Le Hezbollah soutient les revendications et récuse les accusations qui généralisent. Le général Aoun craint un printemps arabe au Liban.Certains militants sont des membres d’ONG US.
Nouvelle position du Hezbollah qui soutient toute lutte contre la corruption, tout en mettant en garde contre les dérives du mouvement de protestation qui se poursuit à Beyrouth contre la crise des déchets et surtout la corruption endémique qui sévit au pays des cèdres.
Ce lundi, ce mouvement a pris une tournure inquiétante en optant pour une escalade inattendue, aussi bien selon le général Michel Aoun, que pour notre chaîne de télévision al-Manar.
Fayyad: la généralisation affranchit de leurs crimes leurs auteurs
« Il faut à tout prix affronter cette corruption jusqu’au bout, sans relâche ni compromis », a martelé le député du bloc de Fidélité à la Résistance Ali Fayyad, lors d’une cérémonie organisée dans la région de Zahrani au sud du Liban.
Et de poursuivre, en reprochant certaines dérives de la part des militants : «Mais cette bataille passe nécessairement par la définition des responsabilités avec précision, parce que toute généralisation en accusant la totalité de la classe politique affranchit les vrais auteurs de leurs crimes et met sur le même pied d’égalité le criminel et la victime, le responsable et l’incapable ».
Durant les manifestations qui ont eu lieu sur la place de Riad al-Solh depuis 10 jours au cœur de Beyrouth, les slogans fustigeaient toute la classe politique sans discernement, et l’accusaient d’être impliquée dans la corruption.
Selon Fayyad, la crise des déchets n’est pas le sommet de l’iceberg mais le fond de la politique au Liban. « C’est un échec retentissant de plus qui s’ajoute à la série d’échecs qui se sont accumulés et nous devons reconnaitre que la corruption et le sectarisme politique rongent la plupart de la classe politique au Liban », a-t-il regretté.
Selon lui, les choses ont atteint une telle gravité, qu’elles sont devenues insupportables, ce qui nécessite un nouveau traitement en profondeur, et avec du sérieux.
Et de proposer : « la bataille pour réclamer un nouveau régime électoral proportionnel mérite d’être menée par les gens honnêtes, comme l’est la bataille d’affronter la corruption ».
Qualifiant ce qui se passe aujourd’hui d’« importante sonnerie d’alarme», le député du Hezbollah a mis en garde contre toute négligence ou sous-estimation de la volonté des gens et de leurs souffrances. « Notre position normale est d’être toujours au côté du peuple, parce que cela relève de notre histoire et de notre idéologie qui adhèrent aux aspirations du peuple et de la nation et à leurs souffrances », a-t-il conclu son discours.
Une tournure plutôt suspecte
Ce lundi, la campagne «Vous puez » a haussé subitement d’un cran son mouvement de protestation, en occupant les locaux du ministère de l’environnement, et en réclamant la démission de son ministre Mohammad al-Machnouk, lui imputant la responsabilité de la crise des déchets .
Ces militants ont finalement été évacués par les forces de l’ordre par la force.
Auparavant, les correspondants de certains medias avaient été sommés de quitter les lieux. Selon le correspondant d’al-Manar, seuls les medias qui mènent une campagne médiatique énorme pour couvrir les revendications des militants ont été autorisés à rester dans les couloirs du ministère. « Ils jouissent de liens étroits avec des éléments sécuritaires et administratifs de l’intérieur », a-t-il dit.
Une source du ministère de l’intérieur libanais a indiqué pour l’AFP que "le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk a envoyé un émissaire pour négocier avec eux (le militants) mais ces derniers ont affirmé qu'ils ne sortiraient que les menottes aux mains".
Une version qui diffère de celle de la campagne "Vous puez" qui a affirmé sur sa page Facebook que plusieurs de ses partisans à l'intérieur du bâtiment avaient été "frappés" par les forces de l'ordre durant l'évacuation. Et que certains de ces militants ont disparu.
L'un des organisateurs de la campagne, "Lucien Bourjeily, et un groupe de jeunes participant au sit-in ont été frappés dans la bâtiment et ils sont tous injoignables", est-il également écrit sur la page Facebook.
Selon l’AFP, un responsable de la Croix-Rouge libanaise a affirmé que celle-ci avait "soigné sur place 15 personnes évacuées du bâtiment, dont un pour suffocation et 14 pour coups" reçus. Une 16e personne, Lucien Bourjeily, a été hospitalisée, selon lui.
Un militant de la campagne a confirmé pour notre correspondant l’envoi d’émissaires de la part du ministre de l’intérieur pour les convaincre de quitter les locaux. Ce qu’ils ont refusé, s’obstinant à réclamer la démission du ministre de l’environnement.
Par la suite, ils ont été rossés et écrasés sous les bottes des éléments des forces de l’ordre qui les ont descendus un à un, raconte-t-il.
Des escarmouches ont éclaté par la suite entre les militants et les éléments des forces de l’ordre, a ajouté le correspondant d’Al-Manar.
Imad Bazzi, l'un des organisateurs de la campagne a affirmé pour l’AFP que la police avait évacué "en les bousculant" quatorze militants qui se trouvaient encore à l'intérieur du ministère.
"Ils nous ont obligés à sortir par la force, ils ont chassé les médias, coupé l'électricité, ils nous ont bousculés dans les escaliers étage par étage. Notre sit-in était pacifique mais ils ont eu recours à la violence" a-t-il ajouté.
Aoun s’inquiète aussi : un point d’interrogation
Les évolutions intervenues dans ces manifestations semblent inquiéter le chef du Courant patriotique libre (CPL) le général Michel Aoun
« Je suis avec ces jeunes qui manifestent. Mais une interrogation s’impose sur ceux qui les manipulent. Je crains « un printemps arabe » au Liban, celui qui a été un enfer pour les arabes. Ce qui me fait le plus peur c’est le présage de la CNN selon laquelle le Liban est au bord du printemps arabe », a-t-il déclaré durant son point de presse ce lundi.
Selon lui, toutes les revendications clamées par les manifestants sont justes, mais son courant « les a réclamées depuis plusieurs années ».
« Nous vous demandons pourquoi vous ne nous avez pas soutenu lorsqu’ils ont fait obstruction de notre projet sur l’électricité ? Pourquoi n’êtes-vous pas venus avec nous pour d’autres choses », a-t-il aussi demandé en s’adressant aux militants de la campagne. « Bref, l’essentiel est vous avez finalement pris conscience », a-t-il néanmoins conclu.
Des questions d'al-Manar aussi: les ONG pointent le nez ??
La remarque de la CNN semble aussi avoir mis la puce à l’oreille de notre chaine de télévision al-Manar.
Dans l’introduction de son édition d’information de 19 :30, elle aussi s’est posé des questions sur les dernières évolutions intervenues, soupçonnant des velléités suspectes.
« Qui donc a voulu pousser ces jeunes enthousiastes vers une initiative non calculée ? Qui donc a voulu déplacer ce mouvement de sa place naturelle ? Y-a-t-il quelqu’un qui veuille exploiter les déchets libanais pour les recycler dans ses convoitises politiques, depuis que des medias arabes et internationaux voient s’ouvrir des portes pour ce qui un jour fut appelé le "Printemps arabe"».
Lors de sa dernière intervention vers 20:50 heures locale, le correspondant d’al-Manar a fait état de heurts qui ont éclaté dans la soirée, et qui ont fait deux blessés : un militant et un élément des forces de l’ordre. Quelques militants se trouvent toujours dans les parages du ministre de l’environnement.
Selon le directeur de la page culturelle du quotidien libanais al-Akhbar, Pierre Abi Saab, ces doutes sont tout à fait légitimes, car les militants qui ont participé ce lundi à l’occupation des locaux ministériels sont connus pour leurs liens étroits avec des ONG pro américaines aux visées sournoises, dont US Aid.
Ce qui fait craindre plus que jamais que les manifestations ne soient récupérées pour des agendas occidentaux, au détriment des revendications justes des Libanais.