24-11-2024 11:03 AM Jerusalem Timing

Faute d’aide, les réfugiés syriens quittent le Moyen-Orient pour l’Europe

Faute d’aide, les réfugiés syriens quittent le Moyen-Orient pour l’Europe

La communauté internationale s’est montrée peu empressée à soutenir les réfugiés au Moyen-Orient

 De nombreux Syriens fuyant la guerre choisissent désormais de tenter un périple risqué vers l'Europe plutôt que de s'établir ou de rester dans les pays voisins déjà débordés par les réfugiés et où l'aide humanitaire a fondu.

Jusqu'ici, les réfugiés syriens s'établissaient majoritairement de l'autre
côté des frontières syriennes, en Turquie, au Liban ou en Jordanie. Mais cette
tendance a changé ces derniers mois.

"Parmi les Syriens que nous avons interrogés cette année, beaucoup
envisagent de faire le dangereux voyage pour tenter de rejoindre l'Europe via
l'Afrique du Nord ou la Turquie", indique Adam Coogle, chercheur au
Moyen-Orient pour l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch.

L'arrivée de dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, partis
aussi d'autres pays comme l'Irak ou l'Erythrée, confronte ainsi l'Europe à la
plus grave crise migratoire depuis la Seconde Guerre Mondiale.

L'afflux de Syriens pourrait s'y poursuivre car quatre millions d'entre eux
se sont réfugiés dans les pays voisins depuis quatre ans, selon le Haut
commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR).

"De nombreux réfugiés expliquent que l'absence d'aide humanitaire ainsi que
l'incapacité de travailler légalement dans les pays voisins les obligent à
choisir entre un retour en zone de conflit en Syrie ou un périple vers
l'Europe", souligne Coogle.
   
- Manque de fonds -

   
"Ce que nous voyons est la conséquence du sous-investissement (de la
communauté internationale) dans les besoins des pays voisins", déclare à l'AFP
le représentant du HCR en Jordanie Andrew Harper. 

  "Si vous ne fournissez pas des ressources à des pays comme la Jordanie pour
répondre aux obligations d'assistance et de  protection (des réfugiés), alors
les gens vont aller là où ils peuvent trouver cette protection, en Europe",
poursuit-il.

Or la communauté internationale s'est montrée peu empressée à soutenir les
réfugiés au Moyen-Orient.

L'appel de fonds lancé par l'ONU en faveur des réfugiés syriens pour
l'année 2015 n'a été financé jusqu'ici qu'à hauteur de 41%, contraignant le
Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) à réduire cet été son
aide à ces réfugiés au Liban et en Jordanie.

"Les familles ont recours à des moyens extrêmes pour tenir, certains
retirent leurs enfants de l'école, se privent de repas et s'endettent pour
survivre. Les effets à long terme peuvent être dévastateurs", avait mis en
garde le directeur régional du PAM, Muhannad Hadi au début de l'été.
   
 'Changement fondamental'

   
   Le Liban et la Jordanie peinent en effet à répondre seuls aux besoins des
réfugiés qui ont afflué sur leur territoire, selon Harper. Plus de 1,1
million de Syriens ont trouvé refuge au Liban. Ils sont 600.000 en Jordanie
selon le HCR, 1,4 million selon le gouvernement jordanien, soit 20% de la
population du royaume.

Outre la réduction significative de l'aide humanitaire, "l'augmentation des
restrictions posées par les pays voisins", explique leur désir de se tourner
vers l'Europe, souligne le responsable du HCR. Les réfugiés n'ont généralement
pas le droit de travailler en Liban et en Jordanie.

  En Jordanie par exemple, il y a désormais beaucoup plus de départs de
réfugiés que d'arrivées. Cet été, le HCR estime qu'un millier de Syriens par
semaine sont même retournés dans leur pays.

"Ce changement fondamental n'est pas motivé par une amélioration de la
situation en Syrie", souligne Harper. "L'explication est que les gens sont
en train de perdre le sens de l'espoir", dit-il.

Un porte-parole des quelque 80.000 réfugiés syriens du camp jordanien de
Zaatari (nord), Abou Al-Yaman, confirme que le recul de l'aide humanitaire
pousse les Syriens installés en Jordanie à se tourner vers l'Europe.

  Tenter le périple vers l'Europe, "oui c'est un risque à prendre. Mais
certains ne peuvent plus résister surtout que le monde ignore notre souffrance
et que les aides humanitaires sont de plus en plus rares", témoigne Mohamed
al-Hariri un réfugié de Zaatari venu de Deraa (sud de la Syrie).

"Qu'est ce que vous attendez de nous? Qu'on meure en silence?",
interroge-t-il. "Le Syrien a deux choix: soit revenir et mourir dans son pays,
soit émigrer".