L’analyse du Financial Times n’a pas découvert de corrélation statistique entre la dynamique des cours monétaires en 2013 et les exportations en 2014.
Contrairement à une idée répandue, l'affaiblissement des devises des pays émergents ne contribue pas à l'augmentation des exportations, réduit les importations et nuit au commerce international.
Cette analyse avancée par le Financial Times, tirée d'informations sur plus de 100 pays, permet de supposer que les conséquences des guerres monétaires pourraient s'avérer plus dangereuses qu'on ne le pensait.
Depuis juin 2014 les devises de la Russie, de la Colombie, du Brésil, de la Turquie, du Mexique et du Chili ont perdu entre 20 et 50% par rapport au dollar américain, et celles de la Malaisie et de l'Indonésie ont atteint leur minimum depuis la crise financière asiatique de 1997-1998. En août, la Chine a permis au yuan de fléchir de 4,5%, provoquant une nouvelle vague de dévaluation dans les pays émergents.
Le Financial Times s'est intéressé aux variations des cours monétaires de 107 pays émergents entre 2013 et 2015 et aux conséquences sur l'import-export dans les années suivantes (en utilisant les indices prévisionnels pour 2016) en se basant sur les données du FMI et du Thomson Reuters Datastream. L'étude a révélé qu'il n'existait aucun lien entre la dévaluation monétaire et les exportations, la première n'entraînant donc pas l'augmentation des dernières. Sachant que les importations se réduisent de 0,5% avec un fléchissement de la devise par rapport au dollar de 1%, car la demande en produits importés baisse à cause de la hausse des prix. Ainsi, selon les estimations de Capital Economics, les importations brésiliennes se sont réduites depuis trois mois de 13% (ramenés au taux annualisé), tandis que le cours du réal chutait de 37% ces 12 derniers mois.
L'analyse du Financial Times n'a pas découvert de corrélation statistique entre la dynamique des cours monétaires en 2013 et les exportations en 2014. La comparaison des cours monétaires de l'an dernier avec les exportations de cette année a même révélé l'inverse, dans une certaine mesure: la faiblesse des devises entraîne une réduction des exportations. Toutefois, la situation est quelque peu déformée par les informations de la Russie, du Venezuela et de l'Ukraine, dont les monnaies ont le plus fléchi — de 45-50% — sachant que les deux premiers pays n'ont pas réussi à augmenter les fournitures à l'étranger de leurs principales marchandises d'exportation: le pétrole. Cependant, comme le Financial Times analysait le volume des exportations et non leur coût, la réduction significative des exportations totales (de quelques pour cent pour la Russie jusqu'à plus de 10% pour le Venezuela) ne semble pas non plus justifiée. En ce qui concerne l'Ukraine, la baisse du cours de la monnaie et des exportations s'explique par la forte instabilité économique et politique du pays.
Les résultats de l'étude permettent de supposer qu'en laissant leur monnaie faiblir, les pays émergents peuvent améliorer le compte des opérations courantes uniquement en réduisant les importations, mais pas en augmentant les exportations. Le commerce mondial en ressent les conséquences négatives et beaucoup ont plus à y perdre qu'à y gagner.
Cette analyse pourrait expliquer la situation actuelle du commerce mondial, qui a perdu 1,5% au 1er trimestre et 0,5% au 2e trimestre. La récente étude de la Banque mondiale concernant 46 pays émergents et développés avait aussi montré qu'entre 2004 et 2012, l'efficacité de la dévaluation des monnaies pour stimuler les exportations était deux fois inférieure par rapport à la période 1996-2003, même si elle apportait tout de même un certain bénéfice. Il est désormais plus difficile pour les pays d'augmenter leurs exportations simplement par cette manipulation monétaire.