En quatre ans et demi, la guerre en Syrie a fait près de 12 millions de déplacés et réfugiés.
Les Européens ont scellé dimanche un plan d’action avec la Turquie pour freiner le flux de migrants vers l’UE, en se gardant d’être trop précis sur les contreparties aux Turcs, venus décrocher une relance de leur processus d’adhésion.
L’ambiguïté des promesses du sommet réuni à Bruxelles n’a pas empêché la Turquie de saluer un « jour historique » sur le chemin de son adhésion à l’UE, alors que le pays est montré du doigt pour ses violations des droits de la personne.
Cette rencontre inédite entre les 28 membres de l’UE et la Turquie a en tout cas entériné l’aide de trois milliards d’euros que les Européens verseront pour aider Ankara à mieux accueillir les réfugiés syriens. Et pour éviter qu’ils cherchent à rejoindre l’Europe, dont l’unité vacille sous la pression migratoire.
En quatre ans et demi, la guerre en Syrie a fait près de 12 millions de déplacés et réfugiés. La Turquie — qui en accueille déjà plus de 2,2 millions — a donc obtenu la garantie qu’elle ne porterait plus seule ce fardeau financier.
« Nous allons contrôler très précisément l’utilisation des 3 milliards d’euros », a promis le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dont l’exécutif a négocié le plan d’action commun « activé » dimanche entre les deux parties.
Ankara s’y engage notamment à rendre ses frontières avec l’UE, principale porte d’entrée des migrants en Europe, plus imperméables aux migrants économiques irréguliers et à coopérer dans la lutte contre les passeurs qui opèrent depuis les côtes turques.
Les Turcs ont obtenu de leur côté la promesse d’une accélération des négociations en cours pour faciliter l’attribution de visas pour l’Europe.
Sur le plan politique, les deux parties ont surtout convenu de « redynamiser » les négociations d’adhésion de la Turquie, ouvertes en 2005, mais quasiment au point mort depuis.
Des négociations sur le chapitre 17 (politiques économiques et monétaires), sur 35 chapitres au total pour ouvrir la voie à une adhésion, seront ouvertes le 14 décembre, selon le communiqué publié à la fin du sommet. « Le travail préparatoire sur d’autres chapitres pourrait commencer » ensuite en 2016, est-il ajouté, même si cela se fera « sans porter préjudice à la position des États membres ». Ces précautions dans la rédaction du texte visent à surmonter les réticences toujours très fortes de certains, comme la Grèce et surtout Chypre.
D’autres États membres craignent aussi de donner l’impression que l’Europe abaisse ses exigences vis-à-vis d’Ankara, au moment où l’UE fustige « les graves reculs » de la liberté d’expression en Turquie. Ce sommet « ne nous amènera pas à oublier les divergences qui subsistent encore avec la Turquie sur les droits de l’homme ou la liberté de la presse, nous y reviendrons », a insisté Juncker.
« C’est un jour historique pour notre processus d’adhésion à l’UE », s’est néanmoins enthousiasmé le chef du gouvernement turc, Ahmet Davutoglu. « Je suis heureux de voir que tous mes collègues en Europe sont d’accord sur le fait que la Turquie et l’UE ont le même destin », s’est-il félicité à l’issue du sommet.
Les Turcs auraient préféré que d’autres chapitres de négociations d’adhésion soient clairement désignés dans les conclusions. « Malgré cela, ce sommet est une réussite de notre point de vue », a indiqué une source gouvernementale turque.
Sur le plan financier, les Européens ont aussi laissé dans le flou les détails de leur aide de 3 milliards d’euros. La déclaration finale du sommet précise qu’il s’agit d’une somme « initiale ». Pour les Turcs, qui disent avoir déjà dépensé 7 milliards d’euros pour accueillir les réfugiés, il ne s’agit que d’un début, et il faudrait 3 milliards par an. Mais pour certains États européens, il était hors de question de promettre plus.