Moscou a dépêché samedi 44 avions vides pour récupérer les touristes russes dans les stations balnéaires
L'Egypte résistait samedi à la thèse d'un attentat à la bombe dans le crash de l'avion russe, qui a entraîné des évacuations de vacanciers et des suspensions de vols vers ce pays où le tourisme est vital.
A Charm el-Cheikh, destination phare du Sinaï d'où s'était envolé le 31 octobre l'Airbus A321 de la compagnie russe Metrojet avec 224 passagers à bord avant de s'écraser, des milliers de touristes russes et britanniques attendaient d'être rapatriés.
Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont ouvertement évoqué la piste d'une bombe à bord de l'avion qui devait rallier Saint-Petersbourg. Et la Russie, d'abord restée prudente face à la thèse d'un attentat, a ordonné la suspension de ses vols civils vers l'Egypte.
Vendredi, une source proche du dossier a elle aussi indiqué à l'AFP que l'analyse des deux boîtes noires, croisée avec des relevés sur les lieux du crash, permettait de "privilégier fortement" l'hypothèse d'un attentat à la bombe.
Mais l'Egypte s'en tient à sa position en réaffirmant attendre les résultats de l'enquête sur le crash pour lequel le groupe jihadiste Etat islamique (EI) s'est dit responsable.
Lors d'une conférence de presse au Caire, le chef égyptien de l'équipe des enquêteurs a affirmé qu'"aucune conclusion" n'avait encore émergé quant à l'origine de la "dislocation" de l'appareil.
"Les données des deux enregistreurs de vols ont pu être téléchargées avec succès, le temps écoulé entre le décollage et les dernières données enregistrées est de 23 minutes et 14 secondes", a dit Ayman el-Mokaddem, ajoutant qu'une "analyse spectrale est à venir pour déterminer l'origine d'un bruit entendu à la dernière seconde de l'enregistrement".
'Tous les scénarios possibles'
Pressé par les journalistes, il a indiqué que "tous les scénarios sont possibles", mais réaffirmé que l'enquête était toujours au stade de la collecte des informations.
Avant lui, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri avait aussi souligné que l'enquête n'avait pas encore permis de dégager une explication sur les causes du crash.
"Nous n'avons écarté aucune possibilité mais il n'y a pas encore d'hypothèse avant que l'enquête soit finie", a-t-il dit.
Néanmoins selon la source proche du dossier, le décryptage de l'enregistreur des données de vol et de l'enregistreur des voix dans le cockpit indique que "tout était normal" jusqu'à la 24e minute de vol quand les boîtes noires ont brutalement cessé de fonctionner, comportement symptomatique d'une "très soudaine dépressurisation explosive".
"L'hypothèse d'une explosion avec pour origine une défaillance technique, un incendie ou autre, apparaît hautement improbable", a-t-elle ajouté sous le couvert de l'anonymat.
Selon une autre source proche du dossier, l'analyse d'une boîte noire confirme le caractère "brutal" et "soudain" de l'événement ayant précipité la chute de l'appareil, et des photos montrent des débris criblés d'impacts allant de l'intérieur vers l'extérieur "accréditent plutôt la thèse d'un engin pyrotechnique".
Départs
En attendant les résultats définitifs des causes du crash, la Grande-Bretagne et la Russie ont commencé à rapatrier leurs ressortissants de la région du Sinaï.
Moscou a dépêché samedi 44 avions vides pour récupérer les touristes russes dans les stations balnéaires de Hurghada et Charm el-Cheikh, selon l'Agence fédérale chargée du transport aérien. Actuellement environ 78.000 touristes russes se trouvent en Egypte.
Londres, qui a suspendu ses vols vers et au départ Charm el-Cheikh, a commencé vendredi le rapatriement des quelque 20.000 citoyens britanniques présents dans ce lieu touristique du sud du Sinaï.
L'un d'eux, Ben Khosravi, 27 ans, qui a atterri à Londres-Luton, se montrait très critique sur le dispositif de sécurité à l'aéroport de Charm el-Cheikh.
"On a des amis qui avaient des briquets dans les poches, les agents vous palpaient mais ne vous demandaient pas de retirer les objets (des poches) C'était inquiétant de voir avec quelle facilité on pouvait passer le contrôle. Vous pouviez payer des gens pour passer plus vite", a-t-il dit.
Les Etats-Unis ont pour leur part annoncé que "certains" aéroports du Moyen-Orient avaient été priés de renforcer leurs mesures de sécurité pour les vols en direction des Etats-Unis.
Ce drame risque de porter un nouveau coup dur au tourisme en Egypte, un pays déjà affecté par des années d'instabilité depuis la chute du régime de Hosni Moubarak emporté par une révolte populaire en 2011.
Et pour ajouter aux craintes, les médias britanniques ont révélé samedi qu'en août dernier, un missile était passé à moins de 300 mètres d'un avion de Thomson Airways transportant 189 touristes de Londres à Charm el-Cheikh peu avant son atterrissage en Egypte.