24-11-2024 09:03 AM Jerusalem Timing

La misère sans fin qu’inflige Israël à Gaza n’est pas une politique

La misère sans fin qu’inflige Israël à Gaza n’est pas une politique

Gaza est toujours en ruines un an plus tard et les persistantes restrictions israéliennes signifient que l’énorme chantier de reconstruction a à peine débuté.

Pour ceux qui essaient de déchiffrer les développements entre Israël et Gaza ces dernières semaines, la situation reste étrangement déroutante.

Il y a un mois, des diplomates européens et des responsables palestiniens en Cisjordanie ont estimé qu’Israël et le Hamas avaient progressé vers une trêve avec des « pas de bébé », comme l’a décrit un analyste palestinien.

Puis, au début du mois, une attaque attribuée aux extrémistes de l’Etat islamique (EI) ayant tué des dizaines de personnes dans le Sinaï, un général israélien a accusé le Hamas d’avoir fourni les armes utilisées contre les militaires égyptiens.

Peu de temps après, un groupe d’officiers de l’armée israélienne a vivement préconisé l’allègement du blocus de Gaza, qui dure depuis près de dix ans, comme solution pour mettre fin à l’isolement du Hamas.

Alors, que se passe-t-il ? Israël cherche-t -il affaiblir le Hamas, ou bien le renforcer ?

Cette incertitude démontre les efforts de plus en plus alambiqués que fait Israël pour « gérer » Gaza face aux conséquences de ses séries d’attaques contre l’enclave, débutant fin 2008 avec l’Opération Plomb durci et culminant l’an dernier avec Bordure protectrice.

Des activistes internationaux à bord d’une flottille humanitaire ont encore échoué ce mois-ci à atteindre Gaza et rompre le siège, mais il est plus difficile pour Israël de maintenir le blocus des informations en provenance de Gaza.

Le problème a été illustré ce mois-ci par une nouvelle appli d’Amnesty International qui a permis aux utilisateurs d’enregistrer 2 500 frappes aériennes israéliennes sur l’enclave l’été dernier et d’évaluer le nombre des morts et la destruction qui en ont résulté, depuis des photos, des vidéos et des témoignages.

Selon Amnesty, le logiciel révèle des modes de comportement spécifiques, incluant des attaques contre les véhicules de secours, les personnels médicaux et les installations.

Cela permet à chacun des amateurs d’entre nous de devenir un investigateur de crimes de guerre pour le Tribunal pénal international à La Haye et se rapprocher du jour où cessera l’impunité des soldats israéliens.
Les difficultés qu’éprouve Israël à contrôler les informations en provenance de Gaza ont été soulignées la semaine dernière. Les magistrats de La Haye ont jugé que le Procureur général avait commis une faute en refusant de questionner Israël quant aux crimes de guerre qui incluent le meurtre de 10 activistes à bord d’une précédente flottille en 2010.

Les juges ont statué que le procureur, en classant le dossier comme étant dépourvu d’une gravité suffisante pour justifier l’intervention du tribunal de La Haye, avait ignoré le plus important contexte politique.

Au-delà des préjudices portés aux passagers, l’attaque de la flottille par Israël a adressé un brutal message au peuple de Gaza et à la communauté internationale montrant qu’Israël pouvait couper l’aide humanitaire à l’enclave en appliquant le blocus. Cette mesure nécessite d’être mise à l’épreuve en vertu des principes de la loi internationale, ont conclu les magistrats.

La décision des juges a non seulement rouvert à l’examen l’histoire de la flottille, mais elle exerce une pression considérable sur les procureurs du TPI pour assurer qu’ils enquêtent aussi sur l’opération Bordure protectrice.
Dans l’attente, la frustration causée jusqu’à maintenant par l’échec des institutions internationales à demander des comptes à Israël a suggéré d’autres façons de punir Israël, notamment avec la campagne populaire BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions).

Israël perd aussi lentement cette bataille. Le Département d’Etat américain a déclaré à la fin du mois dernier qu’il ignorerait cette provision dans une nouvelle loi commerciale passée par le Congrès stipulant que les Etats-Unis doivent protéger les implantations juives des boycotts. En fait, un boycott limité a reçu pour la première fois l’approbation tacite de la Maison Blanche.

Les ondes de choc du saccage de Gaza par Israël se répercutent dans la minuscule enclave. Des enquêtes indiquent que parmi une petite mais croissante minorité de Palestiniens à Gaza, le soutien se dirige vers l’EI.
Ils blâment le Hamas pour avoir manqué de tirer profit de son relatif succès militaire l’été dernier. Gaza est toujours en ruines un an plus tard et les persistantes restrictions israéliennes signifient que l’énorme chantier de reconstruction a à peine débuté. Le peuple de Gaza compte sur ses dirigeants pour mettre fin au blocus.

Le récent et équivoque comportement d’Israël démontre en partie sa tardive réalisation qu’il lui faut éteindre ces divers foyers d’incendie.

Ce qui explique les révélations dans les média israéliens, selon lesquelles Israël coopère en catimini avec les enquêteurs du tribunal de La Haye, rompant avec son refus précédent de faire face aux enquêtes internationales. Il espère pouvoir devancer une examination du TPI en montrant qu’il peut agir indépendamment.

La semaine dernière, Israël a annoncé qu’il allait enquêter sur les témoignages de crimes de guerre rassemblés par Breaking the Silence (Rompre le silence), un groupe de lanceurs d’alerte que le gouvernement israélien a traité, aussi récemment que le mois dernier, de traîtres.

De plus, Neria Yeshurun est devenu le premier officier supérieur à être mis en examen, après qu’un enregistrement ait fait surface, dans lequel il déclare qu’il avait ordonné le bombardement d’un centre médical palestinien, pour « venger » la mort d’un de ses officiers.

Asa Kasher, responsable du code d’éthique de Tsahal, a récemment plaidé que des incidents notoires tels que la destruction massive de Rafah après la disparition d’un soldat – la soi-disant procédure Hannibal qui a probablement causé la mort de 150 Palestiniens - caractérisaient des malentendus opérationnels plutôt qu’une ligne de conduite. Les erreurs, a-t-il insinué, n’étaient pas des crimes de guerre.

Un groupe de chefs militaires israéliens a aussi soutenu qu’il était temps d’offrir à Gaza quelque soulagement en relâchant - ne serait-ce que marginalement- le blocus.

Rien de cela n’est proposé par conscience ou en reconnaissance des droits palestiniens.

Ces actes peuvent être effectués de mauvaise foi, mais ils indiquent cependant la croissante compréhension par certains Israéliens que la communauté internationale et les Palestiniens de Gaza ont besoin d’être apaisés.

En même temps, selon des analystes sur place, Israël mène une double politique vis-à-vis du Hamas.

D’un autre côté, Israël espère que des gains diplomatiques vont orienter la branche politique du Hamas vers de plus menaçants nouveaux-venus, comme l’EI. Par ailleurs, il souhaite affaiblir sa branche militaire pour l’empêcher de développer sa capacité de menacer le contrôle d’Israël sur l’enclave.

De plus, il vaut mieux pour Israël que les chefs du Hamas soient forcés de faire face à la puissance militaire d’Israël, ainsi qu’à celle de l’Egypte, les élargissant ainsi sur deux fronts.

Israël estime qu’il peut apprivoiser le leadership politique du Hamas, le rendant aussi prudent et soumis que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas en Cisjordanie. Mais il veut aussi maintenir la pression sur la branche militaire du Hamas en soulignant qu’il diffère peu des décapiteurs de l’Etat islamique.

L’irrépressible besoin d’Israël de dominer les Palestiniens prend le dessus sur tout, alors même que quelques généraux commencent à percevoir que l’incessante misérabilisation de Gaza ne représente aucune politique.

Info-Palestine

Jonathan Cook