Aussi bien de la part des forces de l’ordre que du Tribunal militaire.
Les dernières manifestations qui ont eu lieu au Liban ces derniers jours ont connu un regain de violence, attisée par les exactions des forces de sécurité et les dérives de l’autorité judiciaire libanaise.
Double répression
Toutes deux semblent avoir reçu l’ordre, - a fortiori du ministère de l’intérieur, dirigé par un dirigeant du courant du Futur- de réprimer les manifestants, qui s’obstinent à se rassembler toutes les nuits, sur la place des martyrs, non loin du Parlement et du siège du gouvernement. Ces deux dernières institutions étant paralysées en raison de la crise politique que traverse le Liban, en parallèle à la vacance présidentielle qui en est 502ème jour.
En plus des gaz lacrymogène et des canons à eau qui s’abattent sur les protestataires, ce sont des dizaines d’entre eux qui sont arrêtés chaque nuit, sans poursuite judiciaire. 39 pour la seule manifestation de la nuit de vendredi à samedi, dont les trois qui ont été libérés au cours de la nuit.
Fais plutôt étrange, constate le journal al-Akhbar, ils ont été disséminés dans plusieurs commissariats de la capitale mais surtout dans ceux de ses banlieues. Mais le plus préoccupant n’en demeure pas moins que c’est le tribunal militaire -et non civil comme il le faut - qui a été chargé de leur affaire. Le motif invoqué est que les manifestants s’en prennent durant leurs rassemblements aux éléments des forces de l’ordre.
Provocations et agressions
Les provocations que ces derniers se permettent, et dont les manifestants décrivent les faits pour les différentes télévisions libanaises ne semblent pas être prises en compte. Ces derniers jours, bon nombre de manifestants ont été grièvement blessés aux yeux après avoir reçu en plein dans le visage les bombes lacrymogènes. D’autres manifestants ont révélé comment des éléments de force de l’ordre les insultaient et les incitaient.
Un comité d’avocats chargé de prendre la défense des manifestants, s’est rendu auprès du procureur général du Tribunal militaire le juge Sakr Sakr. Il s’est vu refusé l’obtention du nom des personnes capturées, leur nombre, et le lieu de leur séquestration. Le juge a même refusé de leur préciser le temps que prendra leur interrogatoire, arguant les circonstances sécuritaires du pays.
Derrière cette double répression, des militants voient « une ingérence politique voire une violation de l’indépendance de l’Autorité juridique » dans le but de faire avorter ce mouvement de protestation.
Déclenché depuis le début du mois de septembre pour protester contre la crise des ordures, dans le cadre d’un collectif baptisé « Vous puez », il se veut également lutter contre la paralysie du système politique libanais et la corruption endémique qui l’entache.
Double tactique
L’avocat Nizar Saghiyyeh a révélé pour le journal libanais al-Akhbar « deux tactiques » utilisées par les autorités politistes libanaises pour réprimer le mouvement de protestation qui a éclaté sur fond de la crise des ordures. «La première tactique consiste à séquestrer les manifestants en dehors des commissariats de Beyrouth, sous prétexte qu’il n’y a pas de place vide ».
A leur tour, en deuxième tactique, tous ces commissariats - à l’exception de celui de Jadidé- démentent de concert renfermer les manifestants arrêtés. « Le fait que ce mensonge soit collégial est la preuve qu’il y a immixtion politique par derrière», en a conclu Maitre Saghiyyeh.
Des menaces de viols
Dans les commissariats, les traitements sont les plus abjects.
Les quatre jeunes filles libérées vendredi matin après avoir été détenues dans le commissariat de Bourj, racontent leur calvaire. L’une d’entre elles, Fatmé Hteit assure avoir été tabassé sauvagement par les éléments de force de sécurité.
« On nous a interdit de parler avec un avocat, nos parents ou nos proches. Dans le commissariat de Bourj on nous a traitées pire que des animaux, on nous a mis dans une cellule de deux mètres de long et d’un mètre de large, pleine de cafards, dans laquelle il y avait 11 personnes », a-t-elle signalé pour al-Akhbar.
Et de poursuivre que l’une des détenus harcelaient sexuellement les autres filles dans la cellule, dont certaines de nationalité éthiopienne qui ont déploré des viols. « L’un des éléments nous a menacés de pousser cette cinglée a nous violer si nous ne nous taisons pas », a poursuivi Fatmé.
Une autre manifestante détenue a raconté comment elle a été insultée par l’un des éléments de ce commissariat qui l’a traité de « fille de rue ».
Dans la nuit de vendredi a samedi, les heurts étaient tels que le centre-ville présentait le matin de ce samedi une scène de désolation inouïe.
En plus des barrières qui séparaient les deux camps, des pierres, des bouteilles de verre vides et d'autres en plastique, remplies de boue jonchaient les rues et les trottoirs. Le carrelage des colonnes de la façade d’un hôtel a été à moitié arraché.
Un militant du mouvement civil, Assaad Zibiane a assuré que la plupart des destructions a été causée par les canons à eau activés par les forces de l’ordre contre les manifestants.
Sources: Al-Khbar, l'Orient-Le-Jour, Télévisions libanaises