Téhéran ne cesse de rejeter des demandes faites par les Français et les Européens de s’ingérer dans les affaires internes libanaises, dont la vacance présidentielle.
La France s’inquiète de la perte de vitesse de son hégémonie au Moyen Orient surtout en Syrie et au Liban, et voudrait reprendre les choses en main au Liban en particulier.
Selon le quotidien libanaise al-Joumhouriyya, (proche du camp du 14-mars), citant des sources diplomatiques haut-placées, cette inquiétude française a été exprimée devant Washington.
L’administration française compte escorter la présence militaire russe en Syrie, et américaine en Irak, pour consolider sa présence militaire au Liban où elle se limite pour le moment à sa force déployée au sud dans le cadre de la force onusienne de la Finul.
Quoique les circonstances d’un tel déploiement ne sont pas encore réunies, la France semble obstinée plus que jamais à jouer un rôle à part entière au Liban.
D’autant plus que Moscou supervise un programme qui préconise de mettre le dossier libanais sur la table des négociations à Genève, au moment même où le dossier syrien aura réalisé la progression convoitée.
Selon le journal, c’est dans ce contexte que Paris poursuit sa politique de contact continu avec le Hezbollah, tout en étant parfaitement consciente de la taille locale et régionale qu’il s’est acquis par sa participation dans la guerre en Syrie.
L’un des dossiers sur lequel Paris travaille dans ce pays est celui de la présidence libanaise, vacante depuis voilà presque deux ans.
Un responsable haut-placé sous le couvert de l’anonymat a remarqué pour le journal libanais assafir , que seule la France se démène au Liban, à la recherche peut-être d’un rôle perdu, soit en dépêchant ses émissaires au Liban pour explorer les possibilités de compromis à la française, soit en accueillant des invités libanais, dont des candidats à la présidence.
Pressions sur l'Iran
Paris dépêche aussi ses émissaires en Iran pour pousser les Iraniens à interférer dans le sujet de la vacance présidentielle.
Il semble même que la visite que le président français François Hollande comptait faire pour le Liban a été reporté, afin qu’elle succède à celle que le président iranien cheikh Hassan Rohani compte faire pour la capitale française et sur laquelle le numéro un français compte énormément pour discuter du dossier présidentiel libanais.
«Rohani va soulever avec moi le sujet du président de la République libanaise», a dit Hollande à un important responsable libanais, rapporte ce dernier pour assafir, laissant entendre que l’initiative est venue du président iranien.
Or il s’est avéré que ces révélations n’ont rien à voir avec la réalité, et que les Iraniens ne sont pas du tout au courant. La vérité est que ce sont les Français qui ont suggéré aux Iraniens de traiter de cette question. Ce à quoi ces derniers se sont contentés de répliquer : « c’est une affaire libanaise. Nous ne voulons pas nous immiscer. Vous voulez traiter ce sujet, faites avec les Libanais qui sont mieux au courant de leurs affaires ».
Les Iraniens ont révélé que les émissaires européens et français qui sont venus à Téhéran leur demandent de solliciter le Hezbollah de faire pression sur le chef du Courant patriotique libre le général Michel Aoun afin qu’il retire sa candidature à la présidentielle pour mener à bien cette échéance. Ce qu’ils ont refusé de faire.
Cette position iranienne a été révélée par un responsable international qui avait visité Téhéran. Il a dit à des hommes politiques libanais qu’il a lui-même tenté de discuter du dossier présidentiel libanais avec l’un des responsables iranien, mais celui-ci a refusé de le faire.
« Ils ne s’ingèrent pas dans le dossier libanais ; ce qui leur importe est ce que décide le Hezbollah dans ce domaine et ils s’engagent à le respecter», a-t-il assuré, sous le couvert de l’anonymat.
Le temps perdu
Selon un ministre libanais interrogé par assafir, les Français jouent au temps perdu, alors que leur problème réside dans le fait qu’ils tentent de fuir de la réalité qu’ils n’ont plus aucun rôle au pays des Cèdres.
Et le ministre de poursuivre : « nous avons informé les Français à plusieurs reprises que nous observons leurs tentatives de restituer leur rôle perdu. Nous leur avons dit que les Français qui ont vendu la Syrie (après les relations privilégiées qui unissaient Damas et Paris avant la crise syrienne) et qui ont laissé tomber les Chrétiens d’Orient et du Liban pour une poignée de dollars saoudiens et qataris, n’inspirent plus confiance chez une bonne partie de la population libanais. Raison pour laquelle, les idées et les démarches qu’ils ont suggérées dont la dernière en date, celle d’un président consensuel sont des initiatives vouées à l’échec ».
Nouveau concept de la démocratie
Toujours selon ce ministre libanais, la France (et les autres européens par extension) tentent de consacrer un nouveau concept de la démocratie dans la région, particulièrement au Liban et en Syrie.
Elle se résume d'après lui par le fait de réclamer le départ de Bachar al-Assad en Syrie, et d’empêcher le général Michel Aoun de se présenter à la présidentielle au Liban.
Le ministre libanais révèle avoir dit aux émissaires français et allemands : « vos Etats se vantent de leur démocratie, leurs droits de l’homme, et tous les autres slogans redondants, mais vous les enfreignez vous-mêmes, en exigeant le départ de Bachar al-Assad, sans aucune considération pour le peuple syrien, le seul en droit de décider qui il veut au pouvoir. Vous ne faites que servir vos propres intérêts, élaborés à la lumière des transactions contractées avec les Saoudiens »
Cette même logique est véhiculée par les Iraniens quand ils rencontrent des Français, des Allemands et d’autres Européens, chaque fois qu’ils réclament le départ du président syrien.
« Vous dites qu’Assad est en train de tuer son peuple en Syrie. Qu’en est-il pour le Yémen, pourquoi fermez-vous les yeux face à ce qui s’y passe ? L’Arabie saoudite n’est-elle pas en train de tuer le peuple yéménite ? Pourquoi ce silence de mort face a ce qu’elle fait ? Le président Assad est en train de combattre des groupuscules terroristes qui veulent détruire la Syrie. Nous voudrions savoir ce que vous auriez fait à sa place, dans vos Etats européens, démocratiques et civilisés si des groupuscules décident de porter des armes et de sévir dans vos pays en tuant et en détruisant ? Les auriez-vous laissé faire sans broncher ? Les auriez-vous suppliés de cesser et d’arrêter, ou alors auriez-vous décidé de les combattre de toutes vos forces pour défendre vos Etat et votre sécurité ? », rapporte assafir.
La démocratie perdue
Le ministre libanais poursuit sur le dossier libanais : « il en est de même pour le Liban. Un responsable libanais a dit aux membres de la Commission des Affaires étrangères au sein de l’Assemblée nationale française qu’en exigeant la sortie du général Aoun de la bataille présidentielle, la France élimine la démocratie. Avant de demander au plus fort de se retirer, allez voir l’Etat saoudien qui met un veto sur l’arrivée de Aoun à la présidence ».
"Défendez votre démocratie, au moins verbalement, pour qu’un brin de crédibilité vous sauve la face" , ayra été le message final que ce responsable libanais a adressé à ses homologues français.
Une petite leçon de démocratie !