Une réunion ordinaire du Conseil des ministres est prévue jeudi.
Le gouvernement libanais a échoué mardi à trouver une issue à la crise des ordures, à l'origine de manifestations organisées le weekend dernier pour dénoncer son incurie et appeler à sa démission.
A l'issue d'une réunion de cinq heures, les ministres ont annulé les
adjudications annoncées la veille pour la gestion des déchets en raison de leur
prix élevé et renvoyé le dossier à une commission ministérielle.
Ce retard risque d'exacerber la colère de la population excédée, outre par
la crise des ordures, par la corruption endémique, le délabrement des services
publics -coupures d'électricité, pénuries d'eau-, l'insécurité et le blocage
politique qui empêche depuis plus d'un an l'élection d'un président de la
République.
Pour montrer leur détermination à maintenir coûte que coûte leurs
revendications, quelques centaines de manifestants se sont aussitôt rassemblés, place Riad el-Solh, à Beyrouth.
Des blocs de béton posés lundi sur ordre du ministre de l'Intérieur Nouhad
Machnouk, après deux jours de manifestations qui avaient dégénéré, ont été
retirés à la demande du Premier ministre Tammam Salam, les militants dénonçant
un "mur de la honte".
"Nous appelons le peuple libanais à participer aux mouvements spontanés
place Riad el-Solh pour protester contre le pouvoir politique qui a ignoré
toutes les revendications sociales et continue dans son entêtement", a affirmé
sur Facebook la campagne "Vous puez" lancée par la société civile et à
l'origine du mouvement de protestation.
"Tout cela en préparation à samedi", a-t-elle ajouté en allusion à la manifestation à laquelle la campagne a appelé ce jour-ci.
'Règne des gangs'
Sur cette place, devenue l'épicentre de l'agitation contre l'incurie gouvernementale, les gens affichaient leurs rancoeurs et leurs espoirs. "Les
gens émigrent, ici il n'y a pas de travail, pas de vie possible, c'est le règne
des gangs et de la mafia mais leur fin approche", a affirmé à la télévision
l'un des manifestants.
"Quelque chose va changer, il est temps que les députés et les ministres
émigrent", a lancé un autre. Samedi et dimanche, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues à Beyrouth pour exprimer leur ras-le-bol, les rassemblements se terminant par des heurts qui ont fait des dizaines de blessés dans les camps des forces de sécurité et des manifestants.
Les protestations à l'appel de "Vous puez" ont été organisées après que des
montagnes d'ordures se sont amassées à Beyrouth à l'expiration des précédents contrats pour leur collecte en juillet.
Plus d'un mois après, les revendications dépassent largement le cadre d'un
problème sanitaire pour se focaliser sur le dysfonctionnement de l'Etat.
Le Premier ministre a lui même mis en garde contre un vide gouvernemental
si une solution n'était pas trouvée cette semaine à la crise des déchets.
Réunion du cabinet jeudi
Une réunion ordinaire du Conseil des ministres est prévue jeudi. Témoignant de la paralysie du gouvernement miné par les disputes politiques et les rivalités, six ministres du bloc du Hezbollah et les ministres du Courant patriotique Libre se sont retirés de la réunion au milieu des débats.
L'annonce du nom des compagnies choisies pour ramasser les ordures dans les
six régions du pays avait été dénoncée par les manifestants pour qui les
entreprises choisies sont liées à des politiciens et demandent des prix plus
exorbitants que les précédents contrats.
Au delà, le coeur du problème reste de remplacer la décharge de Naamé, au
sud de Beyrouth, fermée le 17 juillet.
En l'absence de nouveaux sites et de solutions alternatives, les ordures
s'étaient empilées dans les rues en pleine période de grosses chaleurs. Jusqu'à
ce que les municipalités trouvent des solutions provisoires en jetant les
déchets dans des terrains vagues, des lits de rivières ou même des vallées.
Selon les médias, même si une solution est trouvée, il faudra six mois pour
aménager un terrain et trier les déchets avant de les ramasser.
"Il y a une bataille principale, celle des ordures mais nous menons une
bataille générale contre la classe politique corrompue", a résumé Marwan
Maalouf, l'un des militants de la campagne "Vous puez".
Pour les experts, ces protestations reflètent la frustration de la
population contre une élite politique qui s'estime intouchable et agit en toute
impunité.
Outre la vacance de la présidence, le pays est privé de législatives depuis
2009, le Parlement ayant prorogé lui-même son mandat à deux reprises.