23-11-2024 09:11 AM Jerusalem Timing

Appels français pour renouer avec les services syriens

Appels français pour renouer avec les services syriens

C’est du moins l’avis d’anciens responsables français

Après les attentats du 13 novembre à Paris, il faudrait tenter de relancer la coopération entre services secrets français et syriens, qui n'aurait pas dû être interrompue, estiment d'anciens hauts responsables des services français de renseignement.
   
Dans un entretien à l'hebdomadaire Valeurs Actuelles, l'ancien directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, affirme qu'il y a deux ans, après qu'il eût quitté ses fonctions, "les services syriens" lui avaient "proposé une liste de Français combattant en Syrie".
   
"On m'a opposé un refus pour des raisons idéologiques", dit-il. "C'est dommage car la proposition était une bonne amorce pour renouer nos relations et surtout pour connaître, identifier et surveiller tous ces Français qui transitent entre notre pays et la Syrie. Résultat : on ne sait rien d'eux et on perd beaucoup de temps à demander des informations aux agences allemandes, qui sont toujours restées sur place, mais aussi jordaniennes, russes, américaines et turques".
   
Interrogés par l'AFP, deux anciens responsables de services de renseignement français vont dans le même sens: certes, le régime de Damas et ses services, responsables de centaines de milliers de morts, ne sont pas officiellement fréquentables, mais le massacre du 13 novembre devrait amener Paris à faire preuve de pragmatisme et à renouer des liens pouvant peut-être permettre d'empêcher de nouvelles attaques.
   
"Les services spéciaux sont faits pour dîner avec le diable. Sinon, on n'a pas besoin de nous", estime Alain Chouet, ancien chef du service de "renseignement de sécurité" à la DGSE (service d'espionnage français).
"On n'est pas là pour parler aux bonnes sœurs. Si on est des services secrets, c'est pour que ça reste secret et que ça n'engage pas l’Etat dans une reconnaissance d'un groupe terroriste ou d'un gouvernement avec lequel on ne veut pas officiellement discuter".
"Si c'est un gouvernement avec lequel on veut parler, il y a les diplomates pour ça", ajoute-t-il. "Les services spéciaux sont faits pour discuter avec ceux avec lesquels on ne veut pas afficher de connivence".
   
'Corde raide'
   
Malgré les dénégations officielles il n'est pas impossible que, sous une certaine forme, des liens aient été conservés avec Damas, confie l'ancien chef d'un service français de renseignement, qui demande à rester anonyme.
   
"Le renseignement, c'est un métier pratique, pragmatique", dit-il. "Si on sait qu'un service étranger peut nous amener quelque chose, on peut être amené à s'affranchir de cette position officielle, sans le dire à personne (...) Vu le contexte actuel, une liste des Français combattant en Syrie, on ne devrait pas cracher dessus".
   
"Souvent, l'autorité politique ne veut pas vraiment savoir. Il n'y a jamais de consigne écrite. Tout se fait au téléphone. Je n'ai jamais rendu compte à mes autorités de tutelle des services avec lesquels j'entretenais des relations, et on ne m'a jamais rien demandé. C'est un exercice permanent de corde raide", ajoute-t-il.
 
 Il cite l'exemple d'un "pays du Maghreb", sans davantage de précision, avec lequel consigne avait été passée de couper les ponts. "Certains services ont dit +non, on continue avec eux parce qu'il y a trop de choses en jeu+".
   
"Dans ce cas, tout dépend des relations entre le chef de service et son autorité de tutelle. Parfois, il a l'oreille des plus hautes autorités de l'Etat", ajoute-t-il, rappelant en souriant que le directeur actuel de la DGSE, Bernard Bajolet, avait rencontré à l'ambassade de France à Alger, en 1978, un stagiaire de l'Ecole nationale d'administration (ENA) nommé François Hollande.
   
"Si cette histoire de liste de Français en Syrie est vraie, à mon sens ce n'est pas une bonne idée d'avoir refusé (...) La République n'a rien à gagner à rompre complètement les ponts", note Alain Chouet. "Qu'on ne veuille pas afficher une connivence publique avec Damas, c'est compréhensible, mais si on a des services spéciaux c'est pour contourner ce genre de choses, quand on en a besoin et que notre sécurité est menacée. Là c'est le cas. Je ne sais pas s'ils nous auraient été d'une grande aide dans l'histoire du 13 novembre, mais en tout cas en ne faisant rien, on était sûr de ne rien avoir..."