Pourtant, les medias turcs proches du pouvoir font tout pour cacher la version russe des faits.
Le 2 décembre, le journaliste islamiste turc Abdurrahman Dilipak a posté sur son compte Twitter un sondage sur le thème: "Qui achète le pétrole de Daesh?". Trois réponses étaient proposées: la Turquie d'Erdogan, la Russie de Poutine et la Syrie d'Assad.
Les résultats ont été inattendus pour M. Dilipak. Le sondage a réuni en une heure près de 18.000 personnes: 78% d'entre elles ont cité la Turquie d'Erdogan, 12% la Russie de Poutine et 10% la Syrie d'Assad.
Après s'être aperçu que les résultats étaient défavorables au président turc, M. Dilipak a supprimé son tweet.
Or, l'ambassade de Russie en Turquie avait eu le temps de faire une capture d'écran et de la publier sur son compte officiel.
"En voilà un sondage curieux! Les résultats ont été recueillis en une heure…", a indiqué la mission diplomatique russe.
Pourtant M. Dilipak est un chroniqueur du journal islamiste Yeni Akit, et est connu ses relations étroites avec le président Erdogan qu’il désire voir rétablir le califat aboli par Kemal Atatürk et accéder à la dignité de calife.
En réponse , il a accusé le Parti de la justice et du développement (au pouvoir en Turquie) de "fournir une information insuffisante à la population du pays au sujet de l'achat de pétrole à Daesh".
En effet, la censure des preuves présentées par la Russie et qui acculent au pied du mur les autorités truques dans cette affaire bat son plein dans les médias progouvernementaux turcs.
Ils ont passé sous silence les révélations faites le 2 décembre par le ministère russe de la Défense et portant sur l'implication de la Turquie, et notamment du président Erdogan et de sa famille dans la contrebande de pétrole de Daesh.
Ils ont préféré publier la réaction des Etats-Unis aux déclarations de Moscou, alors que les médias de gauche ont accordé beaucoup d'attention aux preuves russes attestant que la Turquie collabore avec les terroristes de Daesh.
Critiques contre le "vaisseau amiral des médias turcs"
Le quotidien Hürriyet, qu'on appelle souvent le "vaisseau amiral des médias turcs" s'est abstenu de publier les données du vice-ministre russe de la Défense Anatoli Antonov concernant les itinéraires de transport de pétrole de contrebande syrien vers la Turquie.
Indignés par ce silence, les lecteurs du journal ont créé un sujet baptisé "Censure dans le quotidien Hürriyet le 2 décembre 2015" dans le réseau social populaire Ekşi Sözlük quelques heures après la fin du point presse du ministère russe de la Défense.
"Ils (les journalistes de Hürriyet) ne comprennent pas que leur quotidien finira par devenir une feuille d'information du gouvernement sous les pressions d'Erdogan et de son parti AKP. On cessera de leur faire confiance et personne ne lira plus cette édition", lit-on notamment dans un commentaire.
"Il n'y a plus aucune raison de suivre les publications des médias turcs. Si vous souhaitez obtenir des informations dignes de foi, il ne vous reste qu'à consulter des journaux étrangers et un petit nombre d'éditions locales", ajoute un autre lecteur.
Le quotidien Hürriyet est resté fidèle à sa stratégie en publiant jeudi à sa "Une" une nouvelle sur les entretiens américano-turcs sur la frontière syrienne. Quant aux révélations du ministère russe de la Défense, le journal n'a fait que mentionner la réaction de Washington aux preuves fournies par Moscou.
La réaction US est-elle la seule digne d'attention?
Un autre journal influent turc, Milliyet, a aussi passé sous silence les vidéos et photos rendues publiques à Moscou, se limitant aussi à couvrir la réaction des Etats-Unis aux révélations du ministère russe de la Défense.
Dans le même temps, les deux journaux ont publié un article présentant les Turkmènes syriens comme des "victimes de bombardements russes".
Le journal Vatan a consacré sa Une aux entretiens entre la Turquie et le Qatar sur les livraisons de gaz naturel, présenté comme une alternative au gaz russe, et affirmé que la Russie livrerait des armes aux Kurdes syriens du Parti de l'union démocratique.
Le quotidien Türkiye proche du président Erdogan a aussi publié des articles à ce sujet.
Le journal Star a été la seule édition progouvernementale turque à évoquer les déclarations de Moscou à la Une. Toutefois il a aussi mis l'accent sur la réaction des Etats-Unis qualifiant les preuves fournies par Moscou de mal étayées. Star a également publié des articles intitulés "La Russie fournit des armes au PKK" (Parti des travailleurs du Kurdistan-ndlr.) et "La Russie bombarde les Turkmènes syriens".
Les chaînes de télévision et radios influentes du pays ont suivi l'exemple des journaux progouvernementaux.
Médias de gauche: "les déclarations de Moscou censurées"
Toutefois, le site réputé de tendance gauche SoL a accordé une grande attention aux déclarations faites le 2 décembre par le vice-ministre russe de la Défense.
SoL a notamment souligné que l'Occident dispose des preuves sur le trafic de pétrole de l'EI en Turquie et a publié des articles de la presse occidentale portant sur les liens entre Ankara et les miliciens de Daesh.
SoL a attiré l'attention de ses lecteurs à la décision des médias pro-Erdogan de cacher les déclarations de Moscou.
Fraternité Daesh-AKP
Quant au journal de gauche BirGün, il a publié un article intitulé "Fraternité pétrolière de Daesh et du parti AKP". "Erdogan, qui a décidé d'abattre l'avion russe en comptant sur l'Otan, s'est retrouvé au pied du mur", indique l'édition.
Les journaux Sendika, Bianet et Diken ont aussi partagé en ligne les données du ministère russe de la Défense.
Avec Sputnik