Les Etats-Unis combattront à tous les plans pour permettre à son allié d’exploiter les ressources pétrolières en Méditerranée.
Israël est passé à l’acte. Le gouvernement israélien a approuvé dimanche un accord majeur conclu avec un consortium comprenant l’Américain Noble Energy pour l’exploitation de réserves de gaz naturel en Méditerranée.
Depuis 2013, Noble Energy et l’israélien Delek Group exploitent ensemble le gisement de gaz de Tamar, à environ 80 km au large de Haïfa. Ils sont également associés pour développer Leviathan, lequel constitue le plus grand champ gazier de Méditerranée.
La capacité de ce gisement est estimée à 535 milliards de mètres cubes, il s’agit en effet du plus grand gisement de gaz découvert dans le monde depuis dix ans. Découvert en 2010, il se situe à environ 130 kilomètres au large des côtes de Haïfa, dans les territoires occupés par Israël.
Jeudi dernier, le Premier ministre israélien s’est félicité que l’accord devrait rapporter des centaines de milliards de shekels (1 shekel = 0,26 USD) aux Israéliens dans les années à venir.
« Le gaz qui arrivera en Israël contribuera à réduire de manière considérable le coût de la vie», a-t-il encore expliqué.
Rappelons que le gouvernement Netanyahu tente par tous les moyens d’accélérer l’exploitation du gaz naturel en Méditerranée. Fin juin, son cabinet restreint avait pris la décision exceptionnelle de déclarer le projet comme relevant de la sécurité nationale, manière pour lui de s’affranchir des lois contre les monopoles.
La presse israélienne précise quant à elle que l’accord porte sur deux points essentiels : le prix du gaz sera rapporté à un index du coût de l’énergie entre le public et le privé. Ceci devrait être synonyme d’une baisse des tarifs par rapport aux accords antérieurs passés avec Noble Energy et Delek Group.
Le consortium doit par ailleurs s’engager à investir 1,5 milliard de dollars dans le développement de Leviathan au cours des deux prochaines années.
La production de Tamar est destinée au marché intérieur, offrant alors à Israël une indépendance énergétique pour plusieurs décennies. A terme Israël pourrait devenir fournisseur de la Jordanie, l’Egypte et de l’Autorité palestinienne, avec tous les enjeux géostratégiques que cela induit …
Début septembre 2014, Israël a signé un protocole d’entente avec la Jordanie en vue de fournir le royaume hachémite de l’équivalent de 15 milliards de dollars de gaz naturel issus de Leviathan, et ce, sur plus de 15 ans. Toutefois, suite à l’annonce du régulateur de la concurrence, la Jordanie avait gelé les négociations.
A noter par ailleurs, qu’au début du mois de mars, des représentants de Noble Energy se sont rendus en Égypte pour des négociations sur les importations de gaz, si l’on en croit des sources égyptiennes.
Ressources importantes dans une zone controversée
Depuis les années 2000, les ressources du bassin du Levant – une zone comprenant les territoires maritimes occupés par Israël, de la Palestine, de Chypre, de la Turquie, de l'Egypte, de la Syrie et du Liban – sont estimées à hauteur de 1,7 milliard de barils de pétrole et jusqu'à 3 455 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
Etant donné que la plupart des ressources de la région reste encore à découvrir, les géologues estiment que ces chiffres pourraient constituer seulement un tiers de la quantité totale de combustibles fossiles du Levant, indique un rapport du Middel East Eye.
Le Liban et Israël se disputent une zone d’environ 854 kilomètres carrés, dont les réserves estimées pourrait générer des milliards de dollars.
Des réserves de gaz naturel au large potentiel ont en effet été découvertes ces dernières années dans ce qui est dénommé par Israël le bassin de Leviathan.
En février dernier, Beicip Franlab, consultant français, a publié un rapport estimant les réserves potentielles au large du Liban à 440-675 million de barils de pétrole et à 15 billions de pieds cubes de gaz.
En décembre 2010, un accord de délimitation des zones économiques exclusives (ZEE) a été signé entre Israël et Chypre en vue de « faciliter et de poursuivre les recherches off-shore d’hydrocarbures » – de part et d’autre – dans la partie orientale de la Méditerranée … Désormais, selon les contrôles de la commission gouvernementale israélienne mise en place pour gérer un fonds d’exploitation des ventes, les recettes prévues des gisements « Léviathan », « Tamar » et « Dalit » se monteraient à 100 voire à 130 milliards de dollars jusqu’en 2040.
Possible guerre régionale pour le pétrole ?
Un récent rapport de l'armée américaine a souligné « la probabilité d'un nouveau conflit armé » entre Israël et la Syrie « si des ressources conséquentes en hydrocarbures venaient à y être découvertes ».
L'Institut d'études stratégiques (SSI), qui a publié ce rapport, se qualifie d’« usine de réflexion » de l’armée à destination des « dirigeants militaires et civils ». SSI fournit des analyses indépendantes afin d’aider au « développement de recommandations politiques » sur les questions de sécurité nationale pour l'armée américaine, et d’« influencer le débat politique » au sein de l’institution militaire.
Le document fait remarquer que « l'assistance accordée par les Etats-Unis à ses principaux alliés en termes de sécurité et de soutien militaire en cas d'éclatement d'un conflit lié aux ressources naturelles à l'est de la Méditerranée pourrait s'avérer cruciale pour la gestion d'un éventuel conflit futur ». Celle-ci pourrait comprendre « l'entraînement militaire et la fourniture d'équipements » afin de protéger Israël contre toute attaque visant « ses infrastructures énergétiques et ses exploitations gazières ».
Toutefois, si les tensions régionales vont en s’aggravant, le rapport américain avertit que « les Etats-Unis disposent également d’un positionnement militaire important qui pourrait avoir un impact dans la sécurisation de la Méditerranée orientale », par le biais notamment de « formations militaires et du support en équipement », afin de défendre Chypre et Israël de toute attaque contre « leurs infrastructures énergétiques et exploitations gazières ».
Ce document révèle ainsi qu’un nouveau Grand Jeu est en marche. Pour à la fois contrer l'influence russe et chinoise et cimenter l’influence des Etats-Unis sur leurs alliés arabes, les stratèges militaires américains envisagent la menace de guerre dans le but de redessiner l'architecture énergétique du Moyen-Orient autour d'Israël.
Soutien diplomatique US à Israël
Cité par le Middle East Eye, le rapport US insiste sur l’importance du rôle diplomatique américain en servant de médiateurs entre les différentes parties en vue de faciliter des projets de développement pétrolier et gazier prospères à travers la Méditerranée orientale, pas seulement dans « l’intérêt d'Israël » mais aussi pour consolider ses alliés, par exemple la Jordanie et l'Egypte, grâce « au gaz israélien bon marché ». Cela contribuerait à la stabilité économique, et donc politique, de la région.
« Le soutien américain – diplomatique et, si nécessaire, militaire – peut constituer un élément puissant pour la préservation de ces bénéfices économiques à long terme, et ce, relativement à peu de frais ».
Au sujet du soutien diplomatique. Les Etats-Unis cherchent à aider son allié favori à entamer l’exploitation des ressources pétrolières découvertes.
Ainsi, les visites diplomatiques américaines au Liban se multiplient. Ce mois d’aout déjà, Amos Hochstein, directeur du Bureau des ressources énergétiques, s’est entretenu loin des médias avec les dirigeants libanais concernés par le dossier du pétrole.
Selon le journal libanais Assafir, celui-ci a évoqué notamment avec les responsables libanais la délimitation de la frontière maritime avec Israël, « pour que le Liban et Israël puissent aller de l’avant dans l’exploitation des ressources hydrocarboniques (soit le pétrole, le gaz liquéfié) ».
Hochstein a dit qu’il allait exposer les résultats de sa visite devant les responsables israéliens avant de rentrer aux Etats-Unis pour mettre en place une feuille de route de solutions possibles.