"C’est à la Turquie et à la France de décider si elles doivent faire appel l’Otan ou non".
L'Otan reste à l'écart des événements qui ont récemment affecté la sécurité de ses membres, à savoir les attentats terroristes de Paris et l'attaque de la Turquie contre un avion militaire russe. Concernant ce dernier incident, l'Alliance atlantique s'interroge sur les véritables raisons ayant poussé Ankara à commettre cet acte d'agression.
Pour la deuxième fois en l'espace d'un mois, une crise de sécurité majeure affecte des membres de l'Otan sans que l'Alliance intervienne, écrit jeudi le Wall Street Journal.
"Ni la France secouée par des attaques terroristes de l'Etat islamique qui ont fait 130 morts le 13 novembre à Paris, ni la Turquie qui a abattu cette semaine un avion russe au moment où il s'apprêtait à bombarder des combattants turkmènes en Syrie n'a invoqué le traité de l'Otan ou ses dispositions concernant la défense collective. On en vient logiquement à se demander si l'Alliance a réellement un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme et l'instabilité au Proche-Orient", affirme le journal.
"C'est à la Turquie et à la France de décider si elles doivent faire appel l'Otan ou non. Si les Etats membres préfèrent tenir l'Alliance hors du jeu, il en sera ainsi", a déclaré Bruno Lete, analyste du German Marshall Fund institué par les Etats-Unis.
"Ces épisodes en disent long sur la place de l'Otan dans le monde actuel. L'Alliance ne joue plus de rôle important en matière de défense collective contre le terrorisme. Son rôle est également très limité en ce qui concerne les frappes aériennes sur l'Etat islamique ou le règlement de la crise", a indiqué un responsable français qui a requis l'anonymat.
Selon le Wall Street Journal, Washington cherche à éviter une participation directe de l'Otan à la lutte contre Daech, notamment en raison des divergences politiques au sein de l'Alliance sur la question de savoir qui cette dernière doit soutenir en Syrie.
Depuis l'attaque de la Turquie contre un avion militaire russe, les dirigeants de l'Otan ne cessent de se demander quelles sont les raisons qui ont poussé Ankara vers une confrontation si grave avec Moscou, rapporte pour sa part le New York Times.
Soner Cagaptay, analyste turc au Washington Institute for Near East Policy (WINEP), estime que la Turquie "bouillonne discrètement" depuis le début des opérations militaires russes en Syrie. Opérations qui ont perturbé les plans d'Ankara visant à renverser le président Bachar el-Assad. Les bombardements menés par la Russie ont frappé les rebelles soutenus par la Turquie, réduisant sensiblement l'influence d'Ankara en Syrie. Ce qui préoccupe en l'occurrence Erdogan, ce n'est pas seulement la tactique politique, mais aussi les considérations ethniques.
Selon Soner Cagaptay, la décision d'abattre l'avion russe peut s'expliquer par le désir du président turc d'affaiblir la pression sociale qu'il subit suite aux attaques contre les Turkmènes syriens. Le quotidien souligne que le parti d'Erdogan attache une grande importance à l'identité des sunnites. Aussi, apprécie-t-il tellement le soutien apporté par les Turkmènes. Néanmoins, de nombreux experts sont persuadés que le président turc a fait un faux pas.
Lors de la réunion extraordinaire du Conseil de l'Otan tenue mardi à l'occasion de l'attaque contre l'avion militaire russe, le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg, a déclaré que l'Otan donnait raison à Ankara.