26-11-2024 07:53 AM Jerusalem Timing

2 journalistes français arrêtés à Paris, pour chantage contre le roi du Maroc

2 journalistes français arrêtés à Paris, pour chantage contre le roi du Maroc

Les 2 journalistes ont proposé de ne pas sortir leur livre en échange d’argent.

Deux journalistes français ayant enquêté sur le royaume du Maroc ont été arrêtés jeudi à Paris et placés en garde à vue, soupçonnés d'avoir tenté de faire chanter Rabat en proposant de ne pas sortir leur livre en échange d'argent.

L'affaire est singulière et immédiatement après sa révélation sur la radio RTL, l'un des avocats du royaume, Eric Dupond-Moretti, a pris la parole pour en livrer des détails, dénonçant un "racket digne de voyous". Un "racket" à trois millions d'euros selon lui.

Les deux journalistes, Eric Laurent et Catherine Graciet, qui ont déjà écrit un livre accusateur contre Mohammed VI en 2012, "Le roi prédateur" (Editions du Seuil), ont été interpellés après un rendez-vous avec un représentant du Maroc dans un hôtel parisien.

Lors de ce rendez-vous, "il y a eu remise et acceptation d'une somme d'argent", a rapporté une source proche du dossier à l'AFP.

Jeudi soir, les deux journalistes étaient toujours en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), dans le cadre d'une information judiciaire ouverte la veille pour tentative d'extorsion de fonds et tentative de chantage, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

  

Un livre avec Hassan II

  

Tout aurait commencé le 23 juillet, quand Eric Laurent a contacté une première fois le cabinet royal marocain en indiquant qu'il préparait un livre, a raconté l'avocat du Maroc sur RTL.

Une première rencontre aurait été organisée à Paris avec un avocat, "un de mes confrères marocains", a expliqué Me Dupond-Moretti. Selon lui, "Eric Laurent dit +écoutez, moyennant 3 millions d'euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet+".

Après la plainte du Maroc, qui a conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire, puis à saisir les juges d'instruction, d'autres rendez-vous ont été organisés, dont deux jeudi, mais cette fois sous la surveillance des enquêteurs.

Contactées par l'AFP, les éditions du Seuil ont confirmé que les deux journalistes préparaient un livre sur le roi du Maroc Mohammed VI, "pour une sortie en janvier-février".

"Je suis sous le choc (...) Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés, c'est très surprenant de la part de Catherine. Elle n'a pas le profil pour ce type de délit", a réagi auprès de l'AFP le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs livres avec sa consoeur, dont "La régente de Carthage: main basse sur la Tunisie" (2009, La Découverte), sur Leïla Trabelsi, épouse de l'ex-président tunisien Ben Ali.

Catherine Graciet a également écrit "Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison" (Ed. Seuil, 2013), où un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de l'ancien président de droite Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi.

Quant à Eric Laurent, il est l'auteur de nombreux livres d'enquête: "Aux banques les milliards, à nous la crise", qui doit sortir le 9 septembre, "La face cachée du pétrole" (Plon, 2006), "Bush l'Iran et la bombe" (Plon). En 1993, il avait signé un livre d'entretien avec l'ancien roi du Maroc, Hassan II, père de Mohammed VI ("La mémoire d'un roi").

Eric Laurent et Catherine Graciet ne sont pas en grâce auprès du royaume.

Quand leur précédent livre sur Mohammed VI est sorti, en 2012, le quotidien espagnol El Pais avait été interdit sur le territoire marocain le jour où il en avait diffusé les bonnes feuilles.

Paris et Rabat ont récemment connu une brouille diplomatique de plusieurs mois à cause d'une enquête menée à Paris sur des accusations de tortures au Maroc contre le patron du contre-espionnage Abdellatif Hammouchi.

Le réchauffement bilatéral s'est produit notamment grâce à une nouvelle convention d'entraide judiciaire, qui a suscité l'inquiétude des organisations de défense des droits de l'Homme.