La population est excédée par la corruption endémique, le délabrement des services publics -coupures d’électricité, pénuries d’eau-, l’insécurité et le blocage politique.
Le gouvernement libanais a échoué mardi à trouver une issue à la crise des déchets, à l'origine de manifestations organisées le week-end dernier pour dénoncer son incurie et appeler à sa démission.
A l'issue d'une réunion extraordinaire de cinq heures, le Conseil des ministres a décidé d'annuler les appels d'offre annoncés la veille pour la gestion des déchets dans le pays en raison de leur prix élevé.
Il a décidé de renvoyer le dossier à une commission ministérielle pour de nouvelles discussions, ce qui risque d'exacerber la colère de la population excédée par la corruption endémique, le délabrement des services publics -coupures d'électricité, pénuries d'eau-, l'insécurité et le blocage politique qui empêche depuis plus d'un an l'élection d'un président de la République.
Samedi et dimanche, des milliers de personnes sont descendues dans les rues à Beyrouth pour exprimer leur ras-le-bol, les rassemblements se terminant par des heurts qui ont fait des dizaines de blessés dans les camps des forces de sécurité et des manifestants.
Ces protestations ont été organisées à l'initiative de la campagne "Vous puez" lancée par la société civile lorsque des montagnes d'ordures se sont amassées à l'expiration des précédents contrats pour leur collecte en juillet.
Plus d'un mois après, les revendications dépassent largement le cadre d'un problème sanitaire pour se focaliser sur le dysfonctionnement général de l'Etat.
Réunion du cabinet jeudi
Il y a quelques jours, le Premier ministre Tammam Salam a lui même mis en garde contre un vide gouvernemental si une solution n'était pas trouvée cette semaine à la crise des déchets.
"Au vu des prix élevés (des contrats), le Conseil des ministres a décidé de ne pas approuver les appels d'offres et de charger la commission ministérielle de trouver des alternatives", a indiqué un communiqué du gouvernement.
Une réunion ordinaire du gouvernement est prévue jeudi.
Lundi, l'annonce des appels d'offres pour la collecte dans les six régions du pays a été dénoncée par la campagne civile pour qui toutes les entreprises choisies étaient liées à des politiciens et qu'elles demandaient des prix exorbitants, encore plus élevés que ceux des précédents contrats.
Le gouvernement a en outre décidé d'octroyer 100 millions de dollars au Akkar (nord), une région sous-développée proposée comme dépotoir potentiel par certains hommes politiques, mais dont les habitants ont crié leur refus.
La réunion exceptionnelle des ministres ce mardi, a été rompue par le retrait de des ministres du Courant patriotique libre (CPL), du Hezbollah et du parti Tachnak, pour protester contre les violations des mécanismes de prises de décision convenues.
Depuis des années, plusieurs dossiers constituent une source de litige au sein du gouvernement, exacerbés par le conflit en Syrie voisine.
'Personne n'écoute'
Au delà, le cœur du problème reste de remplacer la décharge de Naamé, au sud de Beyrouth, fermée le 17 juillet.
En l'absence de nouveaux sites et de solutions alternatives, les ordures se sont empilées dans les rues en pleine période de grosses chaleurs. Jusqu'à ce que les municipalités trouvent des solutions provisoires en jetant les déchets dans des terrains vagues, des lits de rivières ou même des vallées.
Selon les médias, même si une solution est trouvée, au moins six mois seront nécessaires avant de pouvoir ramasser les déchets, le temps d'aménager un terrain et de les trier.
Les dirigeants du mouvement de protestation ont appelé à une nouvelle manifestation samedi, sans annoncer encore son lieu.
"Il y a une bataille principale, celle des ordures mais nous menons une bataille générale contre la classe politique corrompue", a résumé Marwan Maalouf, l'un des organisateurs.
Ces derniers ont dénoncé des "fauteurs de troubles" qui se sont infiltrés dans les rassemblements du week-end pour provoquer les forces de sécurité mais ont admis aussi que les manifestations devraient être mieux organisées.
Pour les experts, ces protestations reflètent la frustration de la population contre une élite politique qui se sent intouchable et agit en toute impunité.
Outre la vacance de la présidence, le pays est privé d'élections législatives depuis 2009, le Parlement ayant prorogé lui-même son mandat à deux reprises.
Avec AFP