Dans la matinée, trois soldats turcs ont été tués lors d’une embuscade d’un convoi militaire circulant dans le sud-est du pays à majorité kurde.
Le pouvoir turc a intensifié jeudi son offensive anti-kurde en lançant une procédure judiciaire contre leur leader politique, après de nouvelles attaques meurtrières de la rébellion du PKK rapidement suivies de raids aériens.
Alors que le pays s’enfonce depuis plus d’une semaine dans une guerre ouverte avec la rébellion kurde, les autorités judiciaires ont ouvert une enquête à l’encontre du leader prokurde Selahattin Demirtas pour « troubles à l’ordre public » et « incitation à la violence ».
Les faits reprochés à Demirtas remontent à 2014. S’il est jugé, il pourrait encourir jusqu’à 24 ans de prison, selon l’agence gouvernementale Anatolie.
Considéré avec son Parti démocratique du Peuple (HDP) comme un des grands vainqueurs des législatives du 7 juin, Demirtas est devenu une cible privilégiée du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui l’accuse de soutenir le « terrorisme».
Dans la matinée, trois soldats turcs ont été tués lors d’une embuscade d’un convoi militaire circulant dans le sud-est du pays à majorité kurde. L’attaque, attribuée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est la plus meurtrière depuis le déclenchement le 20 juillet d’un nouveau cycle de violences.
Un policier et un civil sont morts dans une autre attaque jeudi matin.
Et en début d’après-midi, une trentaine de F-16 ont mené une série de raids massifs contre des positions rebelles dans le nord de l’Irak, où est réfugié l’état-major du PKK.
Violences continues
Ce cycle de représailles se poursuit de manière ininterrompue depuis l’attentat suicide du 20 juillet à Suruç (sud), qui a bouleversé la donne.
Attribué au groupe terroriste État islamique (EI), il a fait 32 morts parmi de jeunes militants de la cause kurde et suscité la colère de la guérilla contre le pouvoir central, accusé de ne pas protéger la population locale.
Depuis, au moins 11 représentants des forces de l’ordre ont été tués, et la télévision nationale retransmet chaque jour en direct les funérailles officielles accordées aux « martyrs » victimes du PKK.
Des enlèvements de policiers sont régulièrement signalés et des postes de police attaqués.
La Turquie se retrouve ainsi replongée « dans son cauchemar récurrent du problème kurde », estimait jeudi le journal à grand tirage Hurriyet.
Le président Erdogan a jugé hors de question de « reculer dans la guerre contre le terrorisme », en mettant sur le même plan le PKK et l’État islamique (Daech).
L’attentat de Suruç, où EI frappait pour la première fois en Turquie, a contraint Erdogan à réagir à son encontre.
Longtemps soupçonné de complaisance, il a ordonné des frappes contre EI en Syrie. Ankara a aussi donné son feu vert à l’utilisation de sa base stratégique d’Incirlik pour rapprocher l’US Air Force de ses cibles en Syrie.
Cibler les Kurdes
Mais, côté turc, la priorité opérationnelle est clairement restée la lutte contre la guérilla kurde.
En une semaine, l’armée a ainsi fait état de dizaines de frappes aériennes contre des objectifs du PKK, mais n’en a mentionné que trois contre l’EI, annoncées le 25 juillet.
Sur le plan politique, les autorités sont donc passées jeudi à la vitesse supérieure, en faisant poursuivre Demirtas par la justice pour avoir encouragé des manifestations en octobre dernier.
Dans une interview accordée jeudi à l’AFP avant l’annonce de ses ennuis judiciaires, Demirtas avait accusé Erdogan de mener une politique d’« esbroufe » en prétendant désormais lutter contre EI, afin de plaire aux Occidentaux.
Il a en outre insisté sur le fait que « le HDP n’est pas la branche politique du PKK » comme l’assure le pouvoir.
Selon lui, le véritable objectif est « d’entretenir une atmosphère de chaos dans la perspective d’élections anticipées » qui permettraient à Erdogan de reconquérir la majorité au Parlement.