Manifestation à Téhéran contre ce massacre : en plus des 131 tués recensés, 365 iraniens sont portés disparus. Un pèlerin égyptien rescapé raconte ce qu’il a vu.
Les Iraniens ont une douloureuse expérience avec les autorités saoudiennes, en matière de Hajj.
Lors de la saison du pèlerinage de 1987, un 31 juillet, les forces de l’ordre saoudiennes ont tué 275 iraniens (selon un bilan saoudien) pour réprimer un rassemblement de condamnation des Arrogants, rite indispensable pour mener à terme le pèlerinage.
Cette fois-ci, ce sont eux qui forment le plus gros lot des pèlerins étrangers ayant succombé durant la bousculade de Mina. Selon un bilan pas encore final : 131, sur les 717, selon le décompte de jeudi qui n’a pas été renouvelé par les autorités saoudiennes.
En plus de ces 131 tués, le chef de la délégation iranienne au pèlerinage parle de 365 pèlerins iraniens portés disparus, rapporte notre chaine al-Manar, et 85 blessés.
Le bilan provisoire officiel
L’AFP a publié les chiffres provisoires de la distribution des victimes selon leurs nationalités
- Iran: 131 morts
- Maroc: 87 morts (médias, aucune confirmation officielle)
- Inde: 14 morts
- Egypte: 8 morts (médias)
- Somalie: 8 morts (médias)
- Pakistan: 7 morts
- Sénégal: 5 morts
- Tanzanie: 4 morts
- Algérie: 3 morts
- Indonésie: 3 morts
- Kenya: 3 morts
- Pays-Bas: 1 mort
- Burundi: 1 mort (association musulmane)
Manifestation à Téhéran: les saoudiens doivent assumer leur resposanbilité
A Téhéran, des fidèles ont manifesté après la prière du vendredi à pour dénoncer "le régime malveillant et incompétent", selon un communiqué du Conseil de coordination de la propagande islamique, qui organise les manifestations officielles dans le pays.
"L'Arabie saoudite est incapable d'organiser le pèlerinage", a déclaré pour sa part l'ayatollah Mohammad Emami Kashani, l'imam qui a mené la prière du vendredi à Téhéran. "La gestion du hajj doit être remise aux pays islamiques", a-t-il ajouté.
Le guide suprême de la Révolution islamique, l'Imam Ali Khamenei, avait estimé qu'une "mauvaise gestion" des autorités saoudiennes était à l'origine de la bousculade mortelle et demandé à Ryad "d'accepter l'énorme responsabilité de cette catastrophe".
Depuis New York où il doit participer à l'Assemblée générale de l'ONU, le président iranien Hassan Rohani a demandé au "gouvernement saoudien d'accepter ses responsabilités" dans cette catastrophe. Un deuil de trois jours a commencé vendredi en Iran.
Selon un dernier bilan officiel saoudien, 717 personnes ont été tuées et 863 blessées dans la bousculade, la tragédie la plus meurtrière à endeuiller le hajj en 25 ans.
Les causes de l’incident : des témoignages insuffisants
Les témoignages recueillis par les témoins sur place n’expliquent pas les causes de cet incident meurtrier, mais se contentent d’en relater les faits.
"Les gens trébuchaient, tombaient, tentaient de se relever (...) et mouraient devant nos yeux", a rapporté Zaid Bayat, un homme d'affaires sud-africain, cité par l'agence de presse ANA, rapporté par l'AFP.
L'Egyptien Mohammed Hassan, 39 ans, a critiqué pour l’AFP la mauvaise gestion du mouvement des deux millions de pèlerins, rassemblés à Mina, à quelques kilomètres de La Mecque.
"L'Arabie saoudite dépense beaucoup d'argent sur le hajj mais l'organisation est défaillante", a déclaré Ahmed, un autre pèlerin égyptien, estimant que le flux des fidèles à Mina, une cité de tentes blanches, devrait être mieux géré.
Un pèlerin égyptien rescapé accuse
Or, un pèlerin égyptien rescapé de cette bousculade meurtrière assure avoir tout vu.
Sur son compte Facebook, rapporte le journal égyptien al-Masri al-Yaoum, Mahfouz al-Tawil -qui est le père d’une activiste égyptienne emprisonnée, Isra al-Tawil-, accuse les forces saoudiennes de l’ordre d’avoir beaucoup trop tardé pour porter assistance aux victimes.
Au moment de la grande bousculade, «je me suis dirigée vers la porte de la défense civile et j’ai supplié les soldats debout de l’ouvrir pour sauver les gens de la mort, ils ont répondu qu’ils étaient désolés, comme c’est leur habitude et iles ont dit qu’il est interdit d’entrer », a-t-il posté.
Au début de son témoignage, il décrit la cause de cette bousculade: « Alors que nous nous rendions vers le lieu de la lapidation de Satan, vers 9 heures du marin, j’ai constaté un embouteillage monstre dû au fait qu’ils ont permis aux pèlerins de circuler dans les deux sens ».
Après les pèlerins… les policiers
Il découle de cette description des faits une question incontournable : pourquoi une telle décision a-t-elle été prise?
Ayant promis une enquête, les autorités saoudiennes évitent d’en parler, préférant distribuer les responsabilités dans tous les sens.
Jeudi, l’AFP avait rapporté l’avis du ministre saoudien de la Santé qui a attribué le mouvement de foule meurtrier de jeudi au manque de discipline des pèlerins qui ont tendance, selon lui, à ignorer les instructions des responsables du hajj.
Ce vendredi, l’AFP rapporte l’avis de Irfan al-Alawi, le co-fondateur de l'Islamic Heritage Research Foundation, basée à La Mecque, lequel accuse des défaillances de gestion, et surtout l’incompétence de policiers saoudiens, chargés de la sécurité au hajj, qui manquent de compétences dans les langues et n'ont pas été suffisamment formés.
Comme si l’Arabie en était à son premier pèlerinage, où qu’elle accueillait les pèlerins non arabes pour la premier fois !
Et pourquoi pas l’émir ?
Or plusieurs medias ont donné une version qui peut expliquer les causes de permettre une grande enfreinte aux règles à suivre, en autorisant de circuler dans les deux sens.
L’arrivée du fils du roi et deuxième prince héritier, l’émir Mohammad Ben Salmane.
Au moment le plus fort du pèlerinage, celui de la troisième phase de la lapidation, lorsque les pèlerins déferlent de Mina vers les stèles de Satan, « un convoi officiel important formé de 200 militaires et de 150 policiers saoudiens s’est incrusté parmi la foule de pèlerins et est arrivé au centre de Mina », rapporte l’agence palestinienne Sama.
«Comme le convoi s’est immiscé à contre sens, pour arriver le plus vite possible, c’est à ce moment que le déferlement s’est développée le plus pour prendre de l’ampleur, jusqu’à provoquer cette bousculade meurtrière », poursuit le site palestinien.
Le journal libanais al-Diyar a lui aussi adopté cette version, à la foi de journalistes saoudiens. Le quotidien assure que le nombre des tués est de l’ordre de 912.
De nouveau...les Iraniens
Cette version a l'avantage d'expliquer non seulement pourquoi les policiers ont permis d'enfreindre les règles, car il faut imaginer que les pèlerins pressés ont suivi le convoi officiel, mais pourquoi les éléments de la défense civile ont tardé à intervenir pour porter les secours. Il faut croire qu’ils devaient attendre pour la sortie du convoi .
Il sera difficile aux autorités saoudiennes de reconnaitre une telle version, si elle s'avère vraie. D’innombrables médias arabes non plus n’oseront un tel affront, de crainte d’être sanctionnés par les Saoudiens qui jouissent d’une grande autorité sur un grand nombre d’entre eux.
Entre temps, les médias saoudiens sont en train de véhiculer une version selon laquelle ce sont les pèlerins iraniens qui sont la cause de la bousculade.
Ils avaient fait la même chose en 1987, lorsque pour justifier le massacre qu’ils avaient commis, avaient propagé que les pèlerins iraniens portaient sur eux des couteaux, des poignards, et des coupe-à ongles.
A vrai dire les Saoudiens sont maitres en l'art d'extrapoler leurs problèmes internes. Et c'est l'Iran qui est leur souffre-douleur.