24-11-2024 12:47 PM Jerusalem Timing

En Syrie: faux modérés, vrais takfiristes

En Syrie: faux modérés, vrais takfiristes

Les trois milices qui occupent les deux tiers des territoires syriens qui échappent au pouvoir sont des groupes extrémistes, parfois takfiristes, directement affiliés ou proches d’«Al-Qaïda».

La Turquie et l’Occident ressortent le refrain des «forces modérées en Syrie». En réalité, ces groupes n’existent pas et ceux auxquels il est fait allusion ne sont pas moins extrémistes que «Daech». Voici une petite fiche signalétique des faux modérés de l’Occident.

Depuis le début de la crise en Syrie, les Occidentaux, les pétromonarchies du Golfe et la Turquie ont abreuvé leur opinion publique de mensonges sur l’existence en Syrie d’une «rébellion modérée». Ce mensonge est aujourd’hui réactualisé, avec le projet turc de création d’une «zone de sécurité» en territoire syrien, avec la complicité des Etats-Unis. Cette zone aurait pour objectif de «faciliter le retour des réfugiés syriens», comme l’a affirmé, ce mardi, le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Le contrôle de cette zone serait confié à ces fantomatiques «rebelles modérés», qui n’existent que dans l’esprit des Occidentaux et de leurs agents régionaux. Et même les intenses campagnes médiatiques initiées par des légions d’experts et de journalistes aux ordres ne parviendront pas à changer cette réalité.

Certes, il existe en Syrie plusieurs centaines de «brigades» et de groupes, affichant en majorité une soi-disant «idéologie islamiste». Mais la plupart de ces entités n’ont aucun pouvoir réel ou sont alliées ou manipulées par trois grands groupes: le «Front al-Nosra», «Harakat Ahrar al-Cham» et «Jaych al-Islam». Et les trois sont des groupes extrémistes, parfois takfiristes, directement affiliés ou proches d’«Al-Qaïda», soit profondément imprégnés de l’idéologie salafiste dans sa version la plus intolérante.

«L’Armée syrienne libre» (ASL) n’a plus aucune influence sur le cours des événements et sa présence active se limite au sud syrien, où elle se partage le terrain avec «Al-Qaïda» et consorts. A Deraa et Quneitra, «l’ASL» exécute un agenda qui lui est dicté par les Jordaniens, sous-traitant locaux pour le compte des Etats-Unis et d’«Israël».

Commençons par le «Front al-Nosra».

La branche officielle d’«Al-Qaïda» en Syrie constitue la colonne vertébrale de «Jaych al-Fateh» (l’armée de la conquête), qui contrôle la majeure partie de la province d’Idleb, ou nord-est, et une partie de celle d’Alep. Certains journalistes et experts ignorent cette réalité, comme ils ont longtemps ignoré l’existence d’une dimension terroriste dans l’insurrection armée téléguidée, qui met la Syrie à feu et à sang depuis quatre ans.
«Al-Nosra» a été créé en 2011, sur ordre du chef de «Daech», Abou Bakr al-Baghdadi, par son lieutenant Abou Mohammad al-Joulani, de son vrai nom Oussama el-Absi el-Wahidi. Né en 1981 à al-Chahil, un quartier de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, cet ancien étudiant en médecine a rejoint les rangs d’«Al-Qaïda» en Irak dès 2003, où il a connu le fondateur de cette organisation, le Jordanien Abou Missaab Al-Zarqaoui.

Après sa dispute avec son ancien maître Al-Baghdadi, Al-Joulani a prêté publiquement allégeance au chef mondial d’«Al-Qaïda», Ayman Al-Zawahiri. «Al-Nosra» est donc la branche officielle de cette organisation en Syrie, et c’est à ce titre qu’elle est inscrite sur la liste des organisations terroristes des Nations Unies.

«Al-Nosra» est également la principale force active dans la zone frontalière entre le Liban et la Syrie. Elle a une présence significative dans le Sud syrien, à Deraa et Quneitra, où sa contribution est sollicitée par les autres groupes dans les offensives contre l’Armée arabe syrienne, commanditées par «Israël», la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis.

Le nombre des combattants d’«Al-Nosra» est de loin supérieur au chiffre 5000-7000, fourni par les sources occidentales, afin de tenter de minimiser son rôle et son influence. Une grande partie de ses chefs militaires et politiques ne sont pas Syriens. Après la liquidation du «Mouvement Hazm» et d’autres groupes à Idleb, une partie des vaincus a rejoint ses rangs.

Dans les régions qu’il contrôle, notamment une grande partie d’Idleb, dont la capitale éponyme de la province, le «Front al-Nosra» applique sa version intolérante de la Charia. Enfin, c’est «Al-Nosra» qui a perpétré le massacre de 25 à 40 villageois druzes, en mai, dans le village de Qalb Lawzé.

«Ahrar al-Cham», la branche officieuse d’«Al-Qaïda»

Avec ses 25.000 à 35.000 combattants, «Ahrar al-Cham» est l’un des principaux groupes armés en Syrie. Allié d’«Al-Nosra», il partage avec lui le contrôle d’Idleb, d’Alep, et d’autres régions de Syrie. L’un de ses fondateurs, Abou Khaled al-Souri, était, jusqu’à son assassinat à Alep en 2014, le représentant personnel de Zawahiri en Syrie. Cela prouve la relation étroite entre cette organisation et «Al-Qaïda», bien qu’elle ne lui ait pas prêté officiellement allégeance. En fait, «Ahrar al-Cham» est considéré comme la branche officieuse d’«Al-Qaïda» en Syrie, ce qui pourrait expliquer la relation privilégiée qui l’a lié au «Front al-Nosra».

«Ahrar al-Cham» est responsable des pires massacres contre des civils partisans du gouvernement syrien dès les premiers mois du conflit. C’est lui qui a, entre autres, commis la tuerie contre le clan sunnite des Berry, lors de l’occupation d’une partie de la ville d’Alep, en 2012. Il est responsable de la destruction de nombreux sites religieux en Syrie, comme le mausolée du maitre soufi Ahmad Moussalli. Cette pratique, semblable à celles commises par «Daech», prouve que les deux organisations, ainsi qu’«Al-Nosra», ont la même base idéologique s’inspirant du wahhabisme.

«Ahrar al-Cham» a été l’un des premiers groupes à encourager les jeunes musulmans vivant en Occident à rejoindre ses rangs pour pratiquer «le jihad». Effectivement, des centaines de volontaires ont répondu à cet appel. Certaines informations ont fait état d’une relation entre le groupe et l’Irlando-libyen Mehdi al-Harati, fondateur de «Liwaa al-Oumma» en Syrie, avant qu’il ne regagne la Libye, où il est devenu maire de Tripoli.

Allouche, salafiste intolérant

«Jaych al-Islam» fait partie des trois plus puissants groupes armés en Syrie. Il est bien implanté autour de Damas, notamment dans la Ghouta orientale, où il a imposé des «tribunaux chérés», qui font la pluie et le beau temps. Fruit d’une alliance entre une quarantaine de petits groupes, «Jaych al-Islam» est dirigé par Zahran Allouche, un salafiste pur et dur, qui tient un discours intolérant vis-à-vis des autres composantes religieuses du peuple syrien, notamment les Alaouites et les Chrétiens. Ce sont ses partisans qui ont inventé le slogan scandé au début de la crise syrienne: «Les Alaouites dans les cercueils, les Chrétiens à Beyrouth».
Zahran Allouche a également lancé des appels afin que les «jihadistes» étrangers rejoignent les rangs de son organisation, qui est, aujourd’hui, très proche de l’Arabie Saoudite.

Sans ces trois organisations, l’Armée arabe syrienne balaierait en quelques semaines seulement l’insurrection et rétablirait l’ordre sur la majeure partie du territoire. Elles contrôlent d’ailleurs à elles seules les deux tiers des régions qui échappent au gouvernement. Autour d’elles, vivote une flopée de brigades aux noms évocateurs: «Jund al-Rahman», «Alwiyat Ahfad al-Rassoul», «Jaych al-Ansar»…

A quelle «rébellion modérée» la Turquie et les Etats-Unis veulent-ils remettre le contrôle de la «zone de sécurité»? Qui sont ces groupes démocrates et amoureux des droits de l’homme, qui vont assurer un avenir radieux au peuple syrien après l’avoir «libéré de Daech et de Bachar al-Assad»?

Ce mensonge est encore plus gros que ceux qui l’ont précédé.

Par Samer R. Zoughaib

Source : AlAhed News