"L’EI peut envoyer des équipes en Europe "par avion, avec un joli billet, un joli passeport (faux mais joli), et tout bien propre en ordre"
Le groupe Etat islamique ou Al-Qaïda, qui disposent de filières bien plus sûres, n'ont pas besoin d'infiltrer des jihadistes parmi les groupes de migrants pour les faire pénétrer en Europe, assurent policiers et experts.
Mais la nécessité d'exercer un minimum de contrôles sur les réfugiés, aux profils parfois difficiles à vérifier, pose problème à des services de police et de renseignements déjà submergés, ajoutent-ils.
"A ce stade, nous n'avons aucune indication que des jihadistes se mélangent aux réfugiés", assure à l'AFP un haut responsable français de la lutte antiterroriste, qui demande à ne pas être identifié.
"Il est vrai que les jihadistes ont tendance à utiliser de plus en plus les voies terrestres (...) pour éviter d'être repérés par les services de renseignements", ajoute-t-il.
Mais ils ne se mêlent pas aux réfugiés "parce qu'ils ont les moyens financiers de faire autrement et aussi parce qu'ils possèdent des papiers, notamment les combattants européens", tels que le Français Mehdi Nemmouche, revenu de Syrie quand il a attaqué le musée juif de Bruxelles en mai 2014.
La menace d'infiltration de jihadistes parmi les foules de migrants a été évoquée par le coordinateur de l'UE pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove. "Nous devons être vigilants, a-t-il dit dès mars. Il est relativement facile de pénétrer dans l'Union européenne quand on se mêle aux flux de migrants."
Avec l'arrivée de plus de 430.000 migrants aux frontières européennes depuis janvier, plusieurs voix à droite et à l'extrême droite, en France notamment, ont également exprimé leurs inquiétudes à ce sujet.
Pour Alain Chouet, qui a dirigé de 2000 à 2002 le service "Renseignements de sécurité" à la DGSE (renseignements extérieurs français), cette menace "ne tient pas la route. C'est ridicule. Cela n'aurait aucun sens, en termes opérationnels, pour un réseau de prendre de tels risques. Aucun sens et aucune utilité".
'A l'eau'
"Si jamais l'Etat islamique perd pied sur le terrain et veut se lancer dans une offensive de terreur internationale, il ne va pas envoyer ses nervis parmi les réfugiés : il leur faudrait un mois pour arriver, avec une chance sur deux de se noyer... Du coup la mission serait à l'eau avec", dit-il.
Pour lui, l'EI peut envoyer des équipes en Europe "par avion, avec un joli billet, un joli passeport (faux mais joli), et tout bien propre en ordre. Ils ont toute la ressource nécessaire : ils peuvent toujours trouver dans nos cités trois crétins pour passer à l'action, ou nous envoyer des gars qui partiront de là-bas, avec tout le matériel, les bons contacts en France. Ca s'appelle monter une opération."
Face aux inquiétudes, le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve a estimé que, des jihadistes infiltrés parmi les réfugiés, "ça peut toujours arriver". Mais, a-t-il insisté, "nous travaillons avec nos services de renseignements et n'octroyons pas l'asile à ceux dont nous savons qu'ils ont des activités terroristes".
Et c'est là que réside le plus grand danger, estime Eric Dénécé, qui dirige le Centre français de recherches sur le renseignement. "Le vrai problème, c'est que cela accroît encore le nombre de personnes à surveiller, pour des services qui sont déjà submergés par le nombre de cibles. Pour eux, ça doit être l'horreur", dit-il. "Exagérer la menace serait complètement idiot, mais le nier absolument serait faux".
"Il ne faut pas exagérer la rumeur d'infiltration de terroristes parmi les réfugiés, car elle peut être utilisée par les anti-migrants, qui veulent que l'Europe se barricade en disant que seuls des islamos vont entrer, mais on ne peut être sûr qu'il n'y en a pas du tout", ajoute-t-il.