Les contribuables états-uniens financent 20 pourcent de la totalité du budget militaire d’Israël.
Le gouvernement israélien et l’American Israel Public Affairs Committee ou AIPAC (Comité américain pour les Affaires publiques israéliennes) n’ont pas réussi à mobiliser le vote de l’opposition au Congrès contre l’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran par le Président Barak Obama.
Mais cet échec a suscité des commentaires généralisés sur les dégâts irréparables qui auraient été causés aux relations entre les Etats-Unis et Israël et sur le déclin du groupe de pression quasi tout-puissant qu’est l’AIPAC.
Bien que l’AIPAC ait financé une campagne à coups de millions de dollars, inondant les ondes hertziennes et engorgeant les réseaux sociaux, ses efforts pour influencer les membres du Congrès ont très peu payé.
Mais faut-il pour autant en conclure que l’AIPAC a perdu son pouvoir magique et que le Premier Ministre israélien n’est rien de plus qu’un vantard dont l’administration Obama peut sans crainte ne plus tenir compte ? Pas vraiment.
Ce fiasco pour Israël et son lobby était tout à fait prévisible et même prédestiné après que Netanyahou choisit de s’entendre avec John Boehmer, président de la Chambre des Représentants, pour faire en mars au Congrès son discours controversé contre les négociations avec l’Iran.
Le manque de respect manifesté par Netanyahou en court-circuitant le président a incité 60 élus démocrates au Congrès – un quart du caucus du parti – à publiquement boycotter son discours, ouvrant ainsi une brèche partisane inédite.
Après le coup de Netanyahou au Congrès, il allait de soi qu’aucun membre démocrate du Congrès, mis à part les plus farouches sionistes du parti comme les sénateurs Charles Schumer de l’état de New York et Ben Cardin du Maryland, ne voterait pour enterrer ce qui est sans doute la mesure phare de la politique étrangère de l’administration Obama.
L’AIPAC aurait pu injecter des centaines de millions de dollars dans sa campagne que ça n’aurait probablement rien changé au vote.
Contribution financière
Netanyahou n’est pas idiot, pas plus que l’AIPAC. Aussi pourquoi ont-ils dépensé un tel capital politique et tant d’argent pour une cause perdue?
C’est simple : plus Israël et son lobby hurlèrent haut et fort que l’accord sur le nucléaire avec l’Iran mettait en péril la sécurité d’Israël et constituait une menace existentielle pour le pays, plus importante sera la contribution financière des Etats-Unis pour satisfaire la demande israélienne d’aide militaire.
Israël va probablement bénéficier de l’accord sur le nucléaire iranien de deux manières.
Premièrement, grâce à l’autorisation du Congrès de transférer à Israël des armes sophistiquées telles que les bombes anti-bunker. Par exemple, Cory Booker, sénateur démocrate du New Jersey qui a rompu avec son ancien mentor, le rabbin Shmuley Boteach en soutenant l’accord, a déclaré que les « Etats-Unis devraient accorder à Israël l’accès au ’Massive Ordnance Penetrator’ ou MOP ( soit la bombe anti-bunker) pour contribuer à dissuader l’Iran de tricher. »
Et il semble qu’Obama soit disposé à augmenter la qualité des armes que les Etats-Unis fournissent à Israël. Dans une lettre à Jerrold Nadler, représentant démocrate de l’état de New York, Obama a juré que «Notre soutien à Israël est aussi un élément important pour dissuader l’Iran de jamais essayer de se doter de l’arme nucléaire. »
Ainsi Israël est susceptible d’obtenir des Etats-Unis les armes dont il aurait besoin pour menacer l’Iran, voire pour perpétrer l’attaque contre l’Iran que les Etats-Unis viennent potentiellement d’éviter en signant l’accord sur le nucléaire.
Deuxièmement, Israël va probablement empocher une énorme manne financière des Etats-Unis en négociant un nouvel accord d’aide militaire supplémentaire sur 10 ans. Pendant l’administration George W. Bush, les Etats-Unis ont signé un accord pour apporter à Israël 30 milliards de dollars d’aide militaire entre 2009 et 2018.
Depuis sa visite à Jérusalem en mars 2013, Obama n’a cessé de répéter clairement qu’il voulait prolonger – et même augmenter l’aide militaire à Israël.
Bien qu’il soit fortuit qu’un accord nucléaire soit signé avec l’Iran tandis que l’accord avec Israël arrive bientôt à expiration, Netanyahou avance astucieusement ses pions pour maximiser l’influence d’Israël sur les Etats-Unis et leur extorquer le plus de concessions possible.
D’après le quotidien israélien Haaretz, Obama a personnellement contacté Netanyahou, à deux reprises depuis avril, le suppliant presque d’entamer des entretiens sur la manière dont les Etats-Unis peuvent renforcer l’arsenal militaire israélien. Mais le Premier Ministre israélien a fermement refusé.
Indemne
Maintenant que l’accord avec l’Iran est chose faite, ces pourparlers débutent pour de bon – et si l’on en croit ce qu’en disent les médias- Israël va tenter d’obtenir des Etats-Unis jusqu’à 45 milliards de dollars d’aide militaire d’ici 2018. En d’autres termes, il se pourrait qu’Obama finisse par signer un accord qui accroisse de 50 pourcent l’engagement de l’administration Bush envers Israël.
Si l’on peut douter qu’Israël utilise ces armes pour attaquer l’Iran unilatéralement, il ne fait aucun doute qu’elles seront utilisées pour renforcer et consolider l’occupation militaire de la Palestine par Israël, rendant les Etats-Unis encore plus complices des atrocités commises par Israël.
Ce nouvel accord d’aide militaire, sera hélas, l’héritage durable d’Obama sur la question israélo-palestinienne tandis que son mandat présidentiel touche à sa fin.
La déroute subie par Netanyahou et l’AIPAC sur l’Iran montre manifestement qu’Israël et ses alliés ne définissent pas les conditions et les contours des objectifs plus larges de la politique étrangère américaine. Toutefois, leur capacité à préserver le statu quo de la politique états-unienne à l’égard d’Israël et des Palestiniens est sortie de cette bataille quasiment indemne.
Netanyahou vient à Washington en novembre pour faire la paix avec Obama sur la question de l’Iran – et pour recevoir son chèque. A moins d’une protestation gigantesque de la société civile d’ici là, le contribuable états-unien est bon pour soutenir financièrement l’oppression des Palestiniens par Israël pendant une nouvelle décennie.
Le vice-président Joe Biden a dernièrement reconnu que les contribuables états-uniens finançaient déjà 20 pourcent de la totalité du budget militaire d’Israël.
Trop c’est trop. Heureusement un nombre croissant d’Américains sont d’accord là-dessus.
Afin de rendre ce message audible, des dizaines de milliers de citoyens ont déjà rejoint la campagne demandant à Obama de ne plus fournir d’armes à Israël.
Par Josh Ruebner : il est directeur politique de US Campaign to End the Israeli Occupation (Campagne états-unienne pour mettre fin à l’occupation israélienne) et l’auteur de Shattered Hopes : Obama’s Failure to Broker Israeli-Palestinian Peace (Espoirs brisés : l’échec d’Obama à négocier la paix israélo-palestinienne).
Sources: Electronic Intifada; Traduit par Info-Palestine