Selon Benjamin Blanchard, cofondateur de l’association française SOS Chrétiens d’Orient, « sur la question syrienne, les médias français ont été aux ordres ».
Depuis que la guerre a éclaté en Syrie, les médias français font-ils correctement leur boulot ? Sont-ils objectifs dans le traitement de l’information ? Ont-ils des partis-pris ?
Pour en parler, l’Ojim a rencontré un bon connaisseur du dossier : Benjamin Blanchard, cofondateur de l’association française SOS Chrétiens d’Orient, créée en 2013 et présente aujourd’hui en Syrie, en Irak, en Jordanie et au Liban. Selon lui, « sur la question syrienne, les médias français ont été aux ordres ».
Question: Vous êtes allé en Syrie pour la première fois en 2013, la guerre faisait rage depuis deux ans déjà. Avez-vous reconnu le pays dont parlaient alors les médias français ?
La Syrie était un pays en guerre, bien évidemment, mais j’ai été surpris par l’état du pays. Je m’attendais par exemple à voir Damas complètement détruite, ce qui n’était pas –et n’est toujours heureusement pas – le cas.
Il y a bien sûr des quartiers détruits mais d’autres sont en parfait état et la vie continue.
Les médias nous disaient alors que l’armée syrienne ne contrôlait plus rien, que la population était toute entière dressée contre le gouvernement… Ce n’est absolument pas ce que j’ai constaté : certains Syriens ont bien sûr des réserves, mais la plupart soutient malgré tout le gouvernement et l’armée.
Q: Le traitement médiatique a-t-il changé au fil de cette guerre syrienne ?
Oui, depuis l’été 2014, les médias ont commencé à changer leur discours et à laisser un peu de place à une voie dissidente jusque là totalement ignorée dans le débat.
Le changement a été premièrement dans le vocabulaire : on a commencé à entendre parler de « Syrie » et non plus seulement de «régime ».
Les médias ont également commencé à évoquer les exactions de la rébellion syrienne et non plus seulement celles de l’armée syrienne. Certains médias sont enfin sortis, partiellement, de cette posture mensongère et manipulatrice pour laisser une place à la réalité de terrain, et au récit d’une majorité de Syriens.
Q: Vous parlez de mensonges et de manipulation, qu’est ce qui se passe en Syrie et qui n’est pas dit (ou pas assez) par les médias français ?
Il y a en Syrie un véritable soutien populaire pour l’armée, en face des groupes terroristes armés. Une immense partie de la population syrienne vit dans des zones aujourd’hui contrôlées par l’armée et se sent ainsi rassurée. Il n’est pas nécessairement question de soutien politique, mais de pur réalisme : pour beaucoup, c’est l’armée ou la violence démesurée de ces groupes islamistes.
Par ailleurs, la vie est encore quasiment normale dans toute une partie de la Syrie, et les médias n’en parlent jamais.
En ce qui concerne les victimes civiles de la guerre, on peut également parler au minimum de mensonges, voire de manipulation. Dès que l’armée syrienne provoque des morts civiles, elles sont massivement relayées, à raison, par les médias. A l’inverse, le mutisme est total lorsque les bombardements visent des civils qui vivent en zone gouvernementale, comme c’est le cas presque quotidiennement à Alep et à Damas. Ce silence laisse à penser que seule l’armée syrienne tuerait des civils, ce qui est évidemment faux.
Q: Les médias ont énormément parlé de « démocratie » et de « droits de l’homme » à propos de la Syrie… Qu’en pensent les Syriens ?
Beaucoup de Syriens ont sûrement cru à cette révolution en 2011, mais la question ne se pose absolument plus en ces termes aujourd’hui. Désormais, les Syriens parlent d’un « choix » entre la civilisation et l’obscurantisme.
Ils veulent la paix et refusent catégoriquement la barbarie de ces groupes islamistes. Le débat n’est pas tellement plus compliqué que cela après quatre ans de guerre. Il n’est plus question ni de «démocratie », ni de « droits de l’homme ».
Pour beaucoup, ces deux termes signifient la destruction de leur maison, de leur mosquée, de leur église… Ils sont assez amers.
Ils sont nombreux à penser, en définitive, comme leur président sur ce sujet. Lors de l’entretien accordé à David Pujadas, ce dernier avait affirmé que si on la comparait à la France, la Syrie n’était évidemment pas une démocratie. Mais si on la comparait en revanche à l’Arabie saoudite – pourtant alliée des Occidentaux -, la Syrie l’était.
Pour eux, ce constat rend absolument incompréhensible l’acharnement occidental contre la Syrie. S’il faut choisir entre le gouvernement syrien et l’Arabie Saoudite, les Syriens font rapidement leur choix en effet.
Q:Les Syriens ont-ils des attentes que ne relaient pas les médias ?
Ils n’attendent qu’une chose : la paix.
Ils voudraient par conséquent que les gouvernements occidentaux cessent de s’opposer à la Syrie et qu’ils comprennent enfin que la Syrie lutte contre le terrorisme.
Q:Cette guerre est politique, diplomatique… Diriez-vous qu’elle est également médiatique ?
Elle l’est dans la mesure où les médias se sont alignés sur la politique étrangère menée par la France. Ils ont été aiguillés par la Quai d’Orsay dont ils ont relayé docilement les affirmations sans le moindre discernement ni le moindre questionnement.
Les communiqués et les chiffres de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) sont systématiquement repris par les médias français comme provenant d’une ONG comme une autre, alors qu’il s’agit d’une officine londonienne affiliée aux Frères musulmans et soutenant ouvertement l’insurrection.
Depuis le début de la guerre, les dépêches de l’agence de presse syrienne, SANA, sont, elles, complétement ignorées. Il faut être clair : les médias ont été aux ordres sur cette question syrienne puisqu’il n’y a eu aucune alternative au discours officiel, aucune nuance pendant plus de deux ans.
Source: Ojim.fr