Pour les Républicains, cette décision, « c’est trop peu, trop tard »
La décision de l'administration américaine d'envoyer 50 commandos en Syrie avec pour motif de combattre la milice wahhabite takfiriste Daesh (Etat islamique) divise les Américains.
Aussi inconséquente qu'illégale
Selon l’ancien analyste du Sénat américain en matière d’affaires étrangères James Jatras , cette décision dest non seulement inconséquente, mais aussi illégale.
"Sans aucun doute, la décision d'envoyer environ 50 commandos en Syrie prend le contrepied des engagements du président Barack Obama de ne pas y dépêcher de forces terrestres. Etant donné qu'elle n'a pas été avalisée par le Congrès, cette démarche enfreint donc la loi américaine. Mais il semble que personne ne s'en préoccupe à Washington", a expliqué M. Jatras, rapporte l'agence russe Sputnik.
"En outre, la présence des contingents américains sur le sol syrien est illégale en tant que telle. Dans le cas de l'Irak, les autorités officielles ont au moins appelé les Etats-Unis à introduire leurs troupes dans le pays afin de soutenir Bagdad", a souligné l'expert.
"Mais dans le cas de la Syrie, la situation est forcément différente. Ainsi, cette décision est inconséquente et illégale sous tous les aspects. C'est une démarche complètement insensée", a-t-il relevé.
Rien de changé
Vendredi, la Maison Blanche a assuré que la stratégie américaine en Syrie n'avait "pas changé" en dépit de l'envoi, pour la première fois, d'un contingent de forces spéciales sur le terrain.
Selon l'administration, ce petit contingent d'une cinquantaine d'hommes des forces spéciales participera, sur le terrain, dans le nord de la Syrie, à l'effort de guerre contre le groupe Etat islamique.
Ils n'auront pas de "mission de combat". Leur mission ne consistera qu'à "former, conseiller et aider".
Il y a deux semaines, dans l'émission "60 Minutes" de CBS, Barack Obama avait encore affirmé qu'"il n'y avait pas de solution miracle dans une situation aussi volatile et avec autant d'acteurs qu'en Syrie".
"Ce que nous ne ferons pas, c'est d'essayer de nous réinsérer dans une campagne militaire en Syrie", avait martelé le lauréat 2009 du prix Nobel de la paix, qui refuse de réengager l'Amérique en première ligne dans un conflit au Moyen-Orient, après le retrait d'Irak et la réduction d'effectifs en Afghanistan.
En août 2014, lors d'une conférence de presse restée dans les annales, M. Obama avait admis qu'il n'avait "pas de stratégie" pour la Syrie. Il répétait alors inlassablement qu'il n'enverrait pas de "troupes américaines au sol" dans ce pays.
Aujourd'hui, alors que l'EI contrôle une partie de la Syrie, résiste depuis un an aux frappes de la coalition dirigée par Washington et subit depuis un mois celles de l'aviation russe, le secrétaire d'Etat John Kerry a assuré samedi que son pays n'avait "pas décidé d'entrer dans la guerre civile syrienne".
"Ce n'est pas une décision ou un choix centrés sur Assad. C'est centré sur Daesh", a-t-il dit en visite au Kirghizstan, sans exclure une augmentation à l'avenir du nombre de soldats américains en Syrie.
Trop peu, trop tard, du sparadrap
Néanmoins, les analystes constatent qu'il s'agit d'un revirement majeur pour le président Barack Obama, qui s'est longtemps opposé à l'envoi de troupes au sol en Syrie pour éviter de se laisser entraîner dans un nouveau conflit au Proche-Orient.
En tout cas, pour l'opposition républicaine aux position plus belliqueuses, c'est "trop peu et trop tard".
"Je crois que nous avons un président qui ne sait tout simplement pas ce qu'il fait", a taclé samedi sur CNN Donald Trump, en tête des sondages dans le camp républicain pour la présidentielle 2016.
Un autre opposant acerbe à M. Obama, le sénateur John McCain, candidat à la présidentielle en 2008, a dénoncé une décision "malheureusement limitée (...) et insuffisante" prise par un "président (qui) n'a toujours pas de stratégie réaliste" et "cohérente" pour la Syrie.
M. McCain, qui milite pour que son pays intervienne militairement à l'étranger, a accusé le locataire de la Maison Blanche de contribuer à "accélérer l'érosion de la crédibilité de l'Amérique".
D'ailleurs, pour le sénateur républicain Lindsey Graham, ce ne sont pas 50 hommes des forces spéciales qui vont "intimider l'EI, qui y verra même un nouveau signe de faiblesse du président Obama".
L'ancien "Monsieur Syrie" au département d'Etat, le diplomate Frederic Hof, pense aussi que "déployer une poignée de forces d'opérations spéciales en Syrie ne changera pas la situation de manière significative".
"C'est un sparadrap, en quelque sorte, même s'il peut être utile", juge cet expert du centre Atlantic Council, exhortant son ex-administration à revoir sa stratégie en Syrie.
Sources: Sputnik, AFP