Selon l’historien et ancien ministre libanais Georges Corm
Dans une interview accordée au Monde des religions, au sujet de son livre «Pour une lecture profane des conflits », l’historien libanais Georges Corm donne une analyse multifactorielle des guerres et conflits dans le monde, leur réfutant une causalité unique qui serait religieuse ou ethnique.
Pour Georges Corm, les mouvances terroristes actuelles se «réclament» des trois théologiens musulmans connus pour leur extrémisme religieux néfaste sur les peuples, à savoir Ibn Taymiyya, Al-Maududi et Sayyid Qutb.
La théologie musulmane, a-t-il ajouté, va bien au-delà de ces trois noms et les théologiens «libéraux» sont très nombreux. Selon lui, il y a «aujourd’hui une crise des monothéismes, à cause de la manipulation du religieux».
Concernant l’instrumentalisation de la mémoire dans la gestion des conflits, Georges Corm a expliqué que les musulmans restés fidèles au concept de «religion du juste milieu» sont marginalisés.
«Aujourd’hui, les médias et les chercheurs ne s’intéressent plus à la sociologie des sociétés arabes, turques, perses… Ils se consacrent à l’étude des réseaux islamistes. C’est un islam abstrait, une méga-identité qui ne veut rien dire, mais sert à stimuler cette idéologie du conflit des civilisations», a-t-il indiqué, tout en démontrant que le même type de crispation, on le retrouve dans le judaïsme. «De très nombreux citoyens européens ou américains de confession juive n’approuvent pas la politique d’Israël. Ils sont totalement marginalisés dans les médias et la recherche académique», a-t-il affirmé.
A une question sur le retour au religieux après une vie internationale laïque, l’historien explique que tout «a basculé» avec la guerre froide. «L’extension du marxisme dans les rangs de la jeunesse arabe dans les années 1950-60 était très impressionnante. De quoi inquiéter les milieux militaires et politiques occidentaux. En cherchant à réislamiser les sociétés musulmanes, la doctrine Brezinski entendait que leurs préoccupations ne soient plus économiques ou sociales, mais théologiques», a-t-il développé.
Réfutant l’échec total de la laïcité dans le monde arabe et musulman, il a fait savoir que l’échec de l’industrialisation est «associé» à une démographie surprenante.
«Devant l’incapacité de trouver un emploi, la mosquée devient attirante. Toutes les ONG islamiques ont fleuri grâce au financement des monarchies et émirats du Golfe. Elles ont distribué des aides sociales, conditionnées par l’adoption d’un mode de vie religieux», a-t-il précisé.
Questionné sur le rôle des médias et des intellectuels occidentaux dans cette réislamisation, Georges Corm a pointé du doigt les politologues occidentaux qui, selon lui, ont donné une crédibilité islamique à des gens comme Ibn Taymyya ou Sayyid Qutb, ainsi que Ben Laden et le soi-disant «Etat Islamique».
Vouloir expliquer, a-t-il ajouté, des phénomènes comme les attentats du 11 septembre 2001 ou celui de Charlie Hebdo par la religion musulmane ne fait qu’amplifier le malaise.
«Les organisations terroristes doivent être considérées comme telles... Si vous mobilisez des savoirs soi-disant académiques pour justifier leurs actes par la théologie musulmane, vous jouez dans leur camp et renforcez leur crédibilité. S’est-on penché sur les textes marxistes pour expliquer les crimes d’Action directe, ou de la bande à Baader ou le goulag ? Chercherions-nous dans les Evangiles une justification des Croisades ou du génocide des Indiens d’Amérique ? Non !» a soutenu l’historien libanais.
Très pessimiste quant à un possible arrêt des conflits, Corm a souligné que du moment que les médias américains et européens appellent Daech «l’Etat islamique», le terrorisme s’accroît.
Des pays souverains ont été détruits sous prétexte qu’ils ne sont pas dans le sillage géopolitique de l’Occident, «il est temps que les démocrates se réveillent pour demander que cela cesse», a-t-il conclu.
Source : Algérie Patriotique