22-11-2024 11:19 PM Jerusalem Timing

Le mollah Mansour, bras droit du mollah Omar, lui succède à la tête des talibans

Le mollah Mansour, bras droit du mollah Omar, lui succède à la tête des talibans

Le décès du mollah Omar risque d’accentuer les lignes de fracture entre talibans, divisés sur la question des pourparlers de paix et menacés par l’émergence de la branche locale de l’EI.

Les talibans afghans ont annoncé vendredi avoir choisi le mollah Akhtar Mansour, bras droit du défunt mollah Omar, pour les diriger, un homme réputé pour son pragmatisme au moment où les rebelles s'engagent dans d'ardus pourparlers de paix avec Kaboul et subissent la concurrence de l'organisation Etat islamique.
   
La direction des talibans lui a adjoint deux lieutenants, le mollah Haibatullah Akhundzada, ancien chef des tribunaux des talibans, et surtout Sirajuddin Haqqani, le fils de Jalaluddin Haqqani et leader du réseau du même nom, une influente branche de la rébellion talibane proche d'Al-Qaïda, du Pakistan et auteur de nombreuses attaques contre les forces de sécurité afghanes et américaines.
   
"Après la mort (du mollah Omar), le conseil de direction et des dignitaires musulmans de tout le pays ont nommé son proche ami et ancien bras droit le mollah Akhtar Mansour à leur tête", expliquent les rebelles islamistes dans un communiqué.
   
Le mollah Akthar Mansour, pachtoune, tout comme son prédécesseur, "était considéré comme digne de confiance et la personne idoine pour prendre de lourdes responsabilités", à l'époque où le mollah Omar était en vie, ajoutent les talibans.
Il est aussi considéré comme en faveur des négociations de paix engagées avec Kaboul au début du mois de juillet, selon un responsable intermédiaire installé au Pakistan.
   
Sa désignation apparaît donc naturelle, d'autant que le mollah Mansour faisait figure de "leader de fait" des rebelles islamistes, selon cette source, surtout face au silence radio de la direction des talibans sur le sort du mollah Omar qui n'était plus apparu en public depuis 2001 et la chute de leur régime.
   
Ils ont finalement annoncé son décès jeudi, confirmant une annonce faite la veille par le gouvernement afghan.
   
Les circonstances du décès du mollah Omar, désigné "émir des croyants" en 1996, restent encore controversées.
 Kaboul assure qu'il s'est éteint en avril 2013 dans un hôpital de Karachi, au Pakistan. De leur côté, les talibans évoquent une mystérieuse "maladie" qui l'aurait emporté très récemment, dans son fief du sud de l'Afghanistan.
   
Le mollah Mansour, critiqué par certains talibans qui dénoncent sa trop grande proximité avec le Pakistan, reprend le flambeau à un moment charnière.
Les talibans viennent en effet de s'engager dans d'inédits pourparlers de paix avec le gouvernement afghan, et subissent les assauts de l'organisation Etat islamique (EI) sur leurs terres, à l'est de l'Afghanistan, zone frontalière du Pakistan.
   
 

Pourparlers reportés

Un deuxième round de pourparlers devait avoir lieu au Pakistan vendredi, mais il a été reporté par Islamabad en raison de "l'incertitude" causée par la mort du mollah Omar et "à la demande de la direction des talibans afghans".
   
Les autorités afghanes ont longtemps accusé les services secrets pakistanais de téléguider les talibans, en lutte contre les forces de l'Otan et leurs alliés afghans, ou de "garder sous la main" des cadres de la rébellion afin de les utiliser à un moment jugé opportun par Islamabad.
   
Mais, début juillet, le Pakistan a joué les entremetteurs en organisant une première rencontre officielle entre des cadres talibans et des représentants du gouvernement de Kaboul afin de mettre sur les rails de véritables négociations de paix.
"La mort du mollah Omar devrait retarder les pourparlers de paix, mais elle n'y mettra pas fin", a estimé Mohammad Natiqi, qui a participé au premier cycle de discussions au sein de la délégation afghane.
   
Les Etats-Unis, qui encouragent depuis longtemps une "réconciliation" afghane, ont jugé que la mort du mollah Omar représentait "clairement un moment opportun (...) pour que les talibans scellent une paix authentique avec le gouvernement afghan", selon un porte-parole du département d'Etat.
   
Mais des analystes demeuraient sceptiques sur la reprise rapide du dialogue afin de stabiliser un pays endeuillé par près de 14 années consécutives de guerre et confronté à une escalade des violences après le départ, en décembre, de l'essentiel des forces de l'Otan.
   

Menace 'existentielle' de l'EI

Le décès du mollah Omar risque d'accentuer les lignes de fracture entre talibans, divisés sur la question des pourparlers de paix et menacés par l'émergence de la branche locale de l'EI, groupe jihadiste qui tente d'étendre en Afghanistan son califat proclamé sur des pans de la Syrie et de l'Irak.  
   
"Les pourparlers (...) ont certainement perdu leur élan", a déclaré à l'AFP Michael Kugelman, expert au centre de recherche Woodrow Wilson à Washington.
 
"L'annonce de la mort d'Omar va provoquer une crise existentielle chez les talibans et les pourparlers de paix sont la dernière chose qu'ils auront en tête. Ils devront se concentrer sur leur survie, pas sur les pourparlers", a-t-il ajouté.
   
Depuis plusieurs mois, des commandants talibans sur le terrain exigeaient des "preuves de vie" de leur chef.
Sans preuve concrète ou étant hostiles aux pourparlers de paix, certains d'entre eux avaient déjà quitté les rangs des talibans pour faire allégeance à l'EI, qui pourrait profiter de la mort du mollah Omar pour intensifier son recrutement chez son rival islamiste.
   
Le mollah Mansour, nouveau chef des talibans, a d'ailleurs adressé en juin une mise en garde au chef des djihadistes, Abou Bakr al-Baghdadi, l'enjoignant de ne s'abstenir de toute implantation en Afghanistan, sous peine de "réaction" des talibans.