Entre russes, américains, et saoudiens entre russes, iraniens et syriens entre iraniens, syriens et saoudiens. Et... entre américains et syriens.
Il y aura beaucoup de « parlottes » dans la région, dans l’élan de la conclusion de l’accord nucléaire entre l’Iran et les P5+1.
Entre les attentes optimistes des uns, et les craintes alarmistes des autres soulevés par cet accord historique, les tractations et concertations entre acteurs internationaux et régionaux sont plus que jamais à l’ordre du jour : entre russes, américains, et saoudiens ; entre russes, iraniens et syriens ; entre iraniens, syriens et saoudiens. Tous tripartites.
Et pour clore le tout, la cerise sur le gâteau : des concertations entre américains et syriens.
Au début était Doha
A rappeler en tête la rencontre qui a bel et bien eu lieu dans la capitale qatarie Doha, la semaine passée entre le ministre russe des affaires étrangères Serguei Lavrov, son homologue américain John Kerry et son homologue saoudien Adel al-Jubeir.
Durant cette réunion, les trois hommes ont convenu d’ouvrir la porte au dialogue entre les protagonistes en conflit dans la région.
Un haut responsable du département américain pour les Affaires étrangères a rapporté pour l’agence Reuters que la rencontre tripartite a mis l’accent sur le besoin de régler par la voie politique les conflits et sur le rôle que les groupes de l’opposition doivent assumer pour parvenir à ce règlement.
Efforts russes doublés
Depuis, selon le journal libanais al-Akhbar, les Russes doublent d’efforts pour organiser une rencontre entre l’Iran et l’Arabie saoudite.
Surtout que Moscou avait esquissé une première tentative entre l’Arabie et la Syrie et qui s’était scellée par la rencontre entre le chef de la Sécurité générale en Syrie le général Ali Mamlouk et le deuxième prince héritier saoudien Mohammad Ben Salmane.
Avant cela, une réunion devrait se tenir à Téhéran entre Syriens, Iraniens, et Russes, en présence de l’émissaire du président Poutine Mikhaïl Bogdanov. Ce mercredi, le chef de la diplomatie syrienne Walid al-Mouallem se trouve dans la capitale iranienne.
Le plus dur pour Mascate
La capitale omanaise Mascate devrait aussi détenir sa part des rencontres, les plus délicates : entre Syriens, Iraniens, et Saoudiens, par la personne de leur ministres respectifs des AE!
D’après les données fournies au journal al-Akhbar, devraient être données des garanties d’engagement saoudien, et par derrière jordanien, turc et qatari de geler le programme de soutien aux opposants syriens, de ne plus faire de distinction entre Daesh et le front al-Nosra, et de ne garder la porte ouverte qu’aux groupuscules qualifiés de modérés.
Les effets d’un tel accord, s’il a lieu devraient être palpables sur le front syrien sud où l’Arabie, la Jordanie, les USA et le Qatar exercent une influence certaine.
Un petit projet de cessez-le-feu… à Mistura
En attendant, les deux protagonistes américain et russe seraient d’accord pour mettre au point un plan certes modeste, pour permettre à l’émissaire onusien Stéphane Di Mistura de préparer un projet de cessez-le-feu et le présenter au Conseil de sécurité lors de sa réunion prévue à la fin de ce mois-ci.
La condition saoudienne
Mais dans tout cela, il y a toutefois une condition saoudienne. Al-Akhbar dit avoir été informé que l’Arabie a accepté les suggestions des Russes soutenues par les Américains d’amorcer un dialogue direct avec Téhéran sur les relations bilatérales et les dossiers chauds de la région, mais à condition que l’Iran soit disposé à réaliser une entente simultanée sur les deux dossiers syrien et yéménite en même temps.
Il semble à la lumière d’indices américains et européens que l’Arabie est plus encline à parvenir à un règlement pour faire cesser la guerre au Yémen, d’autant qu’elle pourrait exploiter les avancées réalisées par ses alliés ces derniers jours au sud de ce pays.
Or, assure al-Akhbar, il ne semble pas que Téhéran soit disposé à faire ce genre de troc.
L’initiative iranienne
En revanche, il est question d’après la chaine de télévision arabophone al-Mayadeen, d’une initiative iranienne qui appelle à un cessez-le feu en Syrie, et la formation d’un gouvernement d’union nationale.
Selon un responsable iranien sous couvert de l’anonymat, elle propose aussi certaines modifications dans la Constitution syrienne afin de rassurer les différents groupes ethniques et communautaires syriens.
Des élections devraient également se tenir sous la supervision de contrôleurs internationaux.
Selon le responsable iranien, cette initiative a été présentée à la Turquie, au Qatar, à l’Egypte et aux pays du Conseil de sécurité. « Nous insistons pour que chaque alliance contre Daesh ait pour finalité d’aider les peuples et les gouvernements de l’Irak et de la Syrie sous supervision de l’ONU », a-t-il insisté.
Et… les tractations américano-syriennes
Les Américains dans tout cela, ne chôment pas. Ils ont déjà amorcé des tractations avec les syriens, selon le chroniqueur d’al-Akhbar, Nahed Hattar, connu pour ses liens étroits avec le gouvernement syrien.
Elles se font encore au niveau des fonctionnaires du ministère des AE, mais directement, sans médiateur irakien ni contacts sécuritaires au préalable.
Alors que Kerry poursuit son bavardage sur l’exclusion du président Assad du règlement politique en Syrie, ses fonctionnaires effectuent des rencontres avec leurs homologues syriens, écrit Hattar.
Selon lui, ces tractations partent du principe qu’en Syrie, il n’y a pas d’alternative au pouvoir du président syrien ni au dialogue avec lui, non pas sur les questions de politique intérieure, mais sur la coordination des efforts pour lutter contre le terrorisme, pour se concerter sur l’avenir des Kurdes et celui des combattants non taxés de terroristes.
A la lumière de ces discussions, assure Hattar, les Américains ont accepté d’élargir leur champ de frappe en Syrie pour bombarder en plus des positions de Daesh celles du front al-Nosra et leur alliés. Leur habilitation comme opposition modérée n’étant donc plus envisageable, 80% des milices en action contre l’armée syrienne sont bannies par l’entente syro-américaine.
Quant aux autres miliciens, ceux entre autre qui sont liés au services des renseignements occidentaux et golfiques, il se pourrait qu’ils soient insérés au sein de l’armée syrienne ou des Comités populaires.
Scénario presque idyllique? Dans l’élan de l’accord nucléaire iranien, il est certes permis de doucher les espoirs, dans l’espoir d’éteindre les foyers en feu qui embrasent la région. Certains parlent déjà de la naissance d'un nouveau Moyen Orient qui prend en considération les intérêts des différents protagonistes dans la région. Trop beau pour être vrai.