"La mort d’Ali est symptomatique des politiques racistes d’Israël et la solution viendra d’une résistance palestinienne organisée".
Le meurtre d’Ali Dawabsheh devrait être considéré dans le contexte du colonialisme israélien et de la complicité politique palestinienne… comme devraient l’être les tentatives de faire payer le prix de l’assassinat.
Hier, Ali Saad Dawabsheh, âgé de 18 mois est mort dans un incendie criminel au cours d’une attaque de colons en Cisjordanie, suscitant un tollé mondial.
« L’Etat d’Israël adopte une ligne dure contre le terrorisme, quels que soient les coupables », a déclaré le premier ministre Benjamin Nétanyahou dans un tweet, reflétant les efforts incessants d’Israël et de la communauté internationale pour séparer les violences des colons de la responsabilité de "l’Etat hébreu".
Ceci fait écho à la constante distinction faite par la communauté internationale et certains responsables palestiniens entre les « illégales implantations juives » et le « légitime » Etat d’Israël, souvent utilisée pour défendre la solution des deux Etats, que beaucoup décrivent comme étant dépassée, irréalisable et qui ignore la revendication des Palestiniens à leur patrie historique.
Cependant, comme beaucoup l’ont souligné, bien que les actes des colons qui ont assassiné Ali soient considérés comme extrémistes, l’immense majorité de la population israélienne a soutenu en 2014 la guerre de leur Etat contre Gaza, qui a tué des centaines d’enfants.
Israël et ses citoyens qui approuvent les actes de violence de leur Etat sont complices dans la mort des enfants palestiniens, qu’ils vivent dans les implantations illégales de Cisjordanie ou à Tel Aviv – une ville construite sur les destructions de six villages palestiniens.
Pendant la guerre l’an dernier, un autre bébé nommé Ali, fils du leader du Qassam Mohammad Deif, a lui aussi été brûlé vif au cours d’une attaque aérienne israélienne sur sa maison. Hamas a déclaré que Mohammad Deif n’habitait pas cette maison - afin d’éviter qu’une tentative d’assassinat par les Israéliens mette sa famille en danger- un fait qu’Israël devait connaître.
Le meurtre d’Ali n’est ni le premier, ni le dernier horrible crime commis par un Etat colonial, où les fondations idéologiques du sionisme reposent sur l’idée d’un pays réservé à un seul groupe ethnique et dont le gouvernement comprend un garde des sceaux qui traite les enfants palestiniens de « petits serpents ».
Les partis politiques palestiniens
Par conséquent, l’Organisation de Libération palestinienne a affirmé avec justesse qu’Israël portait l’entière responsabilité de la mort du bambin et qu’il n’y a aucun doute que l’Etat d’Israël était en cause.
« Nous ne pouvons pas séparer l’attaque barbare qui vient d’avoir lieu à Douma des récentes autorisations d’implantation de colonies par le gouvernement israélien, un gouvernement qui représente une coalition nationale israélienne favorable aux implantations et à l’apartheid » a affirmé Saeb Erekat, responsable de l’OLP.
Cependant, Erekat était le négociateur principal des accords d’Oslo – négociations avec Israël que d’aucuns estiment qu’elles ont amené l’actuelle et désastreuse situation d’expansion continuelle des implantations et le sacrifice du droit au retour pour les réfugiés.
Oslo a aussi mené à la création de l’autorité palestinienne en Cisjordanie, dominée par le Fatah, qui a aussi été complice de la violence israélienne en Cisjordanie, agissant comme sous-traitant des intérêts israéliens en emprisonnant des centaines de ainsi-nommés militants et partisans du Hamas.
Conséquemment, à la suite de la mort d’Ali, Hussam Badran, porte-parole du Hamas a exigé que l’Autorité palestinienne (AP) cesse « d’aller à la chasse aux combattants » et libère tous les détenus politiques actuellement incarcérés dans les prisons de l’AP.
Badran a demandé une action populaire en réponse à l’assassinat et déclaré que les crimes israéliens ne peuvent être stoppés que par « une totale résistance sous toutes ses formes » et que le meurtre d’Ali Saad Dawabsha, ce bébé de 18 mois, au village de Douma près de Naplouse fait de « tous les soldats et colons israéliens, des cibles légitimes de la résistance »
Cependant, le Hamas s’est récemment moins concentré sur la « résistance », distrait par ses flirts avec de nombreux donateurs, sa lutte avec les militants de Gaza pour maintenir le cessez-le-feu avec Israël et les continuelles disputes avec le Fatah pour un « gouvernement de réconciliation ».
Une réaction similaire a été exprimée par le FPLP, un groupe marxiste palestinien, qui a incité les Palestiniens à réagir aux colons israéliens et à leurs crimes, jugeant que les services de sécurité de l’AP ont échoué à protéger les Palestiniens et demandant que les responsables palestiniens déclarent une situation d’urgence.
Cependant, dépourvue d’une forte direction ou organisation politique, la colère des Palestiniens, visible en Cisjordanie, sera probablement exprimée par des jets de pierres et des heurts avec des soldats israéliens armés, résultant en l’arrestation ou le meurtre de jeunes Palestiniens pendant que leurs dirigeants continuent de proclamer une rhétorique de résistance depuis leurs sofas, essayant ainsi de conserver une légitimité populaire…
Et ainsi, le cycle se répète.
Les limites des droits de l’homme
C’est dans ce contexte d’impunité israélienne et de l’état désastreux de la sphère politique palestinienne que beaucoup – surtout les sympathisants internationaux et récemment les dirigeants palestiniens – se sont tournés vers la référence incontestable des Droits de l’Homme et du système international de justice, pour qu’ils agissent comme médiateur des maltraitances en Palestine, peut-être dans l’espoir que leur nature apolitique puisse contourner la triste état de la politique dans les territoires.
« Nous allons immédiatement préparer le dossier qui sera soumis au TPI », a déclaré le Président Mahmoud Abbas aux journalistes, dénonçant en même temps les « crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis chaque jour par les Israéliens contre le peuple palestinien. »
Cependant, les procès qui opposent les colons israéliens aux Palestiniens en Cisjordanie ont en fait exploité les droits de l’homme pour défendre les colons car, dans la nature ahistorique des droits de l’homme, les colons ont un inaliénable droit au territoire palestinien qu’ils occupent à l’heure actuelle.
En tant que professeur de droit international, Aeyal Gross a écrit que « l’introduction de l’analyse des droits de l’homme dans des cas judiciaires aux territoires palestiniens occupés, n’a pas généré de jurisprudence garantissant une meilleure protection aux personnes sous l’occupation. Plutôt, elle a légitimé la violation de leurs droits en invoquant ceux des Israéliens, qu’ils soient colons ou colonisateurs israéliens en général. »
Une similaire et préoccupante problématique pourrait apparaître si le cas de la Palestine devait être présenté devant le Tribunal pénal international et que l’analyse des droits de l’homme mette au même niveau les actions des factions palestiniennes et l’Etat israélien, surtout quand l’on considère la réputation qu’a le TPI de protéger les intérêts occidentaux.
De plus, comme en a argué Valentina Azarova, professeur de droit international à l’université de Beir Zeit, il y a une myriade d’obstacles aux poursuites judiciaires devant le TPI, tels que le refus israélien d’appliquer le droit international et elle a estimé que le cas prendrait au moins dix ans pour être présenté.
Il est facile de condamner un acte d’horrible violence, tel que le meurtre d’Ali, un bébé de 18 mois, unanimement dénoncé y compris par ceux avec divers degrés de complicité dans cet acte.
En fin de compte, le meurtre d’Ali a pris place dans un contexte de colonisation et de racisme au cœur des profondes fondations d’Israël, qui est peu probable d’être confronté à une application des droits de l’homme dans les territoires palestiniens, ou une recommandation au TPI.
Les chamailleries et la désintégration morale des partis politiques palestiniens, qui ont pris place sous les contraintes de l’occupation, rendent probable le ralentissement des avancées pour la cause palestinienne, étant donné que la coopération des services de sécurité de l’AP avec Israël condamne son propre peuple à l’emprisonnement.
Individualiser ces effrayants crimes de l’Etat israélien et les décrier comme des tragédies ne répond pas à leur cause ni à leur solution, les deux étant de nature politique : la mort d’Ali est symptomatique des politiques racistes d’Israël et la solution viendra d’une résistance palestinienne organisée, délivrée de l’oppression et des intérêts privés de ses propres élites politiques.
Info-Palestine