L’historien français Roland Lombardi explique pour Russia Today les raisons de ses réserves sur les r6elles motivations d’une telle coalition
Les 34 pays souhaitent une alliance militaire pour combattre le terrorisme, avec un centre de commandement basé à Ryad pour «soutenir les opérations militaires ».
Or nombre des pays membres de cette nouvelle coalition sont soupçonnés de financer directement ou indirectement le terrorisme et l’Etat islamique.
Roland Lombardi, docteur en histoire, chercheur associé à l’IREMAM Aix-Marseille université et analyste pour JFC-Conseils, n'est pas surpris par la coalition car l’Arabie saoudite a une certaine influence dans les 34 pays cités.
« Pour l’instant cette coalition est plus un effet d’annonce et un geste diplomatique qu’une volonté de mettre en place une réelle coalition militaire », a-t-il estimé.
Il juge que beaucoup de ces pays sont incapables de mener des combats au niveau terrestre comme le Sénégal ou la Malaisie.
Le cas de l’Arabie saoudite
Alors que le pays vient d’être promu au Conseil des droits de l’Homme à l'ONU, et ce malgré le nombre d'exécutions record cette année, sa position vis-à-vis des terroristes reste floue. Le pays a été accusé de financer l’Etat-islamique dans ses débuts. Aujourd’hui elle est encore soupçonnée d’aider Daesh via des financements indépendants.
Pour Roland Lombardi, elle joue une sorte de double-jeu : « Cette coalition est un moyen pour l’Arabie saoudite de revenir dans le jeu diplomatique »
D’un côté le roi Salmane, récemment arrivé à la tête du pays, souhaite mener une vraie action contre l’Etat islamique, mais d’un autre certains princes et unitaires religieux qui sont en guerre ouverte avec le roi en place, continuent de financer les «rebelles » syriens et les combattants d'Al-Nosra.
Cependant, il faut rappeler que l’Etat islamique a menacé directement le royaume saoudien. « Il est compliqué d’y voir clair dans le jeu saoudien » explique-t-il.
Dans un livre choc, Bernard Squarcini l’ancien patron des renseignements intérieurs français révélait que l’Arabie saoudite finançait le terrorisme en Syrie et en Algérie. Il écrit « Bandar Ben Sultan, chef des renseignements saoudiens, était derrière le financement des groupes djihadistes en Afghanistan, en Syrie, au Liban, en Egypte, au nord de l’Afrique ».
L'Arabie saoudite est déjà au cœur d'une coalition dans l’opération au Yémen contre les rebelles houthis. A ses côtés le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, l'Egypte, le Maroc, la Jordanie et le Soudan. Ses frappes aériennes qui ont notamment détruit un hôpital de Médecins sans frontières à Saada, au nord du Yémen, ont été condamnées par Ban Ki-moon le secrétaire général de l'ONU. Selon les estimations de l'ONU la guerre au Yémen a déjà tué 5 000 personnes.
La Turquie et le pétrole de Daesh
Le groupe Etat islamique produit chaque année des dizaines de milliers de barils de pétrole, selon une grande enquête du Financial Time. Ces derniers seraient revendus aux pays voisins, dont principalement la Turquie et le Kurdistan irakien. Déjà en juin 2014, Ali Edibogluan, un député de l’opposition turque affirmait que les jihadistes avaient vendu pour 800 millions de dollars en Turquie.
Roland Lombardi pense qu’il est périlleux de faire confiance aux turcs sur ce sujet-là, car leur position est très ambiguë.
Le Qatar veut redorer son blason
Le Qatar est très proche des pays européens notamment de la France. Sa venue dans la coalition est un moyen pour le pays de redorer son blason explique Roland Lombardi. « Le Qatar est revenu sur ses financements de certaines milices peu recommandables ». Cependant, il soulève que le pays fait face aux mêmes problèmes que l’Arabie saoudite, à savoir que certains princes pourraient aider le terrorisme.
En 2012, le Canard enchaîné, à la foi d’une source de la Direction du renseignement militaire français révélait que le pays finançait Al-Qaïda au Maghreb islamique. Le pays a même été qualifié de « club Med des terroristes » par le Courrier International. Le Trésor américain a même apporté la preuve de ces accusations dans un document qui montre comment l’argent du Qatar a permis à certains terroristes de rejoindre la Syrie.
Les autres membres
L’Egypte, la Jordanie ou encore les Emirats Arabes-Unis font également partie de cette grande coalition islamique. Ces derniers ont un réel intérêt. D’après le docteur en histoire ils « sont confrontés directement au terrorisme. Leur engagement est sincère, ce sont des pays solides sur qui on peut compter. Après, il ne faut pas qu’ils deviennent les jouets de l’Arabie saoudite ».
Pour le moment la coalition islamique n’existe que sur le papier, le temps nous dira si ces pays membres ont de réelles intentions d’agir sur le terrain et si oui par quels biais tactiques.
Source : Russia Today