Cela a conduit à une très grave escalade dans toute la Cisjordanie.

La troisième chose, c’est que cette guerre ne visait pas seulement le Hamas : elle visait tous les Palestiniens, ceux de Gaza, ceux de Cisjordanie, ceux de Jérusalem-est et le peuple palestinien en général. Il est à noter que la plupart des victimes de l’agression israélienne furent des civils. A l’heure où j’écris cet article, le 30 juillet [2014], au moins 1370 Palestiniens ont été tués, dont 90% de civils. Parmi eux se trouvaient plus de 308 enfants. Plus de 7700 personnes ont été blessées, dont 31 % d’enfants.

Des familles entières ont été décimées. Rien que ce matin, 20 personnes de la même famille, dont 11 enfants, ont été tuées dans leur sommeil quand le bâtiment dans lequel ils avaient trouvé refuge la veille a été écrasé. Je parle de plus de 30 familles qui ont été rayées des registres civils parce que toute la famille élargie a été tuée, le père, la mère, les grands-parents, les petits-enfants, tout le monde. Ce genre d’extermination, ce niveau d’attaque, n’est rien d’autre qu’un massacre, un génocide conduit par Israël.

Et comme si ce n’était pas suffisant, Israël a forcé des centaines de milliers de personnes à évacuer leur maison, les obligeant à partir en les bombardant. Pas moins de 13 000 maisons ont été en partie ou en totalité détruites. Des milliers de personnes ont tout perdu, leurs vêtements, les affaires et les souvenirs de toute une vie et, à présent, des centaines de milliers de personnes se retrouvent réfugiées une fois de plus. Beaucoup habitent dans des écoles, sans rien. Si la guerre prend fin et qu’ils reviennent chez eux, ils ne trouveront que des décombres.

Des quartiers entiers, comme celui de Shujaiya, ont été détruits en 24 heures. Même des hôpitaux ont été attaqués. A cette heure, l’armée israélienne a attaqué sept hôpitaux, 13 ambulances et deux centres de premiers secours. Dans de nombreux cas, ils ont blessé ou tué du personnel médical et/ou des patients. Ils ont attaqué un établissement de soins pour handicapés et tué deux femmes. Lors d’un autre tir d’obus, un jeune handicapé, sourd et muet, n’a pas compris ce qui se passait jusqu’à ce qu’il soit touché. Il se retrouve paralysé dans tout le bas du corps, ce qui ne fait que lui ajouter un handicap de plus. Les mots les plus déchirants que j’ai entendus sont ceux d’un homme qui s’adressait à deux de ses enfants à l’hôpital, tués par une frappe aérienne : « Pardonnez-moi, mes enfants. Je n’ai pas pu vous protéger. »

Ce sentiment d’impuissance est écrasant parce que des milliers et des milliers de personnes aujourd’hui à Gaza, des milliers de pères et de mères, sont dans l’impossibilité de protéger leurs enfants. Beaucoup ont vu leurs enfants tués sous leurs yeux. Certains ont vu leurs enfants décapités par des éclats d’obus.

Je voudrais faire remarquer quelque chose à propos de la revendication d’Israël au droit de se défendre. Ce qui est le plus insultant c’est que nombreux parmi les leaders internationaux sont ceux qui, comme Angela Merkel ou Barack Obama, parlent du droit d’Israël de se défendre alors qu’ils ne disent pas un seul mot sur le droit des Palestiniens à se défendre, bien que ceux-ci soient les opprimés dans cette bataille. Les Palestiniens sont ceux dont la terre est occupée depuis 47 ans, ceux qui depuis 1948 ont été déplacés et contraints d’adopter le statut de réfugiés, ceux qui souffrent du système d’apartheid mis en place par l’occupation israélienne. Et pourtant, pas un seul mot n’a été prononcé concernant notre droit à nous défendre.

En fait, la version israélienne n’a pas d’autre objet que de déshumaniser les Palestiniens comme s’ils n’étaient pas des êtres humains à égalité avec les autres, comme si leur vie n’avait aucune importance, comme si elle ne valait rien, comme si c’était très bien que plus de 1370 d’entre eux soient tués et 7700 blessés. Pendant ce temps, tout ce dont on entend parler c’est de l’impact psychologique sur la population israélienne même si, jusqu’à ce jour, les tirs venus de Gaza n’ont tué que deux civils. Jusqu’à présent, 58 Israéliens ont trouvé la mort. Tous, sauf deux d’entre eux, étaient des militaires qui ont été tués alors qu’ils envahissaient Gaza et qu’ils attaquaient la population. Nous ne voulons la mort de personne, que ce soit des Israéliens ou des Palestiniens. Mais dire, dans ce cas, que les Palestiniens sont les agresseurs est faux et tout à fait inacceptable.

Il faut absolument clarifier l’asymétrie de la situation actuelle. Nous sommes en train de parler de l’armée israélienne qui est probablement la 4e armée la plus puissante au monde. Cette armée attaque des civils dans une des régions les plus peuplées du monde avec 1 800 000 personnes vivant dans moins de 360 kilomètres carrés les jours « normaux ». Mais ces jours-ci, il faut compter le double de personnes car Israël a déclaré que Gaza était une zone d’insécurité et a martelé le message en bombardant les habitations. Ces 1 800 000 personnes ont été attaquées par une puissante force aérienne, des navires et une artillerie tout aussi puissants. Les Palestiniens, eux, n’ont que des moyens de défense très primitifs.

Même les roquettes qui sont lancées sur Israël - et d’ailleurs nous ne souhaitons pas que ces roquettes soient lancées - ne sont presque toujours qu’une arme psychologique. Cela a effrayé les Israéliens, c’est vrai, mais ces projectiles ont rarement fait du mal. Le mal est fait quasi exclusivement d’un seul côté, le côté palestinien. On ne peut en aucune façon comparer les deux parties, l’armée israélienne sophistiquée d’un côté et le peuple palestinien de l’autre. Alors que cette asymétrie est claire, les forces israéliennes continuent à employer contre les Palestiniens une force indiscriminée et disproportionnée.

On passe presque toujours sous silence le problème du blocus de Gaza qui dure depuis huit ans. Il a causé l’une des crises humanitaires les plus dramatiques, non seulement dans la région mais probablement aussi dans le monde. Il s’agit de 1 800 000 personnes assiégées par mer, par air et sur le terrain. Israël contrôle tous les passages ainsi que le ciel et la mer. Les pêcheurs n’ont pas le droit de pêcher à plus de 5 kilomètres de la côte et, au cours des trois dernières semaines, on leur a complètement interdit de travailler.

Pratiquement personne ne peut entrer ou sortir, même pour aller à l’hôpital ou recevoir un traitement médical. La seule entrée vers l’Egypte est également fermée du côté égyptien. Ce siège a occasionné de très graves problèmes. Gaza manque de matériaux de construction, n’a pas accès à de l’eau propre ; 90% de l’eau à Gaza est impropre à la consommation parce qu’elle est soit salée soit polluée. Plus de 300 000 personnes n’ont plus d’accès à l’eau parce que les conduites d’eau ont été détruites par les bombardements israéliens. Et quand des Palestiniens ont tenté de les réparer, des militaires israéliens leur ont tiré dessus.

L’électricité aussi est un très gros problème à Gaza. La plupart du temps, les gens n’en ont que pendant 6 à 8 heures par jour. Aujourd’hui, plus d’un tiers de la population n’a pas d’électricité du tout parce qu’Israël a bombardé la seule centrale électrique de Gaza. Toujours à cause de ce blocus, 90% des jeunes Palestiniens instruits sont au chômage. Le niveau de pauvreté est très élevé et le fait que les produits de base en provenance d’Israël soient très chers ne fait qu’aggraver cela. C’est une situation inacceptable. Un tel blocus doit être considéré comme un acte d’agression.

Il est important de rappeler aux hommes politiques du monde entier qu’en 1967 Israël a déclaré avoir le droit d’attaquer l’Egypte, la Syrie, la Jordanie et le peuple palestinien et d’occuper toute la Cisjordanie, Jérusalem-est, la bande de Gaza, les hauteurs du Golan et tout le Sinaï simplement parce que l’armée égyptienne avait fermé l’accès à Eilat, un petit port dans le sud d’Israël. Israël conservait son plein accès à la Méditerranée. Ils ont pourtant pris cela comme un acte d’agression qui leur donnait le droit de lancer une des pires guerres du Moyen-Orient. C’est pourquoi nous disons qu’un cessez-le-feu n’est pas suffisant : il est tout aussi important de lever le blocus de Gaza parce que ce blocus est en lui-même un acte d’agression.

Aujourd’hui, les Palestiniens ont demandé un cessez-le-feu mais Israël refuse. Ils ont fait quelques efforts pour qu’il y ait au moins un cessez-le-feu humanitaire pour permettre aux Palestiniens de récupérer les corps de leurs morts qui sont enterrés sous les décombres de Shujaiya et d’autres lieux comme Khuzza. C’est terrible de savoir qu’il y a probablement de nombreux blessés qui n’ont aucun accès aux soins et qui vont mourir lentement parce qu’Israël n’a pas autorisé un cessez-le-feu complet et n’a pas permis à des équipes médicales d’aller jusqu’à eux.

 

*Mustafa Barghouti: Secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne, président de la Société d’aide médicale palestinienne, et membre du Conseil Législatif Palestinien.

 

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