Et les Etats-Unis volent au secours de leur allié turc.
Parfois, la politique de « rendre la balle » à l'adverse verse dans la bêtise. C’est le cas de la plus récente réplique du président turc aux accusations russes contre lui et des membres de sa famille d’être impliqués dans l’achat du pétrole pillé par la milice wahhabite takfiriste Daesh (Etat islamique) aussi bien de Syrie et d’Irak. Mais c’est aussi le cas des Etats-Unis qui sont accourus au secours de leur allié turc, pour blanchir son image ternie par les révélations russes.
Acculé par les accusations russes étayées par des images prises à partir de drones de reconnaisance, Erdogan n’a rien trouvé d’autre que de rendre la balle à la Russie, en disant qu’il détient lui aussi des preuves sur son implication dans le trafic du pétrole de Daesh.
Il cite notamment le nom d’un homme d'affaires syrien George Haswani, "titulaire d'un passeport russe", qui bénéficierait selon lui des ventes de brut extrait par Daesh des puits qu'ils contrôlent en Syrie et en Irak, pour le compte du gouvernement syrien.
Ce sont les Américains et les Européens qui ont ouvert l’œil sur Haswani, en le frappant par des sanctions.
Erdogan en mauvaise posture
Cette preuve turco-américaine ne fait certes pas le poids face à celle fournie par la Russie, rendant compte de trois itinéraires principaux.
Mais elle montre le niveau de falsification dans laquelle le leader turc peut tremper, quant il se trouve en mauvaise posture.
D'autant que son honnêteté est plus entachée que jamais par les révélations sur la livraison d’armements aux milices en Syrie, et ses tentatives de faire emprisonner les journalistes qui avaient fait ces découvertes. Du moins pour les Russes.
"Nous connaissons la valeur des paroles d'Erdogan. Il a été déjà pris une fois en flagrant délit de mensonge par les journalistes turcs qui avaient révélé la livraison par la Turquie d'armes aux terroristes, sous couvert d'aide humanitaire. Pour cette raison les journalistes ont été emprisonnés. Les dirigeants turcs, notamment Erdogan, ne démissionneront pas et ne reconnaîtront rien, même si leurs visages sont souillés par le pétrole volé ", a martelé le vice-ministre Anatoli Antonov, rapporte Sputnik.
Antonov venait de rapporter une énième fois ce que les dirigeants russes s’alternent à dire depuis l’avion russe abattu au dessus de la Syrie.
"La Turquie est le principal consommateur du pétrole volé en Syrie et en Irak. Selon les informations recueillies, le président turc Erdogan et sa famille sont impliqués dans le système de trafic de pétrole volé par l’EI en Syrie", a-t-il déclaré.
En même temps, le ministère de la Défense russe présentait ses preuves que la Turquie est le point d'arrivée du pétrole syrien provenant des gisements contrôlés par Daesh : les photographies des convois de camions-citernes transportant du pétrole jusqu'à la frontière entre la Syrie et la Turquie.
Trois itinéraires sont mis au clair.
Premier itinéraire
Le premier, rapporte Sputnik , est l'itinéraire ouest qui est principalement utilisé de nuit afin de transporter les hydrocarbures produits dans les gisements situés près de la ville de Raqqa, fief de Daesh dans le nord-ouest de la Syrie, à travers les villes frontalières d'Azaz (Syrie) et Reyhanli (Turquie) vers les ports turcs d'Iskenderun et Dörtyol.
Sur la photo prise le 13 novembre dernier, (photo à droite) on peut voir l'accumulation des véhicules automobiles transportant des produits pétroliers sur la route reliant la Turquie et la Syrie, près de la ville d'Azaz.
Sur la photo prise le 16 novembre dernier, (photo à gauche) on peut voir une accumulation au moins de trois cent soixante camions et véhicules lourds dans la région de Reyhanli, à proximité de la frontière syrienne.
Toujours selon le ministère russe, le renseignement spatial a également révélé qu'après avoir traversé la frontière, les camions-citernes et les véhicules lourds chargés du pétrole se dirigeaient vers les ports d'Iskenderun et de Dörtyol, équipés de quais spécialisés pour les pétroliers.
Une partie du pétrole est chargée à bord des navires et envoyée pour traitement hors de Turquie, et le reste est vendu sur le marché intérieur.
Deuxième itinéraire
Le deuxième itinéraire démarre dans les champs pétrolifères sur la rive droite de l'Euphrate. La ville de Deir ez-Zor (en Syrie) est l'un des centres de production de pétrole contrôlés par Daesh. Elle abrite de nombreuses raffineries. (Photo à droite)
Une accumulation de camions-citernes est constamment enregistrée dans cette région. Le ministère russe a présenté des images de colonnes de véhicules à courte distance les unes des autres.
Les images prises le 18 octobre dernier dans les environs de Deir ez-Zor par le renseignement par satellite ont permis de découvrir au moins 1.722 camions-citernes garés essentiellement sur des parkings non aménagés en dehors des routes.
Leur nombre s'est considérablement réduit depuis le début des frappes russes contre les sites d'infrastructure pétrolière tenus par Daesh, selon les militaires russes.
Après avoir fait le plein de pétrole, les convois venant des régions orientales de la Syrie vont vers la frontière turque et y attendent leur tour.
Les images prises au mois d'août présentent des centaines de camions-citernes et de poids lourds allant vers la frontière turque et vice-versa.
Une grande partie du pétrole transféré des régions orientales de la Syrie arrive à la raffinerie turque de Batman, à 100 km de la frontière syrienne.
Troisième itinéraire
Quant au troisième itinéraire de transport du pétrole vers la Turquie prend sa source dans les champs de pétrole situés dans le nord-est de la Syrie et dans le nord-ouest de l'Irak. Il passe à travers les villes frontalières de Karatchok et de Cham Khanik sur le territoire syrien et à travers les villes irakiennes de Tavan et de Zakho.
Les camions-citernes traversent la frontière turco-syrienne sans discontinuer dans la région de la ville irakienne de Zakho, d'où le pétrole est envoyé aux raffineries, dont la plus proche est située à Batman, ou dans le plus grand centre logistique de cet itinéraire, situé près de Silopi.
Le coup de main américain à Erdogan
Face à ces accusations russes antiturques, les Américains sont montés au créneau pour défendre leur allié turc.
Selon la porte-parole du Pentagone, Elissa Smith, le ministère américain de la Défense n'a aucune preuve de l'implication de la Turquie dans le trafic de pétrole avec Daesh.
Selon elle, bien au contraire, la Turquie déployait en commun avec ses partenaires internationaux des efforts pour renforcer le contrôle à sa frontière avec la Syrie.
Dans la relation USA-Daesh, il est vrai que les Américains sont dans une situation aussi suspecte que les Turcs. Depuis qu’ils dirigent leur coalition internationale de 60 pays contre cette milice en 2014, ce n’est que dernièrement qu’ils se sont mis à bombarder son trafic de pétrole, directement après que les Russes s’y sont mis. Et leurs frappes contre ses positions en Irak se sont aussi marquées par leur faible intensité.
Trempés dans la collusion avec Daesh, ils n'ont d'autre alternative que de prendre la défense de leur allié, pour se couvrir en même temps.