Une chose que les Israéliens admettent de plus en plus: l’implication du Hezbollah en Syrie lui a permis d’accumuler une expertise militaire qui fera son effet lors de la prochaine guerre.
Il est certes normal que les observateurs israéliens, officiels ou médiatiques, militaires et politiques gardent l’œil bien vigilant sur le sud-Liban. C’est la seule région qui leur a résisté. Le Hezbollah constitue leur réel ennemi, le plus sérieux parmi ceux qu’ils ont expérimentés depuis l’implantation de leur entité dans la région.
De plus dans la conjoncture actuelle, cette observation devrait leur servir à mesurer l’efficacité de la tactique mise au point pour le détourner du combat contre leur entité. Depuis la défaite israélienne en 2006, se vouant à l'évidence qu’une guerre contre le Hezbollah n’est plus jamais gagnée d’avance, des propositions rendaient compte de la nécessité de l’enliser dans un conflit sectaire. Frapper la Syrie, sa base arrière, était également suggérée .
Peine perdue. Au fil des ans, le scénario d’une troisième guerre ne s’est jamais estompé et continue d’inquiéter les dirigeants israéliens.
Des observateurs bien avisés constatent que les combattants de la Résistance islamique au Liban n’ont jamais été aussi aux aguets, parfaitement mobilisés pour répliquer à toute attaque israélienne. L’éventualité d’un glissement vers une guerre ouverte en riposte à une agression israélienne semble toujours de mise. Les responsables israéliens ne peuvent que se vouer à l’évidence :
« Les hommes du Hezbollah qui ne sont pas partis en Syrie et sont restés au sud-Liban continuent à collecter les informations sur l’armée syrienne et semblent avoir pleinement confiance en eux-mêmes. Car, grâce aux équipements sophistiquées que les Iraniens leur procurent, ils peuvent empêcher l’armée israélienne de s’infiltrer dans les territoires libanais », a écrit le chroniqueur militaire du journal israélien Yediot Aharonot, Ron Ben Yeshaï.
Et de poursuivre : « les combattants du Hezbollah s’apprêtent même à faire des surprises douloureuses aux Israéliens lors du round prochain » de la guerre.
Ben Yeshaï rapporte que cette année a été l’une où la direction du Hezbollah s’est le plus apprêtée à une troisième guerre, « comme si elle allait éclater demain ». Une évolution qui résulte d’après lui « d’un changement de stratégie à l’encontre d’Israël », opérée par le secrétaire général du Hezbollah Sayyed Hasan Nasrallah.
Elle viserait estime-t-il à « dissuader l’armée israélienne à mener des frappes conjoncturelles de temps à autre dans le but d’avorter des opérations terroristes et la montée en puissance du Hezbollah, ce que l’armée intitule la bataille au sein des guerres ».
« La décision vient du fait que la Syrie et le Liban font désormais un seul front actif contre Israël, et toute riposte à une attaque réussie de l’armée israélienne, quand bien même elle provoquerait une escalade d’envergure impliquerait tout de même des destructions et des pertes humaines considérables de part et d’autre », constate-t-il.
Pour étayer sa thèse, Ben Yeshaï rappelle ce qui s’est passé en janvier dernier, lorsque le Hezbollah a répliqué à l’agression israélienne à Quneitra en Syrie (au cours de laquelle nombre de ses cadres ont été tués) en bombardant une patrouille israélienne dans la région libanaise d’al-Ghajar occupée par Israël (et tuant 2 de ses soldats, selon les chiffres israéliens). « Aussi bien le Hezbollah que l’armée israélienne se sont apprêtés à l’éventualité que la riposte puisse causer une confrontation d’une grande envergure », soutient-il et que finalement après la riposte, « les dirigeants des deux parties ont décidé que le règlement de compte de sang entre eux a été finalisé, et qu’il est dans leurs intérêts tous deux de freiner toute escalade »…
Selon Ben Yeshaï, le jour du 28 janvier 2015 a néanmoins été le plus près de l’éclatement de la troisième guerre du Liban. Le spectre de la guerre persiste.
Ayant scruté le terrain dans le nord de la Palestine occupée, tout au long de la barrière avec le sud du Liban le journaliste israélien dit avoir touché de près comment les dirigeants israéliens s’apprêtent à une riposte défensive ou offensive. D’autant d’après lui que le parcours de la guerre et ses conséquences seront fortement tributaires du scénario du déclenchement des hostilités et de leur timing.
L’armée israélienne aura d’après lui à affronter trois défis :
Le premier étant que le front israélien interne, (civil et militaire, voire même les positions vitales) fera l’objet d’un bombardement de missiles de haute précision, comme jamais auparavant. Ben Yeshaï évoque le chiffre de 1.200 missiles par jour, lesquels causeront des pertes humaines et des destructions considérables, « avant que l’armée israélienne ne parvienne à neutraliser les plateforme de provenance des tirs.
Le deuxième problème supposé est que des forces spéciales du Hezbollah franchissent la frontière, occupent des colonies, prennent des colons israéliens en otage et coupent les voies de communications du nord. Ces opérations visent d’après lui à encombrer l’armée israélienne et surtout à contrer sa tentative d’offensive terrestre en direction des territoires libanais. Si ce deuxième scénario est appliqué, ceci constituerait un exploit sans précédent depuis 1948, juge-t-il. A cet égard, Ben Yeshaï rappelle les propos de Sayed Nasrallah en 2011, sur des plans mis au point pour prendre le contrôle d’al-Jalil -la Galilée.
Quant au troisième défi, il réside selon lui dans le recours du Hezbollah à une puissance intensive de tirs de missiles et d’obus de mortier de courte portée contre les colonies proches du mur.
Côté israélien, pour pallier à ces scénarios, le chroniqueur israélien rend compte d’un plan d’attaque israélien, formé de plusieurs parcours offensifs et défensifs, « dont certains devraient surprendre le Hezbollah », écrit-il.
« Une manœuvre terrestre énorme et cursive permettra d’investir d’importantes forces de l’armée au Liban, pour attaquer des milliers d’objectifs dans tout le Liban en l’espace de quelques jours, parallèlement à l’évacuation des colonies israélienne du nord », rapporte Ben Yeshaï, en citant le témoignage du commandant du contingent de défense régional. Ce dernier n’exclut l’éventualité de l’existence de tunnels transfrontaliers, quoique les services de renseignements ne les aient pas détectés et quoique « la topographie de la région n’a pas besoin d’eux ». Un jugement qui se veut scruter tous les scénarios possibles, mêmes les plus incongrus.
L’officier ne peut se vouer à l’évidence que « le Hezbollah a accumulé une expertise importante grâce à son combat en Syrie », « mais il a plus peur de nous que nous de lui », a-t-il voulu conclure. Une note optimiste certes, à qui voudrait y croire.
Depuis 2006, les medias israéliens abondent en ce genre d’articles. Ils affichent régulièrement tous les scénarios devant le Hezbollah scrutés par l’institution militaire israélienne et ceux mis au point par Tsahal pour les contrer.
Cet effort médiatique, indubitablement supervisé par cette institution, n’a qu’une seule explication: dire à la Résistance que tous ses plans sont dévoilés, dans le but d’annihiler leur effet surprise -qui a fait sa force en 2006 -et donc de la dissuader d’aller en guerre.
Il montre très bien qui veut à tout prix éviter la guerre !
(L'article du Yédiot Aharnot a été traduit en arabe par le journal al-Akhbar)